Centres jeunesse

Il n’y a pas de crise, dit la ministre Charlebois

Il n’y a pas de crise dans les centres jeunesse. Leur situation est plutôt « en évolution », soutient la ministre déléguée aux Services sociaux, Lucie Charlebois. La ministre rejette la tenue d’états généraux comme le proposait André Lebon, expert en matière de réadaptation des jeunes en difficulté, une proposition qu’appuient les partis d’opposition.

En entrevue à La Presse, M. Lebon a déclaré que les centres jeunesse traversent une crise importante, ce qui justifie des états généraux, selon lui.

Lucie Charlebois ne partage pas son diagnostic. « Je ne considère pas qu’il y a une crise, je pense que c’est en évolution », a-t-elle affirmé lors d’une mêlée de presse, en marge d’une réunion du caucus libéral hier.

« Comme tout ce qu’il y a dans la vie, tout est évolutif, et il faut prendre en compte les choses qu’on doit améliorer tout au long d’une vie. Vous savez quoi  ? Je ne suis pas venue au monde avec la personnalité que j’ai aujourd’hui. C’est la même chose pour les centres jeunesse. Il faut pouvoir améliorer nos services à mesure que les pratiques changent. »

Ainsi, elle rejette l’idée des états généraux sur les centres jeunesse et la réadaptation des jeunes en difficulté. « Ce qu’il faut instaurer, c’est une table permanente, et elle est déjà en place. La table va poursuivre ses travaux tout au long de la vie durant […] pour ajuster nos pratiques » au fil du temps, a-t-elle plaidé. Elle a ajouté que des consultations sont prévues dans le cadre de la révision de la loi sur la protection de la jeunesse, prévue cet automne. Cette loi doit être révisée tous les cinq ans.

Pour André Lebon, quatre raisons expliquent le cul-de-sac dans lequel se trouvent les centres jeunesse : le taux de roulement élevé du personnel, l’obsession des normes, le manque de soutien clinique et la réforme du réseau de la santé pilotée par le ministre Gaétan Barrette. Il ajoute que les contraintes budgétaires amènent leur lot de difficultés pour les centres jeunesse.

« LA MINISTRE PORTE DES ŒILLÈRES »

Pourtant, la Fédération des familles d’accueil et des ressources intermédiaires (FFARIQ), dont les 2700 membres hébergent pas moins de 6000 enfants, dit se reconnaître parfaitement dans les problèmes soulevés par M. Lebon.

« La ministre porte des œillères, dit la présidente, Jocelyne Boucher. Les changements constants d’intervenants, c’est vécu au quotidien par les familles d’accueil. C’est très rare qu’on garde le même intervenant. »

Et quand les familles d’accueil réclament des services pour leurs petits protégés, elles se butent souvent à une porte close. 

« C’est “non, non, non, on n’a pas d’argent”. Alors, le problème de l’enfant grandit et il finit par se retrouver en centre de réadaptation. C’est l’enfant qui paie en bout de ligne. »

— Jocelyne Boucher, présidente de la FFARIQ

À la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, on dit suivre le dossier centre jeunesse « de très près », indique Camil Picard, président de la CDPDJ. « En décembre dernier, dans un rapport, nous avons spécifié très clairement nos préoccupations sur le regroupement des établissements en vertu de la loi 10 », dit-il.

« SUR LE TERRAIN, C’EST AUTRE CHOSE »

Pour Mme Charlebois, le problème n’est pas budgétaire : les coupes de 20 millions imposées l’an dernier se sont faites « dans l’administration » et 58 millions ont été ajoutés dans les services.

Elle n’a que des bons mots pour la loi 10 qui a fusionné les établissements de santé. Pour M. Lebon, les centres jeunesse ne sont pas une priorité dans les nouveaux CISSS et CIUSSS. « Moi, ce qu’on me dit sur le terrain, c’est autre chose », a réagi Mme Charlebois. Tous les intervenants du réseau sont « tellement contents de travailler ensemble », selon elle.

Elle reconnaît toutefois qu’« il y a lieu d’améliorer » le taux de roulement du personnel. « Il y a un glissement là, et c’est quelque chose qu’il va falloir regarder pour que le jeune puisse avoir un lien d’attachement plus insistant. »

LISÉE POUR DES ÉTATS GÉNÉRAUX

En conférence de presse, le député péquiste Jean-François Lisée, porte-parole en matière de services sociaux, a appuyé la tenue d’états généraux, susceptibles selon lui de corriger le « déficit de compassion » du gouvernement Couillard.

André Lebon « a décidé de libérer sa parole complètement et de dire que le système des centres jeunesse est en crise, et c’est ce que nous disons depuis deux ans », a-t-il ajouté. 

« Le problème des fugues, du manque de suivi, du roulement de personnel, ce sont des symptômes d’une crise grave qui a plusieurs causes, […] mais c’est clair que le gouvernement Couillard a aggravé les choses ».

— Le député péquiste Jean-François Lisée

Jean-François Lisée demande ainsi au gouvernement d’annuler les coupes de 20 millions de dollars par année qu’il a imposées l’an dernier et de retourner ces sommes « dans les 24 heures » aux centres jeunesse. Gaétan Barrette doit également présenter un « amendement immédiat » à sa loi 10 qui a fusionné les établissements de santé. Les centres jeunesse doivent retrouver leur autonomie, a plaidé M. Lisée.

La Coalition avenir Québec, qui appuie la tenue d’états généraux, demande que le premier ministre Philippe Couillard prenne en main le dossier des centres jeunesse. Lucie Charlebois (Services sociaux) et Martin Coiteux (Sécurité publique) ont « échoué » selon le parti de François Legault.

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