Quartier des spectacles

Montréal, entre Dallas et Édimbourg

Montréal est l’hôte, ces jours-ci, d’une rencontre importante des dirigeants de quartiers culturels du monde entier. Ils sont venus expérimenter la Nuit blanche en plein froid, mais ils ont aussi quelques conseils pour notre ville.

La présence des quartiers culturels dans les grandes villes du monde, y compris à Montréal, est une réalité économique importante, voire incontournable depuis quelques dizaines d’années.

« On y a investi 220 milliards de dollars américains dans les 15 dernières années, souligne Adrian Ellis. Il s’agit de fonds privés et publics. C’est donc un enjeu majeur non seulement pour les villes, mais pour les pays également. »

Directeur du Global Cultural Districts Network (GCDN), présentement en réunion à Montréal, M. Ellis est un Britannique vivant à New York. Il estime que les quartiers culturels avaient besoin de ce nouveau réseau international.

« Il n’existait pas d’organisation qui réunissait les quartiers culturels à l’échelle de la planète. Il n’y a pas de science exacte dans ce domaine et on peut tous apprendre les uns des autres. »

— Adrian Ellis, directeur du Global Cultural Districts Network

Même son de cloche chez Catherine Cuellar du Dallas Arts District, le plus grand du genre aux États-Unis, qui existe depuis 30 ans et qui regroupe autant les salles que les organismes culturels, les parcs et les églises du quartier.

« Un quartier culturel, dit-elle, c’est une démarche qui prend des dizaines d’années. Nous avons retenu des leçons en cours de route, par exemple avec les infrastructures, et nous aimons les partager avec d’autres qui nous apprennent beaucoup de choses aussi. »

LES CLÉS DU SUCCÈS

Doté d’une longue expérience dans le domaine, Adrian Ellis affirme que le succès des quartiers culturels ne dépend pas uniquement des infrastructures ou de la présence d’édifices iconiques, comme le souvent cité musée Guggenheim de Bilbao.

« Il faut éviter qu’un quartier culturel devienne un terrain de jeu immobilier, dit-il. Le succès est basé sur quatre éléments : la programmation, le modèle d’affaires, le public et le système éducatif. Ce qui se passe dans l’édifice est aussi important que l’édifice lui-même. La gouvernance doit être étudiée. Il faut prendre en considération les opinions des commerçants, des artistes et des gouvernements. »

Même dans une ville américaine comme Dallas, l’embourgeoisement du quartier culturel est une préoccupation.

« C’est un défi majeur, admet Mme Cuellar. Nous avons un projet de résidence pour artistes qui est retardé en ce moment, mais nous y croyons. Lorsque des artistes s’installent dans un quartier, c’est toujours un signe de prospérité future. Les commerces et les immeubles résidentiels suivent toujours. La solution est la mixité des fonctions dans un quartier. »

L’EXEMPLE D’ÉDIMBOURG

S’il est une ville où la mixité est réalité, c’est bien Édimbourg en Écosse : universitaire, historique et festivalière par excellence. Pas de quartier culturel comme tel, mais la ville est si compacte qu’elle en devient un l’été, souligne Faith Liddell, directrice de l’organisme Festivals Edinburgh qui représente une douzaine d’événements. 

« Les festivals doivent se réinventer aussi. Il faut constamment s’adapter et changer nos façons de faire tout en étant conscient de notre environnement. Il faut réussir l’équilibre entre les intérêts privés et publics, entre les touristes internationaux et la population locale. »

— Faith Liddell, directrice de Festivals Edinburgh

Contrairement au RÉMI ici, qui ne rassemble que les événements majeurs, son association comprend aussi bien les grands que les petits festivals.

« Le Fringe est le grand festival chez nous, mais il discute avec les plus petits. Ils restent en concurrence, mais ils ont tellement de choses, d’idées et de projets à partager. Il y a des intérêts communs sur les stratégies de marketing, la façon de se faire connaître à l’étranger, la cohésion sociale dans la ville, les publics, etc. »

MONTRÉAL LA NUIT

Ces trois leaders de quartiers culturels ont très hâte de participer à la Nuit blanche. 

« À Montréal, on trouve beaucoup de réalisations fascinantes dans le Quartier des spectacles, dit Adrian Ellis. Ils ont réussi à gérer l’animation des espaces publics de façon très intéressante. C’est un quartier très futé. Pour ce qui est du festival Montréal en lumière, la Nuit blanche est une idée folle et fantastique. »

Faith Liddell rappelle que les festivals à Édimbourg se déroulent principalement en salles. Elle trouve Montréal inspirante pour cette raison. 

« Montréal ne représente pas une rivale comme telle ; c’est une ville sœur. Les deux villes proposent des approches différentes et peuvent apprendre l’une de l’autre », croit-elle.

Catherine Cuellar admire le côté européen de Montréal. Dallas peut présenter davantage d’événements à l’année en raison d’une température plus clémente, mais les échanges entre les deux villes devraient s’accentuer, selon elle. 

« Nous n’avons pas autant de festivals que vous. C’est quelque chose que vous pouvez nous apprendre. Mais on peut aussi travailler ensemble en créant des résidences d’artistes, échanger des façons de faire, partager des commissariats… »

— Catherine Cuellar du Dallas Arts District

Dallas n’est pas qu’une ville riche, au contraire, souligne-t-elle.

« La classe moyenne disparaît chez nous aussi. Encore une fois, les quartiers culturels font partie de la solution. Nous sommes, avant tout, des gens créatifs ; nous nous spécialisons dans les solutions à petit prix. »

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