États-Unis

Le président qui criait au loup

NEW YORK — Surexposition : le mot apparaît dans un livre sur la révolution médiatique à laquelle le président Franklin Roosevelt a participé de 1933 à 1944 grâce à ses fameuses « causeries au coin du feu ». Si le père du New Deal a exercé un ascendant sans précédent sur ses compatriotes, c’est en partie parce qu’il a su échapper à ce piège en dosant bien ses interventions radiophoniques.

« En évitant la surexposition, Roosevelt a fait de ses causeries des événements nationaux, attirant non seulement d’immenses auditoires, mais également une correspondance abondante », écrit Paul Starr dans The Creation of the Media, un ouvrage publié en 2005.

Surexposition : le terme revient aussi dans un livre abordant une autre révolution médiatique, celle des conférences de presse télévisées en direct, dont le président John Kennedy a été le pionnier.

Depuis cette époque, « les administrations se sont préoccupées de la surexposition présidentielle, qui peut mener à une efficacité diminuée en cas d’appels futurs aux citoyens », écrit Stephen Farnsworth dans Spinner in Chief, un ouvrage publié en 2009.

Les moyens de communication ont évidemment changé depuis les administrations Roosevelt et Kennedy. Mais la nécessité de préserver une certaine mystique autour de la présidence, de même qu’une certaine distance entre le président et le public, demeure.

Et, après le premier mois de Donald Trump à la Maison-Blanche, force est de constater que le nouveau président a ignoré cette nécessité à son détriment, selon Stephen Farnsworth.

« Je pense que Donald Trump court un grand risque de surexposition. De ses gazouillis matinaux à ses conférences de presse intempestives de 80 minutes, Donald Trump a dominé l’actualité pendant quasiment chaque heure du dernier mois. Twitter est un bon outil pour exprimer sa colère, mais ce n’est pas un bon outil pour gouverner. »

— Stephen Farnsworth, politologue à l’Université Mary Washington, un établissement public de Virginie, au cours d’un entretien téléphonique à La Presse

Les sondages d’opinion publique ne sont pas la seule mesure de l’efficacité d’un président. Mais la plupart d’entre eux indiquent que Trump a laissé « une première impression très, très négative, comparativement à ses prédécesseurs », note M. Farnsworth.

En fait, à la fin de son premier mois à la présidence, Donald Trump récolte moins de 40 % d’opinions favorables selon au moins trois sondages (Gallup, Pew Research Center et Fox News). Depuis que les sondeurs s’intéressent à ce genre de données, jamais un président américain n’a été aussi impopulaire si tôt dans son mandat.

La présence médiatique excessive de Trump n’est pas responsable à elle seule de cette première impression négative, selon M. Farnsworth. Le problème découle en grande partie de la nature même des interventions du président, « qui ne sont ni très réfléchies ni très cohérentes ».

« Les partisans convaincus de Trump adorent sa rhétorique, mais celle-ci ne contribue pas à promouvoir le programme républicain, dit le politologue. Plusieurs républicains du Congrès s’inquiètent de la cohérence de Trump, de ses liens avec la Russie et de son effet sur la marque républicaine dans le pays. »

« Chaque membre de la Chambre devra affronter les électeurs dans moins de 19 mois [à l’occasion des élections de mi-mandat]. Si la cote de popularité de Donald Trump se situe encore sous la barre des 40 %, ce sera un environnement très difficile pour les candidats républicains en 2018. »

— Stephen Farnsworth

En mars 2009, des médias s’inquiétaient également du risque de surexposition que Barack Obama encourait, selon eux, en se rendant sur le plateau de Jay Leno ou en parlant de basketball collégial sur ESPN. À l’époque, le président récoltait 63 % d’opinions favorables, selon Gallup. Et il avait, au cours de son premier mois à la Maison-Blanche, promulgué un plan de relance économique de 787 milliards et une loi pour l’équité salariale, entre autres, tout en jetant les bases de ses réformes de la santé et de Wall Street.

