Opinion : Eau

Le parasitisme ne peut plus durer

Bien que riche en eau douce, le Québec doit la consommer judicieusement et assurer sa protection

« Si tu bois l’eau de la vallée, respecte les lois de la vallée. » – Proverbe tibétain

Au-delà de sa formule chimique H2O, nous savons peu de choses sur l’eau. Nous savons tous qu’elle est essentielle à la vie. Elle coule dans nos veines et celles de la Terre depuis bien longtemps. L’eau est omniprésente. Formidable solvant, lentement et assurément, elle érode et transporte tout sur son passage, que vous le vouliez ou non.

De l’amont vers l’aval, en retournant vers l’amont, elle complète son cycle perpétuel par l’évaporation des océans jusqu’aux précipitations.

Globalement, depuis la révolution industrielle, et particulièrement depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’eau n’a jamais subi autant de modifications et d’altérations par l’espèce humaine.

Le cycle de l’eau évolue au gré des changements environnementaux, notamment ceux qui sont liés au climat.

Sa distribution est bien inégale et le Québec en est riche, avec plus de 3 % des réserves d’eau douce du globe. Située essentiellement dans les glaciers, elle se retrouve dans les eaux souterraines et, en faible proportion, dans les eaux de surface comme les fleuves. Ressource indispensable et bien commun inaliénable, l’eau n’est pas une marchandise et ne doit jamais le devenir.

Ciblons l’amont sans délaisser l’aval

Tant d’énergie déployée par tant de personnes talentueuses afin de trouver des solutions en aval lorsque les problèmes fondamentaux se trouvent en amont.

Soyons cohérents et responsables, ciblons le cœur de nos problèmes environnementaux et économiques. Dans plusieurs sphères de la société, des hommes et des femmes brillantes s’efforcent de trouver des remèdes miracles, aux coûts exorbitants, pour des maux qu’ils ne pourront pas résoudre en pratique. Pourquoi ? Parce qu’ils ne visent pas le cœur du problème. Qui plus est, on ferme les yeux ou l’on combat directement ceux qui veulent agir à la source du problème.

Par exemple, dans la lutte contre les changements climatiques, certains apprentis « géosorciers » du climat opteront pour des « solutions » situées à l’aval du problème, comme en suggérant la fertilisation des océans. Cette méthode consiste à injecter des particules de fer afin d’augmenter la prolifération des phytoplanctons qui, par leur existence, viendront augmenter la capacité des océans à capter le dioxyde de carbone. Les conséquences écologiques de cette opération – perturbation potentielle des cycles géochimiques et des écosystèmes marins – sont telles que le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Lorsque la solution comporte plus de problèmes que le problème lui-même, il est temps de prendre une pause et de réfléchir collectivement. Il en est ainsi avec les dispersants chimiques qui servent à fractionner une nappe d’huile lors d’une marée noire. Le cas de la gigantesque marée noire causée par la British Petroleum est un autre exemple où, pour des raisons économiques et de relations publiques, il y a eu aggravation du problème en augmentant la contamination du milieu au lieu de la diminuer.

Le cœur du problème

La consommation extrême des hydrocarbures est, de manière générale, la principale menace à l’environnement et, plus spécifiquement, à la qualité de l’eau. La crise écologique, créée et alimentée par les pays occidentaux, est symptomatique d’un régime parasitaire où nous prenons tout et nous redonnons essentiellement des déchets.

En écologie, il existe un concept nommé commensalisme. Brièvement, le commensalisme désigne une relation où une espèce profite de la nourriture ou de l’habitat d’une autre espèce sans lui nuire pour autant. Par exemple, un écureuil roux (le commensal) faisant son nid au sein d’un érable à sucre (l’hôte) profite de l’habitat que représente l’arbre sans lui apporter ou lui enlever quelque chose en particulier. Nous devons tendre vers cette relation avec notre milieu si nous voulons augmenter nos chances de perdurer au sein de la biosphère. Chose certaine, le parasitisme ne peut plus durer. Nous avons amplement manifesté notre présence, nous devons être plus discrets désormais…

L’invasion des sables bitumineux, du pétrole de schiste et le déploiement forcé et imposé des énergies fossiles, sur le sol québécois et ailleurs, nous amènent dans une direction diamétralement opposée. Nous devrions opter pour une consommation judicieuse de l’eau et assurer sa protection. Tels des salmonidés, remontons vers l’amont afin d’y laisser des bienfaits porteurs d’avenir comme de nous mobiliser afin d’exiger que le gouvernement abandonne le développement de la filière des hydrocarbures au Québec et qu’il amorce le véritable projet de société du XXIe siècle : celui de faire du Québec un État décarbonisé.

À nous de faire le nécessaire afin de préserver cette inestimable richesse collective qu’est l’eau.

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