L’après-pandémie

Le relance des villes passe par les écoquartiers, plaide un collectif

Durement éprouvés par la pandémie, les centres-villes et autres « cœurs de collectivités » doivent être un des piliers de la relance qui s’annonce, plaide un collectif québécois de leaders économiques et sociaux, à la veille d’un forum sur la question. Parmi ses propositions : miser sur les écoquartiers.

« Y’é tombé une bombe su’a rue Principale », chantait le regretté Dédé Fortin, sur le premier album des Colocs.

C’était à l’époque pour illustrer l’impact de la construction d’un centre commercial, mais presque 30 ans plus tard, bien des collectivités ont l’impression que la pandémie a eu le même effet sur leurs rues principales et leurs centres-villes, dont la revitalisation devrait être un moteur de la relance économique post-pandémie, croit le G15+.

Ce collectif québécois de leaders économiques et sociaux (voir encadré) appelle, entre autres propositions, à aider les municipalités, grandes et petites, à mettre en place des écoquartiers, à l’image de ceux de la Pointe-aux-Lièvres et D’Estimauville, à Québec, ou du Technopôle Angus, à Montréal.

Ce type d’aménagement crée des milieux de vie « favorables à la santé et à l’épanouissement de leurs habitants », estime le collectif.

La pandémie est venue accentuer la dévitalisation qu’évoque la chanson écrite par Dédé Fortin et Nicole Bélanger, conséquence du mode de développement des années 1970 et 1980 qui misait sur la voiture et l’étalement urbain, estime Jeanne Robin, directrice principale de l’organisme Vivre en Ville, membre du G15+.

« Les Colocs étaient assez précurseurs, la chanson met directement le doigt sur le bobo.  »

— Jeanne Robin, de Vivre en Ville

« Il faut vraiment qu’on trouve une solution pour empêcher cette dévitalisation-là, et nous, on pense que la conception d’écoquartiers est vraiment un moyen assez évident, assez simple, de ramener de la population aux abords des cœurs de collectivités », explique l’urbaniste de formation.

On peut aussi comparer « la concurrence d’une nouvelle offre commerciale » qu’évoque la chanson à l’explosion du commerce en ligne, qui a privé depuis le début de la pandémie le commerce de détail d’une partie de son achalandage, observe Jeanne Robin.

Un fonds de 100 millions

Le G15+ propose de créer un fonds, dans lequel le gouvernement verserait 100 millions de dollars par année, pour aider les municipalités à mettre en place des écoquartiers.

L’idée fera d’ailleurs l’objet d’un atelier au forum « Le Québec que nous voulons : solidaire, prospère et vert », qu’organise mardi le G15+, où divers projets en cours de réalisation seront mis de l’avant, comme l’écoquartier Fortissimo, à Drummondville.

Le site de l’ancienne usine de textile, situé en plein centre-ville, au bord de la rivière Saint-François, sera transformé en un quartier « à échelle humaine » qui comprendra des habitations mixtes, des commerces, un musée, une place publique et une promenade riveraine.

D’un strict point de vue financier, ce fonds aurait un « effet de levier » qui stimulerait les investissements privés et la relance de l’économie, explique Jeanne Robin, mais surtout, il assurerait que ces investissements permettent de revitaliser les « cœurs de collectivités » et de bâtir des milieux de vie plus résilients.

« En concevant un écoquartier, on permet à de nouveaux habitants de profiter d’une offre déjà disponible et on renforce l’offre de services parce qu’on augmente tout simplement le nombre de personnes qui vont fréquenter le cœur de la ville », résume Jeanne Robin.

« Concevoir des écoquartiers, c’est une réponse à plusieurs problèmes.  »

— Jeanne Robin, de Vivre en Ville

Ce type d’aménagement offre aussi une solution au manque de logements abordables et à la pollution liée aux transports, poursuit-elle.

Devenir « la norme »

Le Québec a intérêt à ce que les écoquartiers deviennent « la norme » de l’aménagement des milieux urbains, affirme Jeanne Robin.

« Dans plusieurs villes, il y a eu des industries, elles ont fermé, leurs terrains sont difficiles à utiliser », souligne-t-elle.

Ces cicatrices urbaines revêtent un grand potentiel économique et social pour les villes, bien plus que de nouveaux quartiers périphériques, souvent qualifiés de « dortoirs », dont les résidants continuent parfois d’utiliser les services et les commerces d’une ville tierce.

Mais « tant que la porte est ouverte à l’étalement urbain, on ne peut pas s’attendre à ce que les projets d’écoquartiers se multiplient », prévient Jeanne Robin.

Presque 30 ans après La rue Principale des Colocs, alors que « La coop, le gaz-bar, la caisse pop, le croque-mort/Et le magasin général » souffrent toujours dans bien des communautés, Jeanne Robin demeure néanmoins optimiste.

« Ce qui est encourageant, c’est de voir à quel point on reste attachés à nos rues principales, à nos noyaux villageois, à nos centres-villes, dit-elle. Ça reste l’endroit où l’on se retrouve, l’endroit qu’on présente dans les programmes touristiques. […] C’est impressionnant de voir comme c’est resté fort dans l’idée de la population. »

Une population probablement bien intéressée à ce que sa « grande rue » retrouve « des ti-culs en bicycle, des cousines en visite ».

Qu’est-ce que le G15+ ?

Le G15+ est un collectif composé de leaders économiques et sociaux, du Conseil du patronat du Québec à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), en passant par des groupes environnementaux, des urbanistes et des universitaires, qui a été formé en mars 2020 en réponse à l’appel du premier ministre François Legault de réfléchir à la façon dont le Québec pourra rebondir au terme de la crise actuelle.

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