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Édition du 9 février 2017,
section ACTUALITÉS, écran 3
Le tableau Jeune homme en Bacchus est l’œuvre du peintre Jan Franse Verzijl (1599-1647), adepte du courant caravagiste pendant ce qu’on appelle le « Siècle d’or néerlandais ». Une œuvre « très rare et très particulière », évaluée grossièrement à environ 50 000 euros (70 000 $), selon le galeriste Massimiliano Caretto, de Turin, qui en a été le dernier acquéreur avant l’intervention du FBI.
Avant de s’établir à Montréal dans les années 40 et de devenir progressivement le représentant de géants comme Borduas, Riopelle et Cosgrove, Max Stern était marchand d’art à Düsseldorf. Parce qu’il était juif, le régime nazi l’a contraint à vendre toute sa prestigieuse collection. Jeune homme en Bacchus a été acquis par un certain Wilhelm Putzer. C’était en 1936. Surveillé par la Gestapo, Max Stern a fui l’Allemagne avec une valise comme seule possession, l’année suivante. Le FBI considère que toutes les œuvres de Stern écoulées lors de cette vente forcée ont été volées.
Avec la guerre, la trace de l’œuvre a été perdue. Selon ce qu’a raconté Massimiliano Caretto à La Presse hier, elle s’est retrouvée dans une vente aux enchères à Londres, au cours des années 80. Les documents indiquaient qu’elle venait d’une fortune privée sans préciser comment elle avait été acquise. Achetée par un collectionneur privé italien, elle a ensuite été revendue une vingtaine d’années plus tard à la galerie Caretto & Occhinegro, de Turin.
Même lorsqu’elle était dans le catalogue de Max Stern à Düsseldorf, la toile avait été erronément attribuée à un autre peintre néerlandais, Salomon de Bray. Ses nouveaux propriétaires ont collaboré avec un chercheur spécialisé qui a permis de découvrir, en 2015, qu’elle était plutôt l’œuvre de Verzijl. En mai de la même année, la galerie Caretto & Occhinegro a décidé de l’offrir en vente à l’Armory Show, prestigieux salon d’art international organisé à New York.
Le FBI a expliqué hier qu’il avait saisi la toile le 12 mai 2015, après avoir été informé de sa présence à New York pour le salon. Des enquêteurs spécialisés en art ont confirmé qu’il s’agissait bien d’une œuvre écoulée de force par les nazis. Ils ont ensuite entamé des discussions avec les vendeurs italiens, qui se sont montrés très coopératifs et l’ont cédée de leur plein gré, selon des documents de cour obtenus par La Presse. « Nous ignorions sa provenance. Dès que nous avons découvert qu’elle avait déjà été la propriété du grand collectionneur Max Stern, nous avons collaboré avec enthousiasme, pour des raisons éthiques », a expliqué Massimiliano Caretto en entrevue, hier.
Depuis la mort de Max Stern en 1987, les œuvres de son ancienne collection qui refont surface sont prises en charge par la Fondation Max-et-Iris-Stern et ses trois établissements bénéficiaires : les Universités Concordia et McGill au Québec et l’Université hébraïque de Jérusalem. Jeune homme en Bacchus est le 16e tableau récupéré à leur bénéfice. Il fera partie d’une exposition itinérante qui sera inaugurée à Düsseldorf en 2018 avant de se transposer en Israël puis à Montréal, au musée McCord. Massimiliano Caretto espère que les Québécois y assisteront en grand nombre. « Nous l’encourageons tout à fait », dit-il.