États-Unis

Coup de balai à la Maison-Blanche

Anthony Scaramucci quitte son poste de directeur des communications. Son départ annonce-t-il la fin de la récréation ?

Dix jours. C’est le temps que le flamboyant banquier aux lunettes de superstar, Anthony Scaramucci, aura passé au poste de directeur des communications de la Maison-Blanche.

Celui que l’on surnomme « The Mooch » – l’équivalent, en français, d’une sangsue – a quitté ses fonctions hier après-midi, dans les heures qui ont suivi l’entrée en fonction de son nouveau patron, le chef de cabinet John Kelly.

La Maison-Blanche a présenté ce départ comme une démission. Mais selon le New York Times, c’est John Kelly lui-même qui aurait congédié l’analyste financier de Wall Street, qui a multiplié les provocations depuis sa nomination, le 21 juillet.

Anthony Scaramucci a notamment qualifié l’ancien chef de cabinet Reince Priebus de « putain de schizophrène paranoïaque » et attribué avec des mots très crus des activités sexuelles improbables au stratège en chef Steve Bannon.

Selon la nouvelle porte-parole de la Maison-Blanche, Sarah Huckabee Sanders, le président Donald Trump a jugé ces déclarations « inappropriées ». Mais le départ d’Anthony Scaramucci s’explique aussi par la guerre de pouvoir qu’il a enclenchée en s’attribuant un accès direct au président, court-circuitant ainsi la ligne hiérarchique habituelle qui le soumet à l’autorité d’un chef de cabinet.

La question de la « chaîne de commandement » a joué un rôle dans le départ d’Anthony Scaramucci, a reconnu Sarah Huckabee Sanders en point de presse, hier.

Pour résumer : l’arrivée en poste d’Anthony Scaramucci a entraîné les départs du porte-parole de la Maison-Blanche, Sean Spicer, et du chef de cabinet de la première heure du président Trump, Reince Priebus.

Ce dernier a été remplacé par l’ancien général John Kelly, qui aurait aussitôt montré la porte à M. Scaramucci. Au moment d’écrire ces lignes, on ignorait qui allait le remplacer.

« Structure, discipline et force »

Ce dernier coup de tonnerre dans le ciel orageux de Washington vise à sonner la fin de la récréation, laissant à John Kelly la liberté de constituer sa propre équipe pour apporter « plus de structure, de discipline et de force », selon les mots de la porte-parole Sarah Huckabee Sanders.

But de l’opération : rassurer les élites du Parti républicain, qui ont été pas mal bousculées par les turbulences des derniers jours, note Vincent Boucher, chercheur en résidence à l’Observatoire des États-Unis à la Chaire Raould-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal.

Selon lui, Anthony Scaramucci « encourageait les propensions autodestructrices de Donald Trump », s’aliénant les hautes sphères républicaines. En insultant Reince Priebus, par exemple, il a heurté beaucoup de sensibilités au sein même du parti, notamment celle du président de la Chambre des représentants Paul Ryan, un ami de l’ancien chef de cabinet emporté par la tempête.

reconstruire les ponts

Le chercheur croit aussi que la « discipline militaire » de John Kelly ne se déploiera pas seulement dans l’entourage de Donald Trump, mais permettra aussi d’exercer un meilleur contrôle sur le président lui-même, qui s’est coupé du Parti républicain, au point de se retrouver à couteaux tirés avec un Congrès pourtant dominé par son propre parti.

Résultat : Donald Trump ne parvient pas à faire adopter ses réformes, successivement rejetées par les élus, incluant des députés et sénateurs républicains. On n’a qu’à penser au récent rejet de sa réforme du régime d’assurance maladie, dont l’abolition avait pourtant constitué l’une de ses principales promesses électorales.

Paralysée, éprouvée par une semaine de revirements surréalistes, l’administration Trump tente maintenant de calmer les esprits et de reconstruire les ponts avec les dirigeants républicains. L’opération de sauvetage a été confiée à John Kelly, ancien général des marines et ministre de la Sécurité qui fera un « travail spectaculaire », a assuré hier le président Trump, selon qui il n’y a aucun chaos à la Maison-Blanche.

Départs en série

Michael Flynn

Vingt-quatre jours : c’est le temps pendant lequel Michael Flynn a été conseiller à la sécurité nationale avant de démissionner pour avoir caché qu’il avait eu des discussions téléphoniques avec l’ambassadeur de Russie à Washington.

James Comey

Nommé par Barack Obama, cet ancien directeur du FBI a été congédié par Trump en mai dernier alors qu’il enquêtait sur le rôle qu’aurait pu jouer la Russie dans l’élection présidentielle américaine. Plus tard, devant le Sénat, Comey a dépeint Trump comme un menteur.

Sean Spicer

Sean Spicer, dont les relations avec la presse étaient pour le moins tendues, a démissionné le 21 juillet en apprenant la nomination du nouveau chef des communications de la Maison-Blanche Anthony Scaramucci.

Anthony Scaramucci

Établissant un nouveau record, le chef des communications est resté en poste 10 jours seulement. Son passage, bien que très bref, restera marqué par ses citations fracassantes. Il a été forcé de partir à la demande de John Kelly, nouveau chef de cabinet de la Maison-Blanche.

— Philippe Mercure et Audrey Ruel-Manseau, La Presse

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