OPINION

SOCIÉTÉ Un autre chemin que la laïcité ?

Le premier ministre François Legault veut régler la question de l’abolition des signes religieux rapidement afin de diminuer la violence et de pouvoir enfin passer « aux vraies affaires ». Le gros problème, c’est que si ce projet est adopté, la violence risque de continuer à augmenter. 

En étudiant le niveau d’hostilité à caractère religieux dans 198 pays, un vaste projet de recherche a clairement démontré que plus un gouvernement limite la liberté religieuse, plus une société est exposée à de la violence (Pew Research Center, 2007). Charles Taylor lui-même a renversé sa position en 2017 après l’attentat de la mosquée de Québec.

Il a expliqué que si le Québec continuait de vouloir restreindre les signes religieux, cela allait créer des barrières qui mèneraient à encore plus de violence envers la communauté musulmane. 

Le Conseil musulman de Montréal et le Collectif québécois contre l’islamophobie avaient publié des chiffres révélateurs en 2013. Lors du débat sur le projet de charte des valeurs québécoises par le gouvernement de Pauline Marois, soit de la mi-septembre à la mi-octobre, 117 plaintes islamophobes avaient été déposées. Le Collectif n’avait enregistré que 25 plaintes pour islamophobie entre le 1er janvier et le 31 juillet (seulement 3,5 plaintes par mois). Un autre exemple frappant à l’époque avait été la tête de porc laissée devant une mosquée.

Devant ces faits, se peut-il que la paix sociale à laquelle nous aspirons au Québec arrive par un autre chemin que celui de la laïcité ?

Des valeurs universelles

La semaine dernière, l’école de mes enfants a demandé à mon conjoint et moi de définir ce qu’est pour nous l’ouverture d’esprit sur le monde (« international open-mindedness »). Nos enfants fréquentent une école internationale à Londres, au Royaume-Uni, depuis près de cinq ans.

Voici une partie de notre réponse : 

 – la conviction qu’il y a des valeurs universelles qui dépassent les cultures et les pays ;

 – la conviction qu’avoir une ouverture d’esprit sur le monde ne menace pas notre identité et notre culture, mais plutôt, les renforce ;

 – et la conviction que la diversité est souhaitable.

Avant de déménager à Londres, nos enfants ont fréquenté une école francophone à Montréal puis à Ottawa. Chacun de ces établissements avait des enseignantes qui portaient le voile.

À la même époque, j’étais professeure dans une université à Ottawa. Il y avait des étudiantes qui portaient aussi le voile. Certaines d’entre elles étaient venues me rencontrer parce qu’elles étaient intéressées à poursuivre leurs études supérieures à Montréal. Elles m’avaient alors demandé ce que j’en pensais. Nous étions en 2013, au moment du projet de charte des valeurs du Parti québécois. Elles avaient peur de ne pas trouver un travail à Montréal après leurs études. Je suis née et j’ai grandi au Québec. J’aime la culture québécoise. Je n’avais pas été capable de les contredire dans leurs peurs. Je ne savais pas quoi leur répondre. Aujourd’hui, je ne saurais pas plus quoi dire si la question m’était posée à nouveau.

Le voile, un enjeu ?

Nos enfants parlent fièrement le français et passent trois mois au Québec chaque année. Dans leur école, il y a plus de 40 pays représentés. Ils sont fiers de dire à leurs amis qu’ils viennent du Québec. Cependant, tout comme en 2013 lorsque nous habitions à Ottawa, ils ne comprennent pas de quoi nous sommes en train de parler lorsque nous leur racontons qu’il y aura peut-être abolition des signes religieux pour les personnes responsable de l’ordre et les enseignants au Québec. Il y a des mères qui portent le voile. Cette année, l’enseignante de mathématiques de mon fils aîné porte un voile. Ils ne comprennent pas en quoi le port de signes religieux pour une policière ou une enseignante est un enjeu.

Au lieu de créer des barrières, sommes-nous prêts à ce que l’ouverture d’esprit sur le monde soit une de nos valeurs comme Québécois ? Est-ce que nous croyons suffisamment en nous-mêmes, en tant que nation, pour pouvoir être en mesure de vivre dans une société où l’identité de chacun, les cultures de tous soit promue ?

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