Hockey

Guy Carbonneau rêve encore à la LNH

Un jour, s’il recroise Pierre Gauthier, Guy Carbonneau espère avoir la réponse.

Pourquoi le club de la LNH qui a téléphoné à Gauthier, alors DG du Canadien, pour lui demander la permission de discuter avec Guy Carbonneau afin de lui offrir un poste d’entraîneur-chef n’a-t-il pas obtenu l’occasion de le faire ? Pourquoi Carbonneau ne l’a-t-il appris que plusieurs années plus tard ?

Six ans ont passé depuis son congédiement par le Canadien. Guy Carbonneau rêve encore de retourner derrière un banc dans la LNH.

Jamais n’est-il passé si près que cette fois-là, dans l’année qui a suivi son congédiement. « J’ai su de source sûre qu’il y avait un intérêt à mon endroit. J’étais encore sous contrat avec le Canadien pour deux ans et demi. Est-ce parce que Gauthier ne voulait pas m’avoir dans les pattes avec un club de l’Est ? Est-ce qu’il aurait donné la permission si ç’avait été un club de l’Ouest ? »

L’ancien capitaine du Canadien a évidemment recroisé Pierre Gauthier. Mais il n’a pas insisté.

« Je n’ai plus 20 ans et ce sont des gens assez matures. Je ne parle pas à des enfants. S’ils n’ont pas envie de me donner les réponses souhaitées, quand bien même je leur demanderais 100 fois, je ne les aurais pas. Peut-être qu’un jour, ils vont écrire un livre et la réponse va sortir… »

Quand Guy Carbonneau parle au « vous », c’est qu’il attend aussi vainement des réponses de Bob Gainey. Deux semaines avant de congédier son entraîneur, Gainey avait parlé de Guy Carbonneau comme de son « meilleur coup » depuis son entrée en poste. Puis, lors de sa conférence de presse pour annoncer le départ de son entraîneur, il s’est contenté de dire que les choses avaient changé dans les dernières semaines.

« Quand j’ai déclaré à ma conférence de presse que la vérité allait peut-être un jour sortir, c’est ce que je voulais dire, que la vérité allait peut-être sortir de la bouche de Bob un jour. Je n’ai jamais eu la réponse que je cherchais. La seule chose qu’il m’a dite quand il est venu chez moi pour me l’annoncer, c’est qu’il me laissait aller parce qu’il “pouvait le faire”. »

« J’aurais préféré qu’il me dise en pleine face que je n’étais pas bon. Que je parlais trop, que je ne parlais pas assez, qu’il n’aimait pas ma façon de coacher, peu importe, j’aurais aimé savoir. »

— Guy Carbonneau

Le Canadien avait une fiche de 35-24-7 lorsque Guy Carbonneau a été mis à la porte, le 9 mars 2009. Il a conservé un dossier de 7-6-4 sous Bob Gainey et le club a perdu en quatre matchs contre Boston au premier tour des séries.

« J’ai revu Bob à quelques occasions. Il aurait pu me dire la vérité, mais ce n’est jamais arrivé. C’est quand même une personne intelligente, j’ose croire qu’il sait que si, aujourd’hui, notre relation n’est pas à 100 %, ce n’est pas parce qu’il m’a mis dehors, mais parce qu’il ne m’a jamais dit pourquoi. Je croyais avoir une assez bonne relation avec lui. Ça ne m’aurait pas dérangé si ç’avait été Pierre, Jean, Jacques. Je méritais au moins une vraie réponse. J’ai analysé la situation sous tous les angles, je n’ai jamais trouvé. On ne le saura jamais. »

***

À l’époque, les joueurs du Canadien avaient la réputation d’être de joyeux fêtards. Les frères Sergei et Andrei Kostitsyn avaient été associés à un individu peu recommandable. Carey Price et Chris Higgins alimentaient les cancans. Le ténébreux Alex Kovalev critiquait son entraîneur et les jeunes de l’équipe, qui prenaient trop de place, selon lui.

Robert Lang, Alex Tanguay et Francis Bouillon avaient subi de graves blessures. Mike Komisarek en arrachait après avoir subi une correction aux mains de Milan Lucic. Max Pacioretty faisait encore la navette entre la Ligue américaine et la LNH, tandis que P.K. Subban jouait encore à Belleville.

Guy Carbonneau a-t-il payé en raison du manque de discipline de ses joueurs à l’extérieur de la glace ?

