LES MÉTIERS DES RÉSIDENCES

LE CŒUR D’UNE RÉSIDENCE

Alors que la direction générale d’une résidence en donne le ton, l’ambiance, c’est la récréologue qui en est le cœur battant et vibrant.

Marie-Claude Choinière, du Quartier Mont-Saint-Hilaire, adore ce qu’elle fait : donner vie à une résidence où logent 245 personnes retraitées, une clientèle se divisant en deux groupes, les autonomes et les semi-autonomes, certaines en perte d’autonomie cognitive et physique. Sa formation en éducation spécialisée vient particulièrement l’aider.

Son bureau, dont la porte est toujours ouverte, se trouve stratégiquement situé à un grand lieu de passage, soit voisin des cases postales des résidents. « Il faut être très polyvalent dans mon métier et c’est beaucoup de planification et d’organisation. Mais je ne pourrais rien faire toute seule, j’ai besoin de mes bénévoles et de l’appui des différents chefs de service comme de la directrice des soins infirmiers, du chef cuisinier, des préposés… »

« Il faut s’entourer de bénévoles, j’ai une équipe d’une vingtaine de personnes extraordinaires, des résidents qui sont toujours prêts à venir m’aider. C’est très valorisant d’être bénévole et de se sentir utile auprès des autres personnes. »

Chaque mois, elle distribue un calendrier d’activités ainsi qu’un journal qui en fait la promotion entre autres.

EN CONSTANTE ADAPTATION

Marie-Claude doit veiller à constamment réévaluer les activités en tenant compte de l’évolution de sa clientèle. « La résidence fête son 8e anniversaire, beaucoup d’ainés sont ici depuis l’ouverture. Je dois revoir régulièrement la pertinence des activités, leur durée, l’heure, la façon d’animer. » Voyant par exemple que certains participants peinaient à suivre la classe d’exercices physiques, elle a lancé une classe d’activités sur chaise pour eux. « L’important, c’est de faire de l’exercice, pas la manière. » Elle doit aussi tenir compte des nouveaux arrivants qui ont d’autres goûts et intérêts.

Elle a aussi organisé des ateliers de mémoire avec des jeux d’observation, des jeux-questionnaires. « C’est surtout un prétexte pour se regrouper, discuter et se rappeler de bons souvenirs. » Elle commence par des photos de personnalités vivantes ou décédées, de lieux connus comme la tour Eiffel, la cathédrale de Paris, le Vatican, cela ranime des souvenirs et les participants commencent à raconter…

ÊTRE À L’ÉCOUTE

« Mon poste est particulièrement délicat et exige beaucoup d’écoute, les gens s’identifient à nous et viennent nous voir pour toutes sortes de raisons ; souvent, je récolte des confidences que même les familles ignorent, des situations qui ont été vécues ou qui sont vécues présentement. Les gens cherchent du réconfort, nous ne sommes pas toujours là pour donner des solutions, souvent une simple écoute suffit, mais il faut prendre le temps de prêter l’oreille. »

Marie-Claude veille à multiplier les liens avec la communauté environnante à commencer avec le Centre d’action bénévole de Mont-Saint-Hilaire dont elle utilise les services comme celui des personnes qui viennent tenir compagnie aux résidents. Elle a fait un échange de services avec un centre de réadaptation dont les moniteurs animent les séances d’aquaforme à la résidence.

Elle embauche aussi des spécialistes pour des activités spéciales comme la zoothérapie, la direction de chorale, les cours de yoga, etc.

BIEN VIVRE LE MOMENT PRÉSENT

« Le meilleur conseil que j’ai eu d’un professeur, confie-t-elle, et que je réalise quotidiennement dans mon travail, c’est quand on anime, il faut rester dans le moment présent. On a beau bien planifier une activité de minute en minute, il peut arriver tellement de choses qu’il faut profiter du moment présent. Les résidents n’ont pas à suivre religieusement le déroulement d’une activité, c’est à nous de nous adapter constamment à eux. Parfois, on imagine une activité de telle manière, il faut rester ouvert et ne pas s’étonner qu’elle prenne une autre direction. Ce qui compte ce n’est pas la fin, c’est l’importance du moment passé ensemble. »

« Les résidents m’apportent beaucoup humainement, conclut Marie-Claude Choinière, je ne fais que leur redonner ce qu’il me donne. Ma plus grande satisfaction, mon véritable salaire en somme, c’est quand des résidents me confient avoir passé un bel après-midi grâce à telle ou telle activité. »

UN PUR MOMENT DE BONHEUR

Une activité dont est particulièrement fière Marie-Claude Choinière, c’est bien le projet de correspondance avec une classe de 6e année d’une école voisine. Un projet initié par l’enseignant et visant deux matières, le français et l’histoire du 20e siècle.

« J’ai fait un appel à toutes les personnes intéressées à partager leur vécu avec des jeunes de 6e année, rappelle-t-elle. Une certaine réticence s’est manifestée au début et certains ont embarqué pour me faire plaisir. Au total, une vingtaine de participants se sont inscrits, ce qui est excellent pour un nouveau projet aux contours indéfinis ; dans le fond, ils m’ont fait confiance. »

« À la première lettre reçue, les résidents étaient tout excités et s’échangeaient les lettres entre eux. La beauté du projet, c’est que c’était une correspondance à l’aveugle. Un des résidents, un ancien pilote de ligne aujourd’hui aphasique à la suite d’un AVC, a pu y participer sans se faire juger sur son handicap physique. Les résidents ont répondu à deux reprises aux enfants. L’enseignant m’a confié qu’il devenait dans sa classe un véritable Père Noël distribuant des cadeaux quand il recevait les lettres des ainés. »

« Puis en juin, nous avons organisé une rencontre entre les participants des deux côtés et plusieurs ont dit avoir reconnu leur correspondant par le simple contenu des échanges. Ce fut un moment extraordinaire, les résidents en parlent encore aujourd’hui. À l’arrivée des élèves, ils se sont levés spontanément et les rencontres se sont faites tout naturellement, certains avaient amené des photos, ce fut magique, un pur moment de bonheur. »

Marie-Claude a bien l’intention de répéter cette activité et même de lui donner encore plus d’ampleur.

