Mon clin d'œil 

Durant les vacances de la relâche scolaire, Justin Trudeau songerait à aller au Village de Valcartier et Rona Ambrose à Marineland.

Opinion : Agriculture

L’avenir de nos terres agricoles se joue au Sénat

Le Sénat se penche actuellement sur la question de l’acquisition de terres agricoles au Canada et sur ses retombées potentielles sur le territoire agricole.

Nos terres agricoles ne devraient être utilisées que pour nous nourrir, sans autre considération possible. Elles constituent une ressource naturelle au même titre que nos forêts, notre pétrole et nos mines. Contrairement au pétrole et à son transport – un sujet qui capte l’attention des médias –, l’acquisition et l’exploitation des terres agricoles ne suscitent pas l’intérêt de la population. En effet, il est dommage que l’abondance alimentaire dans laquelle nous vivons fait en sorte que nous oublions ceux qui cultivent nos terres.

Les médias ont parlé de l’acquisition de terres agricoles par des fonds d’investissement ou des gens de l’extérieur du pays. Il est vrai que cela se produit ici, mais c’est également une réalité au sein de plusieurs autres pays. Bien que ce sujet fasse souvent l’objet de discussions, il ne s’agit toutefois pas d’un d’enjeu auquel beaucoup de personnes se sont attardées, car il est extrêmement difficile de quantifier les transactions privées entre individus.

Des valeurs sûres

Il demeure que l’essentiel des transactions de terres agricoles se fait entre producteurs. C’était autrefois le cas et c’est encore plus vrai aujourd’hui. En ce qui a trait aux investisseurs étrangers, ce phénomène était plus important il y a quelques années, en raison de l’instabilité des marchés financiers. Dans de tels cas, les investisseurs tendent à se rabattre sur des valeurs sûres. Les terres agricoles font partie de ces valeurs. Leur nombre étant limité, surtout dans un pays nordique comme le nôtre, le rendement (augmentation de la valeur) des terres agricoles est presque assuré.

Par ailleurs, les besoins de production entraînent une pression constante à la hausse ; ainsi, la demande pour les terres agricoles demeure élevée. Ajoutons à cela quelques grands investisseurs qui viennent déstabiliser le marché et nous assistons à une augmentation des prix de 15, 20, voire 30 % dans certaines régions.

Pour les investisseurs, il s’agissait d’un investissement rêvé, qui ne pouvait se volatiliser et qui offrait des rendements intéressants.

Pour les producteurs qui se procuraient ces terres, cette enchère devenait coûteuse. Cette augmentation de valeur ne se traduisait pas en augmentation de rendement ou de profit. Les investisseurs s’assuraient non seulement d’un profit à la revente, mais également de revenus de location intéressants, tant qu’ils demeuraient propriétaires. Ainsi, selon eux, il était plus difficile de mettre en cause les investisseurs hors du milieu agricole pour les prix des terres.

Souvent, ces investisseurs achetaient des terres pour les louer à de jeunes producteurs de la relève. Si l’idée est noble, elle doit néanmoins être mieux définie et encadrée par la société. Bien que ces investisseurs puissent agir en tant que catalyseurs dans le démarrage de nouvelles entreprises agricoles pour cette relève ne possédant pas les moyens suffisants pour se procurer des terres, une telle façon de faire risque d’entraîner un retour au système seigneurial, où les propriétaires terriens ne sont pas les exploitants des terres. Plusieurs pays fonctionnent de la sorte et possèdent malgré tout une agriculture bien vivante. Ainsi, nous devons, en tant que société, nous interroger quant à la direction que nous souhaitons prendre.

Le Sénat cherche à savoir quelles sont les retombées possibles sur le secteur agricole. Parmi nos partis politiques fédéraux, y en a-t-il un qui ait réfléchi à l’importance d’exercer un contrôle sur nos terres agricoles ? Peut-être ont-ils gardé ce sujet à l’extérieur du débat, la propriété des terres agricoles étant de compétenc provinciale ? À l’heure actuelle, seulement sept provinces et territoires se sont dotés d’une législation à l’égard de la propriété des terres agricoles et, de ce nombre, seulement deux ont émis des restrictions sur l’achat de terres agricoles par des entités commerciales non agricoles canadiennes.

Il serait sans doute important que nos politiciens fédéraux, sans entrer dans un champ de compétence provinciale, établissent les fondements d’un modèle qui permettrait aux producteurs agricoles de continuer à produire sur leurs terres sans devoir lutter contre des capitaux étrangers. C’est sur ce point qu’un encadrement clair est nécessaire pour qu’une politique agricole nationale puisse être efficace.

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