Lithium, graphite et magnésium

Course à obstacles vers l’or de demain

Lithium, graphite, magnésium : les noms de ces minerais méconnus sont aujourd’hui associés à ceux de Tesla, iPhone et autres produits sophistiqués indispensables à la vie moderne. Pas étonnant que partout dans le monde, des entrepreneurs travaillent d’arrache-pied pour trouver ce qu’on appelle déjà l’or de l’avenir. Mais la route entre la mine et le marché est longue et semée d’obstacles.

Guy Bourassa le sait mieux que quiconque. Son entreprise Nemaska Lithium arrive enfin à la ligne de départ. Sept ans après avoir lancé son projet, et une fois complété le financement de 500 millions de dollars dont elle a besoin, l’entreprise pourra lancer la production commerciale de lithium à son usine de Shawinigan. C’est prévu pour le début de 2019, soit dans encore deux ans.

Neuf ans, c’est long dans un marché en effervescence comme le lithium, pour lequel les fabricants de batteries et de véhicules électriques comme Tesla ont un appétit vorace.

C’est vrai, convient le président et chef de la direction de Nemaska Lithium. « Mais c’est la norme. Un projet minier qui part de zéro, ça met en général neuf ou dix ans à se réaliser », explique-t-il.

Contrairement à l’or et à la plupart des autres métaux, les minerais industriels, le graphite et le magnésium n’ont pas de marchés organisés pour mettre en contact les producteurs et les acheteurs.

Les producteurs ont des étapes supplémentaires à franchir avant de vendre leur produit. Ils doivent commencer par en fabriquer de petites quantités dans une usine pilote pour le montrer à leurs clients potentiels et tenter de vendre une partie de leur production à l’avance, avant de construire leurs installations commerciales et se lancer sur le marché.

Long cheminement

Nouveau Monde Graphite vient d’entreprendre ce long cheminement. Son président, Eric Desaulniers, croit toutefois pouvoir établir une sorte de record dans la mise en production d’un gisement de graphite découvert près de Saint-Michel-des-Saints. Si tout se passe comme prévu.

« Des premiers forages en 2015 jusqu’à la production commerciale prévue pour 2021, ça fera six ans. C’est rapide », dit-il lors d’un entretien avec La Presse.

Pour établir son usine de démonstration, Nouveau Monde veut recycler l’ancienne usine de panneaux fermée par Louisiana Pacific en 2007 dans cette municipalité du nord de la région de Lanaudière. Le gisement est situé à proximité, au nord, ce qui facilite l’accès à la main-d’œuvre, réduit les coûts et permet de gagner du temps.

Et surtout, la seule mine de graphite en activité au Québec, celle d’Imerys, près de Mont-Laurier, arrive en fin de vie. Eric Desaulniers pense pouvoir profiter de l’expertise des employés d’Imerys et, plus tard, attirer ses clients.

Un des défis sera de se faire accepter par la communauté de Saint-Michel-des-Saints, à qui le monde minier n’est pas familier, reconnaît Eric Desaulniers, ancien militaire et géologue de formation.

« Nous allons tout faire selon les règles de l’art sur le plan environnemental », assure-t-il.

Mais quand on vise le marché des batteries et des véhicules électriques, être le plus vert possible est un avantage concurrentiel, selon lui. « On voudrait être carboneutres, utiliser des camions électriques comme ceux que veut développer Caterpillar. Ça va être un avantage pour nous parce que des clients comme Tesla vont vouloir s’approvisionner auprès d’un fournisseur aussi vert que nous autres. »

Avantage recyclage

Nouveau Monde lorgne les installations de Louisiana Pacific et Nemaska Lithium s’est installée dans l’usine de papier abandonnée par Produits forestiers Résolu à Shawinigan. Dans cette course aux nouveaux marchés, recycler des bâtiments peut faire épargner du temps et de l’argent aux producteurs, en plus d’améliorer leur empreinte environnementale.

Alliance Magnésium recycle elle aussi, et c’est la base de son activité : elle a entrepris de transformer les résidus accumulés après des décennies d’extraction de l’amiante à Thetford Mines pour en faire du magnésium. 

Recycler des résidus miniers et utiliser l’électricité verte du Québec font partie des avantages comparatifs du projet.

Le Québec a eu des expériences malheureuses avec le magnésium, convient Pierre Saint-Aubin, vice-président principal de l’entreprise fondée en 2012. Les usines de Norsk Hydro à Bécancour et Magnolia à Asbestos ont eu une vie très courte.

« Ce qui a changé depuis, c’est le marché. La demande de l’époque était de 400 000 tonnes par année, elle est d’un million de tonnes aujourd’hui », explique-t-il.

Alliance Magnésium chemine elle aussi dans le long processus vers la commercialisation : elle a fait une usine pilote pour tester sa technologie de fabrication de magnésium à partir de la serpentine, la roche que laisse derrière elle l’industrie de l’amiante. L’entreprise se prépare à la phase de démonstration, pour laquelle elle a besoin de 100 millions pour une production de 5000 tonnes. Viendra ensuite la phase commerciale, prévue pour 2019-2020.

L’avantage d’Alliance, c’est que sa matière première est déjà là, elle n’a donc pas besoin de l’extraire de la terre. Elle ne coûte pas cher et permet d’accélérer la réalisation du projet. Entre le début du projet et son arrivée sur le marché, huit années se seront tout de même écoulées.

Plus un projet met de temps à se concrétiser, plus les risques à gérer sont importants. Le marché peut se transformer, la technologie peut changer. « Il faut faire preuve d’optimisme quand on entreprend ce genre de projet, dit le vice-président d’Alliance. Sinon, on ne fait pas grand-chose. »

Lithium

Le projet de Nemaska Lithium

Le lithium est un métal alcalin destiné depuis longtemps à différents usages, dont la fabrication de verre et de céramique. Il est utilisé dans le marché croissant du stockage d’énergie, comme composant de l’anode des batteries.

Graphite

Le projet de Nouveau Monde à Saint-Michel-des-Saints

À l’état naturel, le graphite est un minerai de carbone utilisé traditionnellement par les aciéries et les fabricants de peinture. Il entre aussi dans la fabrication de pièces d’automobiles et comme matériau de batteries (anodes).

Magnésium

Le projet d’Alliance Magnésium à Danville

Le magnésium est un métal plus léger que l’acier et l’aluminium. Il est de plus en plus utilisé par l’industrie des transports parce qu’il contribue à réduire le poids des véhicules.

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