LES MÉTIERS DES RÉSIDENCES

UN CHEF CUISINIER HEUREUX

« Ici, c’est le paradis pour un chef cuisinier, je gère la salle à manger et la cuisine comme si c’était mon restaurant. J’ai tous les avantages d’un établissement sans avoir à payer les factures, mais avec un budget à respecter cependant. »

Didier Combaz préside depuis trois ans les cuisines des Jardins Millen, une résidence pour personnes âgées dans le quartier d’Ahuntsic, membre du Groupe Maurice, lui qui fut jusqu’à sa fermeture chef exécutif de l’Hôtel de la Montagne, au centre-ville de Montréal.

« Chef cuisinier d’une résidence, explique-t-il, relève de la même procédure que chef dans un hôtel ou dans un restaurant. Pour cet aspect, le Groupe Maurice est intéressant, car il nous permet de travailler comme si nous étions réellement dans un restaurant. »

CARTE BLANCHE

Il a effectivement carte blanche pour confectionner les menus de sa salle à manger, soit quotidiennement un potage, un choix d’entrées, deux choix de plats principaux le midi et deux autres le soir. Le menu tourne sur un cycle de cinq semaines et varie selon les saisons et les arrivages. Car l’une des plus grandes satisfactions professionnelles de Didier Combaz, c’est de travailler essentiellement avec des produits frais.

« Moi qui viens du haut de gamme, ce qui me maintient en poste aux Jardins Millen, c’est que ma brigade et moi ne travaillons qu’avec des produits de première fraîcheur. Nous faisons nos propres fonds, nos sauces – y compris le ketchup –, nos purées; nous épluchons nous-mêmes nos patates. Plus de 95 % de la pâtisserie est réalisée par notre chef pâtissière avec exclusivement de la crème à 35 %. Nous recevons nos produits bruts et nous les transformons nous-mêmes selon nos critères. »

Dans la confection de son menu, il doit tenir compte des goûts de sa clientèle. « La personne âgée, comme j’ai appris à la connaître, affiche une grande nostalgie de la cuisine qu’elle a connue dans sa vie; elle aime encore le pâté chinois par exemple, la tourtière, le hot chicken. Mon met le plus populaire est sans contredit le rôti de bœuf à la cuisson désirée par chacun, de saignant à bien cuit avec un service ultra rapide. »

DES EXPÉRIENCES ET DES SURPRISES

Il doit présenter des menus équilibrés, aidé en cela par un guide alimentaire propre au Groupe Maurice. « Un guide fabuleusement bien fait pour aider les chefs, dit-il. Nous visons à offrir les protéines essentielles. »

Ce qui ne l’empêche pas de faire évoluer sa carte comme le jour où de la raie fraîche du jour est apparue au menu. Ce ne fut pas un succès. Mais il a frappé un coup de circuit quand il a présenté sa raclette savoyarde ou encore sa choucroute.

Il surprend les résidents en servant à l’occasion du cassoulet ou en tenant une journée poutine. « Ils adorent cela, surtout que ce n’est pas de leur génération, je leur fais de la poutine au canard par exemple, j’ai fait un carton avec cela ! »

Il sert quotidiennement 190 repas par jour en salle à manger, plus 75 autres pour les ainés semi-autonomes qui résident à l’étage des soins. « Je les gâte encore plus que les autres, ce sont mes chouchous, avoue-t-il. Ce sont des gens attachants, je reconnais beaucoup en eux ma grand-mère de 93 ans. »

L’ANNÉE CULINAIRE

L’année culinaire en résidence se déroule ponctuée de nombreux événements. Il y a le brunch mensuel du dimanche, la soirée mensuelle des anniversaires, les jeudis à thème, les fêtes du calendrier, etc. Par exemple pour le 4e anniversaire de la résidence, très bientôt, il prévoit servir quelque 450 repas.

Un chef cuisinier se doit d’être à l’écoute de sa clientèle. Didier Combaz sort régulièrement de sa cuisine pour échanger avec les résidents. Il consulte aussi le grand livre des commentaires écrits et le contenu de la boîte à suggestions, ce qui l’amène à modifier des choses à la grande satisfaction des résidents qui ne tarissent pas d’éloges sur leur cuisine quotidienne.

Le chef est particulièrement fier de sa brigade et de son personnel en salle. Près d’une vingtaine de personnes qu’il a personnellement embauchées et dont il est responsable.

UNE QUALITÉ DE VIE INCROYABLE POUR UN CHEF

Chef cuisinier dans une résidence n’offre peut-être pas le prestige d’un grand restaurant, mais offre une clientèle fidèle qui n’hésite pas à communiquer ses goûts et à partager sa satisfaction. Il y a aussi la qualité de vie incroyable qui lui est offerte. Pratiquement du 9 à 5, du lundi au vendredi, plus une fin de semaine par mois pour préparer le brunch du dimanche. Il n’a jamais connu cela en restauration.

Didier Combaz fait aussi partie d’une équipe, relevant de la directrice générale de la résidence, et coopérant avec la directrice des soins infirmiers et la récréologue, sans compter l’encadrement assumé par le Groupe Maurice avec un gestionnaire du service alimentaire et ses conseillers.

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