C’est l’impasse dans la construction

Tout est en place pour une loi spéciale

L’Alliance syndicale a mis fin aux discussions en fin d’après-midi, hier, dans tous les secteurs de l’industrie de la construction. C’est l’impasse totale. Tout indique que l’on se dirige vers une loi spéciale pour forcer le retour au travail de 175 000 syndiqués, en grève depuis mercredi matin.

La ministre du Travail, Dominique Vien, l’a répété hier un peu avant 18 h. « Je ne peux qu’exprimer ma déception devant l’absence d’entente. Cette situation est très critique pour l’économie québécoise et à cause de dirigeants d’associations patronales et syndicales qui n’ont pas réussi à s’entendre, notre gouvernement a le devoir d’agir et nous le ferons dès demain [aujourd’hui] », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

« On s’est fait niaiser par les patrons »

La partie syndicale a refusé l’offre dite finale de l’Association de la construction du Québec (ACQ) et a annoncé une manifestation à Québec aujourd’hui.

L’ACQ est l’association patronale qui est responsable des négociations dans les secteurs industriel et institutionnel-commercial. Elle avait déposé une offre finale à 13 h hier dans laquelle la partie patronale renonçait à ses principales demandes concernant les horaires de travail et les heures supplémentaires.

L’Alliance a qualifié de « niaisage » et de « n’importe quoi » les propositions de la partie patronale en matière de conciliation travail-famille, sans donner de détails, toutefois.

La coalition syndicale a par la suite mis fin aux négociations des autres tables sectorielles : soit le résidentiel ainsi que la voirie et le génie civil.

« Le secteur résidentiel a été victime du jeu politique de l’Alliance syndicale, croit François-William Simard, vice-président, développement stratégique et communications, de l’Association professionnelle de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). L’Alliance voulait le plus gros mouvement de grève. Il y avait un mot d’ordre de ne signer dans aucun secteur tant qu’il n’y avait pas d’entente dans l’industriel et l’institutionnel-commercial. »

M. Simard en tient pour preuve l’absence de compromis de la part des syndiqués sur la question salariale, principale pierre d’achoppement dans les négociations dans le secteur résidentiel.

« À 13 h dimanche, l’Alliance nous a fait une contre-offre qui était la même que celle qu’elle nous avait faite à 23 h mardi. La ministre du Travail avait demandé aux parties mercredi de faire chacun un bout de chemin. L’APCHQ a bonifié son offre, mais la partie syndicale n’a fait aucun compromis. »

Hier, l’APCHQ proposait une hausse du salaire de 1,9 % par an en moyenne pendant quatre ans. La demande de l’Alliance variait entre 2,3 % et 3 %, selon les métiers.

À la table de la voirie et du génie civil, où les négos avaient commencé hier matin et se poursuivaient toujours après 15 h 30, l’Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec (ACRGTQ) a assisté, impuissante, au départ de la partie syndicale vers 16 h 30. « L’Alliance s’est retirée de la table », a indiqué Christian Croteau, responsable des communications de l’ACRGTQ.

Quel sera le contenu de la loi spéciale ?

Il faudra voir maintenant quelle sera la couleur de la loi spéciale. Dans notre numéro de vendredi, un spécialiste des relations de travail exhortait le gouvernement à ne pas répéter la même erreur que le gouvernement péquiste de 2013, qui avait réglementé seulement l’aspect salarial sans toucher au normatif.

Par clause normative, on entend toute clause qui ne touche pas aux salaires, comme l’aménagement du temps de travail, la productivité sur les chantiers et les dispositions entourant les heures supplémentaires. Cette année, comme c’était le cas lors de la grève de 2013, ce sont surtout les patrons qui ont des demandes sur le plan normatif.

«  Les objets de négociation qui n’ont pas été réglés, notamment les demandes patronales et syndicales sur les clauses normatives, devraient être déférés à un arbitre de différends », proposait Alain Barré, professeur de droit du travail au département des relations industrielles de l’Université Laval.

Du côté du syndicat, on a répété hier qu’une loi spéciale était antidémocratique. Il a mis en garde le gouvernement qui a annoncé sa volonté de mettre fin au conflit par une loi spéciale. Les syndiqués seront à Québec aujourd’hui. « On est nombreux et on va se rappeler ce qui s’est passé », a dit le porte-parole de l'Alliance syndicale, Michel Trépanier.

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