Mode

À la recherche des tailles « husky »

Vanessa Bavière a du mal à habiller son fils de 10 ans. « Il a un ventre et des cuisses un peu plus grosses que la moyenne, alors c’est compliqué, dit-elle. Nous naviguons entre pantalons en stretch et joggings en 12 ou 14 ans. »

« On se rabat sur des tailles plus grandes, explique Mme Bavière, mais il se retrouve avec l’entrejambe au niveau des genoux. Évidemment, ça amène un coût supplémentaire, car je dois les faire raccourcir. »

Alors que l’offre de vêtements en « tailles plus » a explosé chez les adultes, elle reste rare chez les enfants. Le besoin est pourtant là : 16 % des Québécois de 6 à 17 ans faisaient de l’embonpoint et 9 % étaient obèses en 2009-2013, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Au total, un quart des jeunes ont donc un surplus de poids. Autant d’enfants et d’adolescents qu’il faut bien vêtir…

Justine Couturier-Des Rochers a un fils de 8 ans, « grand et costaud pour son âge », décrit-elle. Il porte des sous-vêtements étiquetés 12 ans et des pantalons 10 ans, avec taille élastique. « Mon grand est souvent inconfortable dans des pantalons avec fermeture éclair et bouton », indique-t-elle.

Mme Couturier-Des Rochers aime magasiner sur le site internet des boutiques Children’s Place. Elle y a découvert la taille « husky » (ou « costaud » en français), qui n’a rien à voir avec les chiens de traîneau. C’est un terme utilisé en anglais pour décrire les garçons plus ronds. Tant Children’s Place que Gap et Old Navy offrent des tailles « plus » et « étroites » pour garçons et filles, en plus des tailles standards.

Le hic ? Ces tailles spécialisées sont offertes uniquement en ligne, ce qui rend impossible les essayages en magasin. Autre souci : le choix de vêtements est limité. Il vaut mieux aimer les survêtements, les chemises et les polos unis.

Chez Old Navy, un t-shirt à col en V était offert en taille régulière dans une gamme de huit coloris, le 31 mars. En taille « husky » ? Le t-shirt n’était disponible qu’en noir ou blanc…

Dernier problème – et non le moindre –, ces modèles « taille plus » ne conviennent pas aux enfants obèses, seulement à ceux qui ont un léger surplus de poids.

Sujet tabou

Étiqueter des enfants comme étant de taille « husky » ou « plus » choque certains parents, si bien que le sujet semble tabou. « The Children’s Place ne souhaite pas participer à votre article », a fait savoir Robert J. Vill, vice-président aux finances de la chaîne américaine, lorsqu’interrogé sur les tailles fortes. Gap et Old Navy ont répondu par l’entremise d’une relationniste, qui a refusé d’être citée. Pour illustrer ce reportage sur les tailles plus, ces deux marques (appartenant au même groupe) ont même envoyé à La Presse des photos de vêtements portés par des enfants minces ! Justification : il s’agit de vêtements aussi offerts en tailles « husky »…

Ces marchands font pourtant mieux que la majorité, qui ne vend que des tailles standards. « Nos mesures sont basées sur le 50e percentile canadien », indique Marie-Pier Paquet, responsable du marketing de la marque québécoise Souris Mini. « Malheureusement, notre offre ne contient pas de vêtements pour les enfants à qui la taille dite régulière ne convient pas, admet aussi Marie-Ève Carrière, chargée de projet marketing à l’Aubainerie. L’idée est toutefois très intéressante. Elle sera proposée et analysée par notre département des achats. »

Boom chez les ados

L’avenir s’annonce radieux pour les fabricants qui osent habiller les jeunes ronds. Aux États-Unis, le taux d’adolescents de 13 à 17 ans achetant des tailles plus a presque doublé, passant de 19 % en 2012 à 34 % en 2015, selon NPD Group. « Les adolescents redynamisent le marché des tailles plus », a dit dans un communiqué Marshal Cohen, analyste principal chez NPD Group.

Marie (son nom de famille n’est pas publié à sa demande) a hâte de voir l’offre s’élargir, dans tous les sens du terme. Son fils de 8 ans ne peut porter que des pantalons de coton ouaté.

« Avoir à habiller son enfant en mou pour les belles occasions comme Noël, car il n’y a aucun pantalon propre qui fait, je trouve ça un peu plate. Le voir porter son pantalon de neige déboutonné parce qu’il ne ferme pas, je trouve ça triste. »

— Marie, mère d’un garçon de 8 ans

« C’est dommage qu’encore aujourd’hui, on a de la difficulté à faire des vêtements pour différents profils, regrette Marie-Ève Faust, directrice de l’École supérieure de mode ESG-UQAM. Je dis toujours aux étudiants en mode qu’on a deux choix. Soit on met tous les gens plus ronds à la diète, ce qui n’est pas notre rôle, comme on n’est pas diététistes. Soit on leur fait des vêtements qui leur siéent. C’est notre rôle, d’habiller les réelles personnes pour qu’elles se sentent bien. »

TABLEAU

Surpoids chez les jeunes Québécois de 6 à 17 ans

                       Garçons    Filles

Embonpoint : 13,4 %   17,7 %

Obésité :        12,7 %    5,8 %

Source : Surveillance du statut pondéral mesuré chez les jeunes du Québec : état de la situation jusqu’en 2013, INSPQ

ADRESSES

Plusieurs chaînes américaines offrent des vêtements de grandes tailles pour jeunes, qu’on peut acheter en ligne. En voici quelques-unes :

JCPenney

Land’sEnd

Justice

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