Victimes collatérales

Les répercussions de la crise du fer se font sentir dans pratiquement toutes les sphères de la société à Sept-Îles. Rencontre avec des victimes collatérales qui tentent de surnager.

STÉPHAN DUBÉ

Directeur général, salle de spectacle Jean-Marc-Dion

Les ventes de la salle de spectacle de 840 places sont inférieures du tiers à celles de l’an dernier, rapporte son directeur, Stéphan Dubé, qui ne cache pas son inquiétude. Depuis l’été dernier, un seul spectacle – une représentation du Dîner de cons, au lendemain des attentats de Paris – a fait salle comble. « On peine à remplir la salle même avec des humoristes ou Isabelle Boulay », souligne-t-il. Alors, la danse ou la musique classique, imaginez… Pour limiter les dégâts financiers – exacerbés par le fait que les commanditaires locaux ont eux-mêmes moins d’argent –, il a été forcé de diminuer le nombre de spectacles. « Je m’étais promis de ne pas le faire, mais c’est la solution logique. L’an passé, on a eu 93 représentations. On en prévoit 15 de moins cette année. C’est crève-cœur. »

VINCENT ET ALEXANDRE RANGE

Blanc Bistro

Le chef Vincent Range rêvait depuis son plus jeune âge d’avoir un restaurant. Ouvert il y a deux ans avec l’aide de son frère Alexandre – et un coup de pouce financier et logistique de leur père entrepreneur en construction –, le Blanc Bistro a connu un succès immédiat grâce à son menu recherché. Mais au cours de l’hiver, les deux frères ont revu la carte et l’ambiance de fond en comble pour démocratiser les lieux. On peut encore déguster de succulents pétoncles et magrets de canard, mais les burgers et les pizzas ont fait leur apparition. « Avant, on était un resto des grandes occasions. Là, on est devenu un resto de semaine », dit Alexandre, 25 ans. « Il y a toujours un combat entre le chef et l’entrepreneur en moi », ajoute Vincent, de trois ans son aîné. Mais c’était une question de survie : quand l’argent est rare, les repas dans les restos de luxe sont les dépenses les plus faciles à éliminer, pour les entreprises comme pour les particuliers. « Si on n’avait pas fait ce virage, on serait fermé aujourd’hui », assurent les deux frères.

PAUL BOUFFARD

Vice-président, Pascal Automobiles

Ce concessionnaire GM ne s’en cache pas : les déboires de l’industrie minière touchent directement son chiffre d’affaires. « Les ventes baissent et tu ne vends plus au même prix. Ça négocie serré », dit-il. Les nouvelles immatriculations à Sept-Îles ont diminué de 8 % en 2015, relève-t-il. Les particuliers évitent les grandes dépenses, mais les sociétés minières et leurs sous-traitants ont aussi réduit leurs achats. Pour la première fois en neuf ans, Pascal Automobiles a mis des employés au chômage pendant l’hiver. « En 2010, 2011, 2012, on jouait au-dessus de nos têtes, constate M. Bouffard. On était au peak. Là, on est dans le creux. »

GUYLAINE CARON

Directrice, Comptoir alimentaire de Sept-Îles

Au Comptoir alimentaire de Sept-Îles, 1800 familles ont bénéficié de paniers de dépannage l’an dernier, 300 de plus que l’année précédente. « La situation est assez critique », dit la directrice générale de l’organisme, Guylaine Caron, que l’on voit ici en compagnie d’une bénévole, Armande Charest. La valeur des dépannages a presque doublé depuis un an. « C’est une année record », dit Mme Caron.

MONICA CHIASSON

Vice-présidente, Syndicat de l’enseignement de la région du Fer

La commission scolaire du Fer accueille environ 250 élèves de moins qu’en 2012 et pourrait en perdre encore une centaine l’an prochain, selon son directeur général, Lucien Maltais. Une situation qui pourrait entraîner la perte de quelques postes de professeurs – et contribuer au manque à gagner de la commission scolaire, qui doit déjà composer avec un déficit annuel de 2 millions de dollars. « Ce qu’on entend en ville, c’est que les anciens de la Cliffs attendent la fin de l’année pour décider de rester ou partir », dit la vice-présidente du syndicat des enseignants, Monica Chiasson. Son mari fait partie de ces anciens travailleurs, mais il a trouvé un poste « fly-in/fly-out » en Alberta et rentre à Sept-Îles toutes les deux semaines. Ils entendent rester à Sept-Îles. « On est tous deux natifs d’ici et on vient de se faire construire une maison. On est bien. Et puis tu perds forcément de l’argent si tu essaies de vendre ta maison. »

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