craniosynostose

Le cas rarissime d’une famille mène à une découverte
importante

Quand la plus jeune fille de Kerry Howard s’est fait prescrire, à 4 ans, des lunettes aux verres très épais, un ami optométriste lui a dit qu’il y avait anguille sous roche.

« Il m’a dit de demander un rendez-vous en ophtalmologie à l’Hôpital de Montréal pour enfants et de crier si on refusait de m’en donner un », explique la jeune maman de Beaconsfield, rencontrée lors d’un rendez-vous de suivi pour ses trois enfants à l’Hôpital de Montréal pour enfants. « Sur les radiographies, le neurochirurgien a tout de suite vu la craniosynostose. Ma fille a eu une reconstruction complète du crâne. Ensuite, mes deux autres enfants ont eu aussi des radiographies. En les voyant, mon mari et moi pouvions dire nous-mêmes qu’ils avaient la même chose. »

La craniosynostose (aussi appelée craniosténose) est une soudure trop hâtive de sutures crâniennes. La plus connue de ces sutures est la fontanelle, le trou entre les os au sommet du crâne du bébé. Mme Howard avait elle-même eu deux opérations pour une craniosynostose quand elle était bébé.

Les cas de Mme Howard et de ses trois enfants, Abigael, 9 ans, Cadence et Ethan, 5 ans, ont mené à une découverte importante : il existe d’autres gènes que les 25 gènes actuellement connus qui sont associés à la maladie. « On a vérifié et la mère n’a aucune des 25 mutations génétiques associées à la craniosynostose, dit le neurochirurgien Roy Dudley. On a aussi fait une analyse d’anomalies chromosomiques, et il n’y a rien de connu. Ça veut dire qu’il y a d’autres gènes associés. »

La découverte d’autres gènes sera d’autant plus importante, que pour le moment, la craniosynostose est « non syndromique », c’est-à-dire sans symptômes évidents, et est encore moins associée à des gènes. « Les trois enfants avaient tous plusieurs sutures soudées prématurément, même s’ils étaient généralement non syndromiques, dit le Dr Dudley. Ils avaient tous de la pression intracrânienne. »

Cela signifie-t-il que la craniosynostose est plus fréquente que ce que l’on croit ? « Ça pourrait très bien être le cas, oui », confirme le Dr Dudley. Grosso modo, 40 bébés naissent chaque année avec une craniosynostose, et 10 d’entre eux ont assez de symptômes pour être opérés en bas âge. Les problèmes les plus graves peuvent aller jusqu’à des déficits intellectuels, la cécité et des problèmes moteurs.

Des opérations et convalescence différentes

Le fils de Mme Howard a eu une opération moins invasive que sa jumelle Cadence. L’aînée, Abigael, était trop vieille pour être opérée et, de toute façon, elle avait moins de symptômes.

« Ethan avait de gros maux de tête, particulièrement après avoir fait du sport. Ça lui est arrivé de vomir après une partie de hockey. C’est moins intense depuis l’opération. »

— Kerry Howard

Abigael, quant à elle, a moins souvent des maux de tête et ils peuvent être bien contrôlés avec de l’acétaminophène.

Paradoxalement, Cadence a eu une convalescence plus rapide que son frère, même si son opération était plus importante. « Elle était supposée rester sept jours à l’hôpital, dit sa mère. Au cinquième jour, elle dessinait quand le Dr Dudley est venu la voir, alors il lui a dit qu’elle pouvait retourner à la maison. Elle a manqué seulement deux semaines d’école. » Ethan, lui, a eu des plaques de métal de chaque côté de la tête, que sa mère devait espacer en tournant une vis chaque soir pendant deux semaines et demie. « Ça lui a pris trois mois pour guérir », précise Mme Howard.

La prochaine étape est un « séquençage de l’exome », une partie de l’ADN qui donne le code permettant la fabrication des protéines. « Ça augmente la probabilité qu’on va trouver une anomalie associée à la craniosynostose », affirme Natascia Anastasio, la généticienne au dossier. Comme les autres tests génétiques, celui-ci sera fait sur la mère. « On attend d’avoir du financement de recherche, parce que ce test n’est pas remboursé par la RAMQ. » Le coût du séquençage de l’exome est d’environ 5000 $, selon elle.

Pour le moment, les tests de susceptibilité génétique à la craniosynostose ne sont faits que si les enfants ont des symptômes, même si l’un des parents est porteur des gènes. Mais si un nouveau type de susceptibilité est découvert, associé comme chez les enfants de Mme Howard à beaucoup de sutures soudées prématurément, mais à peu de symptômes, le dépistage pourrait être plus fréquent, selon la Dre Anastasio. « Et en connaissant d’autres gènes, on comprendra mieux le mécanisme de la craniosynostose, alors on pourra peut-être intervenir différemment, notamment après l’enfance quand il n’est plus possible d’agrandir le crâne pour laisser de la place pour la croissance du cerveau. »

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