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La technologie au service des  enfants malades

Un réseau social où les enfants malades peuvent échanger. Un univers de réalité virtuelle pour aider les victimes de brûlures. Des ergothérapeutes qui adaptent des guidons de vélo pour les enfants amputés. Le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine présentait récemment des technologies au service des enfants malades. En voici quelques-unes.

Un dossier de Philippe Mercure

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Le virtuel qui soulage

Un réseau social pour les malades

Entrer en contact avec d’autres jeunes qui souffrent de la même maladie. Obtenir de l’information médicale rédigée pour les enfants. Jouer à des jeux en ligne pendant les longues heures d’hospitalisation. Voilà ce que permet Upopolis, un réseau social réservé aux jeunes malades. Lancé à Toronto par l’homme d’affaires Basile Papaevangelou, le site est maintenant offert dans 13 hôpitaux pédiatriques canadiens. Le CHU Sainte-Justine est le seul établissement francophone du lot. « Quand les enfants sont hospitalisés, ils sont souvent coupés de leurs amis. L’idée est de briser l’isolement », explique Christiane Lachambre, coordonnatrice d’Upopolis. Des espaces consacrés à chaque maladie ont été créés. « Un jeune peut dire : je suis inquiet par rapport à telle procédure. Un autre va répondre : moi, je l’ai eue et ça a bien été », illustre Mme Lachambre. Mais on ne parle pas que de maladie sur Upopolis. On peut autant y créer un blogue sur Harry Potter qu’y partager des photos de son chat ou clavarder de tout et de rien.

Combattre son bégaiement dans le monde virtuel

Parler devant une classe ou commander au restaurant peut être un calvaire pour un enfant qui bégaie. Pour préparer ses patients à ces situations, l’orthophoniste Anne Moïse-Richard utilise Virtu-Oses, une méthode basée sur la réalité virtuelle.

« Dans le contexte actuel, aller trois fois au restaurant pour commander, ce n’est pas très efficient. La réalité virtuelle est la solution tout indiquée. On peut multiplier le nombre d’expositions possibles tout en graduant le stress vécu », dit Mme Moïse-Richard. Dans la vraie vie, difficile de savoir si la classe qu’on affronte sera ricaneuse ou respectueuse. En réalité virtuelle, on peut contrôler ces paramètres. « L’objectif est que la parole fluide acquise dans le bureau se transfère aux vraies situations », dit-elle. L’orthophoniste utilise certains environnements virtuels créés par le professeur Stéphane Bouchard au Laboratoire de cyberpsychologie de l’Université du Québec en Outaouais.

L’intelligence artificielle pour épauler les parents

Comment la maladie de mon enfant évoluera-t-elle ? Quels sont les spécialistes qui peuvent aider ? Où faut-il prendre les rendez-vous ? Les parents qui ont des enfants hospitalisés ont des millions de questions en tête. Et Neona est une application mobile qui veut les aider.

« Neona est un accompagnateur virtuel qui tient les parents informés et répond à leurs interrogations pendant toute l’hospitalisation et même après », explique Marie-Sophie Cognard, infirmière en néonatalogie à Sainte-Justine, qui a créé l’outil avec sa collègue Cynthia Garcia et un groupe de férus de technologie.

D’abord pensé pour les parents qui ont des bébés prématurés, l’outil a été étendu à tous ceux qui ont des enfants hospitalisés. À partir d’un journal de bord rempli par les parents, un système d’intelligence artificielle devine leurs besoins et les dirige vers les bonnes ressources. L’application est toujours en développement et n’est pas encore offerte au public.

La réalité virtuelle au secours des grands brûlés

Les changements de pansements sont des procédures particulièrement douloureuses pour les enfants brûlés. Sylvie Le May, professeure au département de sciences infirmières à l’Université de Montréal, a voulu aider ces petits patients.

« Je me disais qu’il fallait quelque chose de mieux que de faire jouer les enfants avec les clés des intervenants pour les distraire pendant la procédure », raconte celle qui est aussi chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. La professeure Le May a communiqué avec la Société des arts technologies (SAT), qui a créé sur mesure un univers de réalité virtuelle capable d’immerger les enfants dans un autre monde et de leur faire oublier un instant leur douleur.

Ici, pas de casques de réalité virtuelle : ceux-ci ne conviennent pas aux tout-petits, surtout s’ils sont brûlés à la tête. Un dôme est placé devant le bain où se font les changements de pansements, et une animation y est projetée. Les petits se retrouvent happés dans un paysage dans lequel apparaissent des chiens, des chats et des hiboux. Une étude-pilote a montré que le système est bien accepté autant par les patients que par les intervenants. Une autre étude est en cours pour vérifier s’il permet de réduire la perception de la douleur des enfants.

