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Le courage d'avancer

Julien Racicot, tétraplégique depuis qu'il a 18 ans, traversera la province en fauteuil roulant, de Gaspé jusqu'à Montréal, pour sensibiliser la population sur le quotidien des personnes paralysées par une lésion de la moelle épinière.

Julien se prépare pour un projet sans précédent : traverser le Québec, de Gaspé à Montréal. La singularité ? Il est tétraplégique et parcourra un millier de kilomètres cloué à un fauteuil qu’il contrôle avec sa tête et son cou. Un défi qu’il s’est donné pour faire connaître la Fondation Adapte-Toit, qui aide les personnes victimes de lésions médullaires abandonnées par le système à retrouver un peu de leur autonomie.

Julien Racicot se considère comme chanceux. Sa tétraplégie est survenue à la suite d’un grave accident de la route. Il avait 18 ans. S’il a pu rebondir et passer d’adolescent dévergondé et insouciant à jeune entrepreneur investisseur en immobilier, c’est notamment parce que son environnement lui a permis de vivre, et non de survivre.

« Si je n’avais pas eu l’aide de la SAAQ et que mon quotidien n’avait pas été facilité par l’adaptation de mon domicile, je ne serais pas épanoui comme je le suis présentement. Je veux offrir la même liberté aux autres », raconte Julien Racicot, qui a ainsi consacré les deux dernières années à la mise sur pied d’Adapte-Toit.

Un toit trop étroit

Au Québec, plus de 2000 personnes sont paralysées par une lésion de la moelle épinière, mais 63 % d’entre elles n’ont pas d’agent payeur, puisque leur condition n’est pas attribuable à un accident de la route ou de travail. En d’autres mots, ni la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) ni la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) n’offrent de prestations pour subvenir à leurs besoins quotidiens ou pour adapter leur domicile.

Elles ne peuvent compter que sur les soins à domiciles du CLSC et l’aide financière du Programme d’adaptation de domicile (PAD) de la Société d’habitation du Québec (SHQ), qui octroie entre 16 000 et 20 000 $ pour modifier un domicile.

« Si on regarde juste mettre une rampe d’accès, mettre un ouvre-porte électrique avec un interphone, déjà là, on dépasse les 16 000 $ offerts par le PAD. On n’a pas touché à la salle de bains, la cuisine, le lève-personne… », énumère Julien Racicot.

« La personne lésée médullaire ne peut pas consacrer son énergie aux activités du quotidien étant donné que son quotidien consiste à survivre dans son environnement qui n’est pas adapté. De là l’importance d’une fondation comme Adapte-Toit pour les aider à retrouver leur autonomie et redonner un sens à leur vie », explique le fondateur, qui s’est basé sur son expérience personnelle pour cibler les besoins principaux à combler.

Les délais pour bénéficier du PAD sont d’environ deux ans. L’un des objectifs d’Adapte-Toit sera de répondre aux besoins urgents et, quand le PAD entre en ligne de compte, de bonifier l’aide offerte afin de maximiser l’autonomie du blessé médullaire.

L’argent, le nerf de la guerre

Sans dons ni commanditaires, les 12 bénévoles de la Fondation Adapte-Toit ont beau avoir les meilleures intentions, ils ne peuvent avoir d’impact concret dans la vie des personnes victimes de lésions médullaires. C’est pourquoi Julien Racicot a eu l’idée d’un grand projet pour faire connaître sa fondation : la traversée Le courage d’avancer.

« C’est un défi à plusieurs niveaux. Je vais rouler huit à dix heures par jour, beau temps, mauvais temps. Je contrôle mon fauteuil avec ma tête, et mon cou est énormément sollicité. Ça représente toute une logistique pour mes soins, mon personnel, mon fauteuil… Le motorisé qui me suit doit être adapté avec un lève-personne », explique Julien qui, constatant que la liste de défis est longue, sourit à pleines dents.

« C’est ça, le défi ! C’est physique et ça va me faire du bien ! Et je vois ça comme en affaires : tu essaies de prévoir le maximum de variables, mais c’est sûr que tu vas avoir des surprises. »

— Julien Racicot

Anciennement sportif et amateur de sensations fortes et de voitures modifiées – aucun lien avec son accident, par contre –, Julien est fébrile à l’idée de fouler le bitume, d’éprouver des ennuis techniques et de sentir les courbatures liées à l’effort physique.

« Mais je t’avoue que les poids lourds qui transportent des voyages de pitounes qui vont me dépasser et me tasser avec le vent, j’ai un peu une crainte… Et les côtes aussi, il y en a en Gaspésie qui sont de véritables murs… mais bon, on m’a dit que mon fauteuil tiendrait le coup », confie-t-il.

Julien roulera en Cadillac. Le fabricant Permobil, sensible à sa cause, lui fournira deux fauteuils spécifiquement adaptés aux particularités liées à son exploit. Une entreprise sherbrookoise veille à son confort et lui conçoit un coussin thérapeutique moulé à son corps – un produit que Physipro réserve habituellement aux athlètes paralympiques.

« À date, on est à plus de 50 % de nos objectifs atteints. On travaille fort, mais on a une réponse super positive des gens qu’on approche », se réjouit Julien, qui est impatient de recevoir son fauteuil pour commencer à entraîner les muscles de son cou.

Julien et son équipe préparent la traversée depuis plus de huit mois. Il entend rencontrer les maires des villes qu’il visitera, les députés ainsi que les communautés d’affaires. « Parce que dans le fond, les agents de changement, ceux qui peuvent faire bouger les choses, ce sont les dirigeants et les gens d’affaires. En les sensibilisant, on espère obtenir leur soutien pour aider le maximum de gens », précise Julien, qui espère inviter tous ceux qui en ont envie à se joindre à lui en cours de route, que ce soit à la course, en vélo, en patins à roulettes ou, mieux encore, en fauteuil roulant.

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