« Tu as affaire à des joueurs de 18 à 40 ans qui sont millionnaires, qui ont des contrats coulés dans le ciment. Ce n’était pas facile. Mais ce n’est pas différent ailleurs. »

À qui incombe la responsabilité d’encadrer et de surveiller ces jeunes joueurs ?

« Ce sont des athlètes professionnels. Le mot le dit. Professionnel. Le hockey est ton gagne-pain. Une grande responsabilité revient aux joueurs. On fait quoi ? On laisse nos enfants et on les surveille constamment ? En plus, à l’époque où je jouais, les cellulaires n’existaient pas. Quand le coach appelait à la maison pour voir si tu étais rentré et que tu ne répondais pas, c’est que tu n’étais pas rentré. Aujourd’hui, qui a une ligne dure à la maison ? S’ils répondent, ça ne veut pas dire qu’ils sont à la maison. Tu ne peux pas les mettre en prison. Tu espères que tes leaders soient assez matures pour prendre les bonnes décisions. »

Carey Price a fait son entrée dans la LNH sous ses ordres, en 2007. Guy Carbonneau trouvait que c’était trop tôt dans son développement.

« Carey venait de gagner la Coupe Calder. Le kid venait de terminer sa carrière junior et il avait été extraordinaire en séries éliminatoires dans la Ligue américaine. On voyait son talent, mais j’avais déjà deux gardiens d’expérience [Cristobal Huet et Jaroslav Halak]. J’aurais préféré voir ce qu’il avait dans le corps dans la Ligue américaine. J’avais suggéré à Bob de le garder à Hamilton une vingtaine de matchs pour voir comment il s’en sortirait. »

On a aussi laissé Price à lui-même en appartement malgré son jeune âge. Une décision qui, avec le recul, n’était sans doute pas la meilleure.

« Avec Marc Bergevin, le Canadien agit différemment aujourd’hui. Alex Galchenyuk et Brendan Gallagher n’ont pas habité seuls à leurs débuts. De plus en plus, les jeunes de 18 et 19 ans accèdent à la Ligue, ils essaient de les protéger un peu plus. Mais ça prend une organisation solide. »

Guy Carbonneau savait que l’éclosion de Price était écrite dans le ciel.

« Tout le monde le savait. Même si Jaro a fait des miracles dans les séries en 2010, la question ne se posait même pas. J’adore Jaroslav [Halak], il travaille très fort, mais il n’a pas la moitié du talent de Carey. Ça me faisait un peu rire de voir les gens se scandaliser du départ d’Halak. Tout le monde à l’interne aurait fait la même affaire, tout le monde voulait garder Carey ici. »

« Carey et Patrick [Roy] sont un peu du même moule. Les arrêts paraissent faciles. Ils sont rarement hors de position. »

— Guy Carbonneau

Carbonneau dit ne pas avoir eu de problèmes avec l’un de ses deux grands leaders, Alex Kovalev. « C’était une bonne personne, il savait où il s’en allait. On aurait aimé qu’il soit extraordinaire tous les soirs en raison de son talent, mais si tu regardes à travers le temps, beaucoup de joueurs ont eu une carrière semblable à la sienne. C’était un gars qui travaillait extrêmement fort, très professionnel. Un des premiers sur la patinoire, un des derniers à partir, il aidait beaucoup les jeunes. »

Malgré six ans d’absence derrière le banc d’un club de la LNH, Guy Carbonneau rêve encore d’y retourner, même s’il demeure réaliste.

« Le renouveau vient vite. Et je ne suis pas un entraîneur de carrière comme Michel Therrien et Jacques Martin. Ils ont eu la chance de revenir après quelques années de recul. Je n’ai pas ce background-là. En plus, je ne me suis jamais très bien vendu. Je ne suis pas celui qui fait le plus d’appels. J’ai envoyé mon nom à certaines personnes il y a deux ans, Ottawa, Dallas, Floride, je n’ai jamais eu de réponse. En même temps, ma job à RDS va super bien. »

En presque trois saisons avec le Canadien, Guy Carbonneau montre une fiche de 124-83-23. L’équipe a raté les séries lors de sa première saison, mais a remporté un tour l’année suivante. Carbonneau a été finaliste au trophée Jack-Adams remis à l’entraîneur par excellence.

« Ça m’intéresserait encore. Je crois avoir le potentiel pour faire un bon coach. Si ç’avait été si mal, j’aurais fait mon deuil depuis longtemps. »

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