Massothérapie

Le Spa de la Rue, succès exponentiel

Une pionnière comme Jocelyne Lafleur a ouvert la voie, mais Gérard Piquemal, créateur et directeur de l’organisme Le Spa de la Rue, a donné de l’envergure à cette idée de soins de massothérapie pour les plus démunis.

Tout a commencé il y a une dizaine d’années pour le praticien de 63 ans. « À l’époque, j’étais massothérapeute à Tremblant, dans un spa luxueux. Chaque jour, je voyais le même vieil homme, toujours assis sur le même banc. Il vivait visiblement dans une situation de grande précarité et je voyais, à ses mains déformées, qu’il souffrait beaucoup d’arthrite. » Gérard savait que ses habiletés pouvaient soulager le vieil homme, « mais un massage dans le spa où je travaillais coûtait 115 $, autant dire totalement inaccessible pour lui. J’ai fini par traverser la rue pour aller le masser. Ses douleurs ont alors très nettement diminué. »

Ce premier patient de la rue a entraîné une totale remise en question pour Gérard Piquemal.

« Quand on a la capacité de soulager, on se doit de le faire, surtout envers ceux qui en ont le plus besoin, itinérants, personnes âgées… » —Gérard Piquemal

L’idée a fait son chemin et en 2012, il a lancé Le Spa de la Rue. « Quand nous avons commencé, il y avait moi et un autre massothérapeute. Six mois plus tard, il y avait déjà dix thérapeutes. » Pour entrer en contact avec ses patients, l’organisme compte sur une quinzaine de structures déjà existantes (Accueil Bonneau, Maison du Père, etc.) qu’il investit pour des sessions de trois heures. Et les bienfaits se font aussitôt sentir. « Les gens qui travaillent avec ces personnes nous ont tout de suite dit à quel point notre action améliorait les choses, que de vieilles douleurs disparaissaient, que les personnes demandaient moins de pilules pour dormir… » Pour Gérard Piquemal, l’action du Spa de la Rue offre également un autre accomplissement : « C’est aussi très bénéfique pour les massothérapeutes diplômés et les élèves que nous avons, tous bénévoles. Ils se sentent réellement utiles. »

UNE INITIATIVE QUI A FAIT DES PETITS

Un modèle gagnant-gagnant qui en fait aujourd’hui un succès retentissant. Né sur l’île de Montréal, le concept a essaimé à Laval et Sherbrooke et devrait bientôt voir le jour à Trois-Rivières, Québec et Drummondville. Mais l’idée a aussi franchi l’océan pour trouver un écho en France, à Nantes, Pau, Toulouse ou Montauban et prochainement à Lyon, Marseille et Bayonne : « On est aussi en train de penser à Vancouver et à la Californie avec des Street Spa », énumère le directeur. 

Pour couvrir les besoins de Montréal et Laval, le Spa de la Rue peut aujourd’hui compter sur une équipe de 50 bénévoles pour se relayer et offrir pas moins de 3200 soins par an.

De bonnes nouvelles qui ne font pourtant pas oublier les mauvaises à Gérard Piquemal : « C’est un sentiment de révolte qui a amené cette idée. Le bien-être que nous pouvons apporter est, en dehors d’initiatives comme la nôtre, totalement inaccessible. Or, c’est le type de soins qui peuvent soulager les patients, redonner de l’autonomie à certains, diminuer la consommation de médicaments et l’engorgement du système de santé. Il y a une médecine à deux vitesses aujourd’hui et, avec les décisions et les coupes que nous connaissons en ce moment, les écarts se creusent à une vitesse incroyable. »

Pour l’heure, le Spa de la Rue repose entièrement sur le bénévolat et sur l’aide d’entreprises comme le Spa Amerispa, qui offre du matériel de spa usagé, ou Zayat Aroma, qui fournit l’organisme en huiles de massage et en huiles essentielles. Mais Gérard Piquemal amorce aujourd’hui les démarches pour tenter d’obtenir des subventions, « tant la demande est grandissante ». Un succès qui indique aussi que l’itinérance n’est pas en baisse.

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