Comprendre l’hémophilie par le jeu

En plaçant le casque de réalité Oculus Rift sur la tête, on se retrouve plongé au cœur d’une artère. Le but du jeu : boucher un vaisseau sanguin pour freiner une hémorragie. Ce jeu a été créé pour les enfants hémophiles afin qu’ils puissent comprendre leur maladie.

« L’hémophilie est une maladie qui, malheureusement, touche beaucoup les enfants, dit Adrien Thedenat, chargé de projet médical pour la boîte 3 prime qui a conçu le jeu. Pour eux, la cascade de coagulation, c’est-à-dire comment coagule le sang, est quelque chose de très abstrait. En construisant eux-mêmes cette cascade dans une animation très interactive, ils comprennent beaucoup mieux. »

L’entreprise 3 prime est établie en France et possède un bureau à Montréal. Elle fait essayer son jeu dans les congrès sur l’hémophilie et a aussi créé une version qui peut se regarder au moyen de lunettes de réalité virtuelle de carton dans lesquelles on insère un téléphone intelligent.

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Robots et gadgets à  la rescousse

Des guidons de bicyclette pour tous

Ce n’est pas parce qu’un enfant a un seul bras ou qu’il est atteint de malformations aux mains qu’il doit renoncer au plaisir de rouler à bicyclette. C’est la conviction qui guide Claire Lastère, ergothérapeute, et Jean-Yves Létourneau, mécanicien en prothèse, lorsqu’ils adaptent les guidons de vélo aux besoins de ces enfants. Leur méthode est rodée minutieusement. L’enfant débarque avec son vélo. Puis l’équipe fixe sur le guidon toute une série de « pièces multiajustables ».

« On va dans le corridor avec l’enfant. On lui dit : “pédale, montre-nous comment tu conduis” », dit Jean-Yves Létourneau. Une fois les bons ajustements trouvés, ces pièces sont remplacées par des pièces permanentes. « Ça, par exemple, c’est une pièce de machine à coudre », dit M. Létourneau en pointant un petit joint à pivot qui permet de faire bouger une emboîture destinée à recevoir un moignon. L’équipe, qui compte d’autres ergothérapeutes, mécaniciens et prothésistes, a déjà adapté 31 vélos cette année.

« Notre fierté est qu’on a toujours réussi à trouver une solution », dit Mme Lastère. « La petite fille qui a juste une main et qui va faire du vélo avec ses amis, on la voit, l’étincelle dans ses petits yeux », ajoute son collègue.

Une imprimante 3D pour recréer des organes

Imaginez un chirurgien orthopédique qui doit pratiquer une opération sur un pied. Pour s’y préparer, il n’a que des images prises aux rayons X. Imaginez s’il avait à la place une réplique du pied en trois dimensions, avec sa fracture visible sous tous les angles. Impossible ? Non. C’est ce qu’on fabrique à l’hôpital Sainte-Justine grâce au jouet préféré des patenteux modernes, l’imprimante 3D.

« Un chirurgien plasticien m’a déjà dit : “Une image vaut mille mots, mais une impression 3D vaut mille images !” », lance Gabriel Gagné-Laverdière, technicien en génie biomédical au CHU Sainte-Justine. Lui et ses collègues fabriquent leurs maquettes à partir des scans des patients. L’imprimante 3D sert aussi à fabriquer des prothèses temporaires pour les enfants qui grandissent rapidement et ne pourraient se permettre de les changer tous les ans. « Ça coûte une vingtaine de dollars, contre des milliers pour une vraie prothèse », dit M. Gagné-Laverdière en pointant une main de plastique fabriquée avec l’imprimante et dont les doigts sont activés avec du fil à pêche.

Un robot pour aider à manger

L’entreprise québécoise Kinova s’est fait connaître avec Jaco, son bras robotique pouvant être fixé à un fauteuil roulant. Elle distribue aussi au Canada le robot Obi, de l’entreprise américaine DESiN LLC, pour aider les gens à se nourrir. Difficile de trouver plus simple comme utilisation. On appuie sur le bouton jaune pour positionner la cuillère au-dessus de l’un des quatre compartiments de l’assiette spéciale qui vient avec le robot. Puis, en appuyant sur le bouton bleu, on enclenche une séquence de mouvements qui amène la bouchée à portée de bouche. « Après trois ou quatre bouchées, le robot va tasser lui-même la nourriture pour ne rien laisser dans l’assiette », explique Sarah Muller, gestionnaire de compte chez Kinova pour la division robotique d’assistance. Lors de notre passage, la petite Alexia Lamarre, 4 ans, s’amusait à manipuler le robot exposé dans le cadre d’une foire technologie tenue à Sainte-Justine.

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