L’histoire de cœur de Brendan Gallagher

Brendan Gallagher s’est bâti une réputation enviable grâce à son cœur… C’est aussi à cause d’un cœur qu’il est passé à un cheveu de perdre l’un de ses grands amis. 

Le 19 novembre 2016, le Canadien battait les Maple Leafs de Toronto 2-1 au Centre Bell. Brendan Gallagher avait passé 16 minutes sur la glace, surtout au sein d’un trio avec Tomas Plekanec et Charles Hudon. Il avait tiré trois fois au filet sans marquer. Rien de bien extraordinaire. 

Bref, une soirée destinée à être rapidement oubliée. C’était avant que Gallagher retourne dans le vestiaire après le match. Son agent lui avait envoyé un message dont il parle encore avec émotion, près de deux ans plus tard : « Craig Cunningham vient d’avoir une crise cardiaque. »

À 4000 km de là, à Tucson, en Arizona, Cunningham s’était écroulé sur la glace avant la mise en jeu initiale. Il avait fait ce qu’on appelle un arrêt cardiaque soudain, et une course effrénée venait de s’enclencher pour sauver la vie du jeune homme de 26 ans. 

« On me disait que Craig était à l’hôpital et qu’on évaluait à 50-50 ses chances de survie. Dès que j’ai entendu ça, plus rien d’autre n’importait. Je ne pensais qu’à Craig. » 

Gallagher connaît bien Cunningham. En fait, ils sont devenus très proches quand Gallagher s’est joint aux Giants de Vancouver, dans la Ligue junior de l’Ouest, à l’âge de 16 ans. Cunningham était le joueur plus âgé qu’il tentait d’imiter. 

« Il faisait plusieurs choses que je devais apprendre à faire pour avoir du succès, explique Gallagher. Être porté sur la rondelle, batailler, protéger la rondelle dans le coin. Craig était meilleur que quiconque à ces choses-là. L’entraîneur me demandait de le regarder faire. » 

Gallagher a suivi en temps réel l’épreuve de son ami. Il n’a pas fermé l’œil de la nuit. Vers sept heures du matin, heure de Montréal, il a enfin appris une bonne nouvelle : Cunningham s’en tirerait probablement. Un spécialiste de la chirurgie cardiothoracique de l’endroit, le Dr Zain Khalpev, l’un des plus réputés du monde, lui avait sauvé la vie grâce à une intervention révolutionnaire. Mais les dommages étaient irréparables : Cunningham avait perdu sa jambe en raison d’un caillot sanguin et, du coup, toute chance de s’établir un jour dans la LNH. 

« Je crois fermement que si n’importe qui d’autre s’était retrouvé dans cette situation, il ne serait plus ici aujourd’hui, juge Gallagher. Mais il se distinguait par sa ténacité sur la glace. »

« Certaines choses arrivent à certaines personnes, on ne sait pas pourquoi, mais ces gens sont capables de passer à travers mieux que d’autres. » 

— Brendan Gallagher

À sa sortie d’hôpital, Cunningham avait certes perdu une carrière, mais il avait gagné une cause. Il savait qu’il était privilégié, malgré tout, d’avoir survécu à un mal qui tue 90 % de ses victimes. Il a donc lancé en février dernier la All Heart Foundation, dont l’objectif est de réduire l’incidence des crises cardiaques grâce à la prévention et à la détection. Gallagher n’avait pas le droit de rater le premier camp organisé par la fondation de son ami, qui réunissait 35 joueurs professionnels à Delta, près de Vancouver. 

Implication

Gallagher a donc passé en partie sa dernière semaine de préparation en Colombie-Britannique à ce camp. Le fougueux attaquant admet que sa contribution au projet était surtout morale, bien qu’il en ait fait la promotion sur ses plateformes sociales. 

À Montréal, Gallagher est désormais l’un des joueurs les plus en vue du Canadien, assurément l’un des visages de la franchise. Il ne se voit pas ainsi, il assure qu’il « penserait à plusieurs autres joueurs avant [lui] » pour cet honneur. Tout de même, il a su s’imposer dans le désastre qu’a été la dernière saison. Avec ses 31 buts, bien sûr, mais aussi par son ardeur au travail. C’est d’ailleurs Gallagher qui est en vedette sur le billet du match d’ouverture du Canadien, et ce n’est pas pour rien. On parle aussi de plus en plus de lui comme d’un futur capitaine dans la LNH, comme il l’avait été avec les Giants au niveau junior. 

Ce rôle accru sur la glace et dans le vestiaire qu’il accepte, qu’il a recherché, même, vient forcément avec un rôle accru dans la collectivité. Gallagher en est bien conscient. 

« Nous sommes chanceux de faire ce que nous faisons pour vivre. Nous faisons aussi partie de ceux qui ont une plateforme, et les gens s’intéressent à notre vie. Nous pouvons avoir un impact sur quelqu’un moins chanceux que nous. » 

C’est pour cette raison qu’il s’est associé à l’Hôpital Shriners pour enfants, sans le crier sur tous les toits. Il publiait même en novembre dernier une adorable vidéo promotionnelle, dans les deux langues, avec un petit patient nommé Kaleb. 

« Ça me permet de remettre les choses en perspective. C’est presque égoïste. Tu y vas et tu espères que les enfants apprécient ta présence. En fait, c’est la seule raison pour laquelle tu y vas. Je mentirais si je disais que je n’en retire rien. C’est important de comprendre à quel point nous sommes chanceux. À quel point plusieurs choses se sont passées de la bonne manière dans notre vie sans que nous y soyons pour quoi que ce soit.

« D’autres n’ont pas cette chance. Ils ont besoin d’appui. C’est ça, l’objectif. Ça n’est pas d’attirer l’attention. Ce n’est pas une bonne raison de le faire. Si tu réussis à mettre un sourire sur le visage d’un enfant, ça en vaut la peine. » 

Gallagher s’y rend quelques fois par année pour rencontrer les enfants et leur famille, mieux comprendre leur réalité et en apprendre davantage sur les nouvelles avenues de traitement. 

Le leadership au hockey, ce n’est pas que sur la glace.

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