OPINION FIN DE VIE

Des drames évitables

Il faut faire en sorte que les gens, lorsqu’ils atteignent un certain âge, soient davantage conscients de l’importance de rédiger un testament biologique

Le phénomène du vieillissement de la population est encore assez récent. Il n’y a pas bien longtemps, les gens ne vivaient que très peu de temps après la fin de leur vie active.

Aujourd’hui, les personnes qui entrent dans la soixantaine vont, contrairement au passé, continuer de vivre en moyenne pendant une vingtaine d’années de plus grâce à l’amélioration des conditions de vie et au progrès des connaissances. Au Québec, au cours des 10 prochaines années, leur nombre va augmenter rapidement, soit de plus de 30 %.

La prolongation de la vie humaine constitue un changement profond dont on ne saisit pas encore tous les effets et les répercussions sur les personnes et sur notre société.

Elle soulève une foule de questions à la fois complexes et difficiles. Des questions qui ont trait à des habitudes profondément enracinées et qui suscitent, devant le changement, des résistances fort émotives.

Au sein de la population âgée, une personne sur cinq est atteinte d’une maladie chronique. Ce qui signifie que parmi les Québécois qui ont atteint 65 ans, environ 300 000 sont atteints d’au moins une maladie chronique. Heureusement, une bonne partie de ces personnes peuvent maintenir une bonne qualité de vie et demeurer actives.

Par contre, on constate que plusieurs de ces personnes sont de grands malades qui n’ont aucun espoir de retrouver la santé. Dans bien des cas, en attendant la fin de leur vie, elles endurent pendant des années de grandes souffrances physiques et mentales. Nous sommes régulièrement saisis, par la voie des médias, des terribles drames dans lesquels ces personnes et leurs proches sont plongés.

Par exemple, cette personne qui, pendant sept ans, n’a pas été en mesure de se tourner dans son lit, de se nourrir et de se laver. Malgré les demandes des proches, aucun médecin n’a accepté d’accélérer son passage vers la mort. Autre exemple, cette personne qui a souffert pendant cinq ans alors que l’issue de la maladie était fatale et que tous le savaient, famille, médecins, infirmières et autres soignants. Selon un proche, on n’accepterait pas qu’un animal soit traité de cette manière. Enfin, ce neurologue qui déplore que sa grand-mère ait été forcée d’endurer une fin interminable. Et combien d’autres situations tout aussi pénibles.

Dans tous ces cas, malgré les demandes insistantes des proches, les médecins ont refusé d’accélérer le passage à la mort. On ne peut les blâmer, car les médecins, les infirmières et les autres membres du personnel de la santé sont formés dans le sens de la vie. C’est leur mission de traiter les malades et non d’abréger leur vie. Pourtant, cet impératif thérapeutique, qui peut devenir de l’acharnement, n’est clairement pas toujours ce dont le patient et ses proches ont besoin. Au contraire, il entre en conflit avec le droit de la personne de décider comment elle entend terminer sa vie.

Il est nécessaire de noter qu’aucune des personnes n’était en mesure d’exprimer sa volonté et de refuser les soins et qu’aucune d’elles ne l’avait fait plus tôt dans sa vie alors que ses facultés lui auraient permis de le faire. Pourtant, la loi reconnaît expressément cette liberté d’une personne d’accepter ou de refuser des soins médicaux.

Les drames que vivent les personnes engagées dans la dernière étape de leur vie ne sont pas le résultat d’une carence dans la législation, mais plutôt d’une méconnaissance de la loi.

Ces situations sont dues au fait que les gens ne rédigent pas, alors qu’ils ont la capacité de le faire, des directives sur la façon qu’ils veulent terminer leur vie. Ce qui peut être effectué bien simplement au moyen du testament biologique. Un écrit dans lequel la personne demande qu’on lui évite la souffrance et que sa vie ne soit pas prolongée par des soins médicaux. Bref, elle demande de pouvoir mourir de façon naturelle.

Le testament biologique a le grand avantage de ne placer personne dans l’obligation de prendre des décisions ou de poser des gestes qui vont à l’encontre de leurs principes ou de leurs valeurs. Rien dans la législation ne s’oppose au testament biologique. Il peut de plus être modifié ou mis à jour tant et aussi longtemps que la personne a la capacité de le faire.

Pour améliorer la situation et permettre aux personnes qui le souhaitent de mourir de façon naturelle, il faut faire en sorte que les gens, lorsqu’ils atteignent un certain âge, soient davantage conscients de l’importance de rédiger un testament biologique. Toutefois, il n’appartient pas au gouvernement de prendre une telle initiative. On peut facilement imaginer ce que seraient les réactions s’il s’avisait de conseiller les citoyens sur une telle question.

Il appartient aux organismes qui œuvrent auprès des personnes âgées de les informer en temps utile et de les encourager à prendre la voie du testament biologique. S’ils ne le font pas déjà, ils pourraient leur proposer un modèle simple. Un grand service à rendre à leurs membres et à la population. Ma femme et moi avons signé, il y a déjà plusieurs années, un testament biologique.

J’aime penser que chaque fois qu’une personne demande de mourir de façon naturelle, elle libère des ressources financières et humaines que la société peut allouer aux services dont les enfants ont tellement besoin pour s’engager dans la vie.

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