changements climatiques

Des érables dans la forêt boréale ?

Pas de sitôt, estiment des chercheurs qui ont mené une étude au Jardin botanique de Montréal.

Des scientifiques prédisent que d’ici la fin du siècle, de nombreuses espèces d’arbres auront migré des douzaines de kilomètres plus au nord de leur aire habituelle en raison des changements climatiques. L’ascension nordique de l’arbre emblématique du Canada – l’érable à sucre – sera cependant freinée par les sols inhospitaliers de la forêt boréale.

C’est la découverte qu’ont faite des chercheurs à la suite d’expériences menées dans les serres du Jardin botanique de Montréal à partir de sols prélevés sur les flancs du mont Saint-Joseph dans le parc national du Mont-Mégantic. Les résultats de cette recherche sont publiés ce lundi dans la revue scientifique Journal of Ecology.

« A priori, c’est un phénomène qui ne va pas se produire naturellement ou qui va se produire beaucoup plus lentement que ce qu’on pourrait espérer. »

— Alexis Carteron, auteur principal de l’étude et doctorant du département de sciences biologiques de l’Université de Montréal

L’espèce d’arbre Acer saccharum, communément appelée érable à sucre, est très présente dans le sud du Québec, où pousse la forêt tempérée. « On a fait cette expérience au Jardin botanique pour avoir des conditions contrôlées pour que tous les semis aient le même ensoleillement et la même humidité, la même température », souligne M. Carteron.

Après deux saisons de croissance, les semis élevés dans un sol provenant de la forêt tempérée avaient 44 % plus de chances de survie que dans le sol prélevé dans la forêt boréale du Mont-Mégantic et 36 % moins de chances de survie dans un sol provenant de la zone de la forêt mixte, ont conclu les chercheurs.

« S’il n’y avait pas beaucoup de contraintes à la migration, d’ici 50 ans, il pourrait y avoir des érables plus au nord ou plus en altitude, mais à cause des différents facteurs, dont ceux du sol, dont on ignorait que c’était un frein, eh bien cette migration ne se fera pas naturellement ou, du moins, elle se fera dans une moindre mesure », affirme Alexis Carteron.

Chimie et champignons

Le pH des sols de la forêt boréale, située au nord du 49e parallèle, freine la survie de l’érable. « Le sol en forêt boréale est plus acide », précise M. Carteron.

Deuxième raison : les racines de l’érable s’associent avec des champignons mycorhiziens arbusculaires pour croître. Le sol de la forêt tempérée est plus propice à leur existence.

« Ce que l’on montre dans notre étude, c’est que, en matière de sols, deux facteurs vont ralentir la migration : les facteurs biotiques, c’est-à-dire tout ce qui est vivant, comme les micro-organismes et les champignons, et les facteurs abiotiques, donc toute la chimie du sol. »

— Alexis Carteron

D’autres facteurs pourraient aussi jouer contre la migration de l’érable à sucre, comme la présence de rongeurs dans les zones boréales, qui aiment manger les semences d’arbres.

Selon M. Carteron, des espèces comme le bouleau ou le hêtre à grande feuille auraient davantage de chances de réussir leur migration nordique que l’érable.

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