Plomb dans l’eau

Québec ordonne une vérification dans toutes les écoles

Québec et Montréal — Le gouvernement Legault a ordonné une vérification de l’eau potable dans toutes les écoles du Québec, hier, pour s’assurer qu’elle ne contient pas une trop forte teneur en plomb.

Une enquête de La Presse en collaboration avec l’Université de Montréal a révélé que 4 des 24 échantillons d’eau récoltés dans des écoles primaires du Grand Montréal dépassent le taux recommandé par Santé Canada. Dans un cas, l’eau contenait sept fois plus de plomb que ne le recommande le gouvernement fédéral.

Le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge a assuré, hier, qu’il n’y aurait « aucun compromis » sur la sécurité des enfants. Il a émis une directive pour exiger que chaque école vérifie ses fontaines d’eau.

« On va exiger que toutes les sources d’eau dans nos écoles soient évaluées, qu’on évalue la qualité de l’eau qui est offerte dans toutes nos écoles », a résumé le ministre.

« Si on voit qu’il y a des dépassements des normes, on va demander que soient condamnées ces sources d’approvisionnement et on va donner de l’eau qui est saine aux élèves. »

— Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation

L’examen devrait être « assez rapide », a indiqué M. Roberge, sans toutefois préciser quand il sera terminé.

Comment se fait-il qu’on trouve du plomb dans les fontaines d’eau des écoles ? Le ministre a lancé la pierre aux gouvernements précédents.

« On a des infrastructures municipales et scolaires qui sont très, très vieilles, a-t-il dit. On a eu des années et des années de négligence. Des fois, en arrivant au gouvernement, j’ai l’impression d’avoir acheté une maison avec des vices cachés et avec des propriétaires négligents. »

Déjà, plus tôt cet été, un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) concluait que le taux de plomb dans l’eau des écoles et garderies de la province pourrait avoir des effets sur le quotient intellectuel des enfants.

Lundi, Le Soleil a révélé que l’eau potable dans certaines écoles de Québec présentait des concentrations de plomb « significativement élevées ».

Selon le chef du Parti libéral, Pierre Arcand, le ministre Roberge aurait dû ordonner des vérifications dès cet été.

« Cette question des abreuvoirs, je crois avoir vu des nouvelles là-dessus au mois de juillet, a-t-il noté. Le ministre devait réagir dès le mois de juillet sur cette question. Pourquoi faut-il encore une fois attendre plusieurs mois, quand ça fait encore une fois la manchette, pour qu’on puisse réagir sur cette question ? »

La députée du Parti québécois Véronique Hivon estime que la vérification ordonnée par le gouvernement caquiste est un premier pas. Elle souhaite cependant que Québec aille plus loin.

« C’est une chose d’envoyer une directive, a déclaré la députée péquiste. Je demande au ministre que les moyens suivent pour qu’on soit capables de faire ces examens, qu’on soit capables de faire les travaux rapidement et qu’il y ait des mesures de mitigation si on n’est pas capables de faire ça à très court terme. »

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a qualifié de « fou » l’état des fontaines dans les écoles. Elle a pressé le gouvernement Legault de remédier à la situation au plus vite.

« Ce sont nos enfants qui sont, par manque d’entretien, soumis à un haut taux de plomb comme ça, a dit Mme Massé. Ça n’a pas de bon sens. C’est bon de faire l’état de la situation, mais j’espère qu’il va agir au fur et à mesure, et non pas attendre le rapport dans quelques mois et ensuite agir. »

Que boire, alors ?

À la tête de VisezEau – un mouvement dont la principale mission est de rendre l’eau potable plus accessible, plus attrayante et mieux publicisée – , l’épidémiologiste Michel Lucas s’inquiète des résultats de notre enquête, mais aussi des impacts que nos résultats pourraient avoir sur la consommation de l’eau dans les écoles.

« L’accès à l’eau potable est un droit humain, et malheureusement, il n’est pas toujours assuré aux enfants du Québec », déplore ce professeur au département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval et chercheur au CHU de Québec – Université Laval.

Le Dr Lucas craint que les enfants se tournent vers l’eau embouteillée – une « catastrophe environnementale » – et les boissons contenant du sucre –  « très mauvaises pour la santé » – parce que leurs parents se méfieront de l’eau des fontaines.

« La promotion de l’eau non embouteillée ne peut se faire sans l’assurance d’une eau de qualité et la mise en place d’environnements favorables à sa consommation, explique celui qui est aussi chercheur invité à la Harvard T. H. Chan School of Public Health. Il faut arrêter d’être en mode réaction et être proactif. C’est essentiel à l’éducation à la santé durable des générations futures. »

Ainsi, épaulé par un groupe de chercheurs canadiens et américains, l’épidémiologiste dirige un projet-pilote qui vient de débuter dans 36 écoles primaires de la grande région de Québec. L’idée, c’est de valoriser l’eau potable à travers toutes sortes d’activités de sensibilisation pour amener les enfants à adopter de bonnes habitudes de vie.

La première étape du projet-pilote a été d’ajouter des filtres certifiés pour retirer le plomb de l’eau des fontaines installées dans ces écoles et ainsi garantir aux enfants une eau de qualité.

« Les enfants nous disent que l’eau goûte bon, alors ils sont enclins à en boire plus », se réjouit le chercheur principal de VisezEau – un projet financé par la Politique gouvernementale de prévention en santé.

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