L’économie qui s’écrit

Où nous en sommes

En 20 thèmes aussi variés que la santé, l’éducation, la vie numérique, voire les médias, la recherche ou la démographie, sans oublier, bien sûr, l’économie, à laquelle la plupart des domaines se rattachent, L’état du Québec fait le tour de notre jardin communautaire.

Sous la direction d’Annick Poitras, le collectif d’une cinquantaine d’auteurs aborde tous ces enjeux sans complaisance ni misérabilisme.

Claude Lessard lance la première salve dans son regard aiguisé sur l’éducation. Certes, progrès il y a eu dans l’accessibilité, mais l’expérience scolaire montre une fracture porteuse de lourdes conséquences à terme. « Sur le plan de la fréquentation des écoles privées, le Québec est d’ailleurs le champion incontesté en Amérique du Nord, en grande partie parce que l’État québécois soutient financièrement ces établissements, ce que la plupart des provinces canadiennes et des États américains ne font pas. »

Cela fait du système d’éducation du Québec « le moins équitable des systèmes canadiens : les écarts de réussite des élèves entre les établissements y sont les plus élevés ».

Pierre Doray déplore pour sa part la concurrence entre universités au chapitre du financement, tandis que Pierre Fortin fait ressortir, chiffres à l’appui, que le slogan de la Révolution tranquille « Qui s’instruit s’enrichit », tient encore la route.

Alain Guy-Sipowo rétablit la relation économique entre les réfugiés et les besoins de main-d’œuvre : « S’il existe un risque de dilution des valeurs de la société québécoise, il serait à inscrire au compte de la gestion inefficace d’une migration économique dont le Québec a besoin », plaide-t-il, précisant que « l’identité n’est rien d’autre qu’un construit ».

L’économie collaborative est clairement présentée pour ce qu’elle est : un modèle perturbateur fondé sur le travail non salarié qui pose néanmoins un sérieux problème de réglementation puisque le consommateur affirme y trouver son compte souvent.

En aucune façon doit-elle être confondue avec l’entrepreneuriat collectif, ou économie sociale, plaide Jean-Martin Aussant qui y voit le troisième pilier de la production avec les secteurs public et privé à but strictement lucratif. Il s’attaque à la perception dominante voulant qu’un service rendu à l’État par un OBNL soit qualifié de subvention alors qu’on parle de contrat si le même service est assuré par une entreprise privée traditionnelle.

La perception selon laquelle les Québécois seraient plus verts que les autres Nord-Américains mérite d’être nuancée. Nous conduisons désormais nous aussi plus de VUS que de voitures avec lesquels nous émettons 55 % de nos gaz à effet de serre, nos maisons sont plus grandes et nous favorisons l’étalement urbain, fait remarquer Pierre-Olivier Pineau.

Philippe Bourke rappelle d’ailleurs qu’en 2016, nous sommes entrés dans l’ère géologique anthropocène qui prend le relais de l’holocène qui aura duré 12 000 ans. Cela signifie que l’homme est désormais capable de modifier l’écosystème terrestre.

Jean-Pierre Aubry analyse les politiques budgétaires d’Ottawa et de Québec. La première stimule la croissance, alors que la seconde amplifie une faible performance, ce qui la rend procyclique.

Un panel de l’Institut du Nouveau Monde pousse l’analyse plus loin en montrant que le budget fédéral atténue les inégalités alors que celui de Québec les maintient telles quelles.

L’ouvrage ouvre ses pages à un débat sur l’épineux dossier du salaire minimum. Faut-il y arriver ? Oui, répond Alexandre Taillefer, car il s’agirait d’une mesure progressiste. Non, réplique Pierre Fortin, parce que cela nuit à quelques PME et favorise le décrochage scolaire, déjà un fléau au Québec.

On aurait pu ici reprendre une proposition faite par Claude Monmarquette il y a quelques années pour un salaire minimum plus faible pour les moins de 18 ans.

Pour atténuer les inégalités, Nicolas Zorn propose d’inclure deux parties prenantes peu impliquées dans la réflexion : les municipalités qui sont responsables de la qualité des parcs, des bibliothèques des centres de loisirs et d’une foule de services de proximité, et les entreprises dont les politiques salariales pourraient réduire les écarts de rémunération. « Taxer davantage les riches ne réglera pas en soi les difficultés de la classe moyenne », note-t-il.

Les inégalités intergénérationnelles sont aussi abordées avec une comparaison Québec-Ontario qui fait mal paraître la situation économique de nos jeunes voisins. Le rattrapage du Québec coïncide avec la création des CPE et de la Loi sur l’équité salariale. L’Ontario n’a peut-être pas dit son dernier mot.

L’état du Québec 2017 fait aussi le point sur la question autochtone, le féminisme, le terrorisme et la corruption.

L’état du Québec 2017. Collectif sous la direction d’Annick Poitras. Institut du Nouveau Monde et Del Busso Éditeur. 331 pages.

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