Jusqu’à maintenant, l’essentiel de l’action de Trump se résume à une série de décrets dont plusieurs nécessiteront des mesures législatives pour devenir réalité. Quant au décret migratoire du président, le plus controversé du lot, il devrait faire l’objet d’une nouvelle version après avoir été bloqué par les tribunaux.

Donald Trump gagnerait sans doute à se faire plus rare, à baisser le ton et à cesser ses attaques contre les juges, les médias et tous ceux qui s’opposent à lui. Mais en est-il capable ? En attendant d’avoir la réponse, Stephen Farnsworth compare le danger de la surexposition présidentielle à l’histoire du garçon qui criait au loup.

« Si vous vous époumonez en public sur chaque question comme si c’était la plus importante, les gens risquent de ne pas vous prendre très au sérieux quand une vraie crise éclate, dit-il. Les présidents ont un nombre limité de batailles qu’ils peuvent remporter. Vous devez donc bien choisir ces batailles. Le problème, c’est que Donald Trump livre des batailles sur tout. Ce n’est pas une bonne stratégie pour connaître le succès politique. Et ce n’est pas une bonne stratégie pour obtenir l’appui du public. »

Immigration : le nouveau décret ciblera les mêmes pays

Une ébauche du prochain décret de Donald Trump sur l’immigration prend pour cibles les ressortissants des sept mêmes pays à majorité musulmane que le précédent (l’Irak, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen), mais exempte les voyageurs possédant déjà un visa pour entrer aux États-Unis même s’ils ne l’ont pas utilisé. Selon une importante source au sein de l’administration Trump, les détenteurs du permis de résidence permanente (la carte verte) et les citoyens américains ayant la double nationalité avec l’un des sept pays seront exemptés. Selon l’ébauche, les autorités ne seront plus tenues de refuser l’entrée aux États-Unis à un réfugié syrien en attente de visa.  — Associated Press

L’attentat qui n’existe pas

Donald Trump a laissé la Suède perplexe, voire goguenarde, lors d’un discours, samedi, sur la crise des réfugiés et l’insécurité dans le monde, en évoquant un attentat dans le pays scandinave qui n’a jamais eu lieu. « Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés, et maintenant, ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé », a lancé le président américain dans un discours virulent en Floride. Il a également cité les attentats, bien réels ceux-là, de Bruxelles, de Nice et de Paris. Plus tard dans la journée, M. Trump a tweeté : « Ma déclaration sur ce qui se passe en Suède se référait à un reportage diffusé sur [la chaîne conservatrice] @FoxNews sur les immigrés et la Suède. » Une explication intervenue après que le ministère suédois des Affaires étrangères a activé son ambassade à Washington pour en savoir plus. 

— Agence France-Presse

Mulroney lui chante la pomme

L’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney a chanté la pomme au président Donald Trump à Mar-a-Lago, en Floride, samedi soir. Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montre M. Mulroney chanter When Irish Eyes Are Smiling sur la scène du club du Mar-a-Lago. Les images semblent avoir été prises lors d’une soirée de bienfaisance. « Je n’aurais jamais osé supposer pouvoir demander au président des États-Unis de chanter, alors je ne le ferai pas », a blagué l’animateur de la soirée David Foster avant de convoquer M. Mulroney. Selon le Palm Beach Daily News, Mulroney était assis à la même table que Donald Trump et sa femme Melania, lesquels sont ses voisins depuis longtemps à Palm Beach. « Monsieur le Président, j’espère que cela ne nuira pas aux relations entre les États-Unis et le Canada pour les décennies à venir », a lancé M. Mulroney avant de commencer à chanter.  — La Presse canadienne

En mode recherche

Donald Trump continuait hier de chercher désespérément un conseiller à la sécurité nationale, l’un des postes les plus stratégiques de la Maison-Blanche, après la démission de son titulaire Michael Flynn en raison de ses liens avec la Russie. Le président américain passe le week-end prolongé dans son club privé de luxe, qu’il a surnommé « la Maison-Blanche du Sud », où il devait interviewer des candidats pour diriger le Conseil de sécurité nationale (NSC), le cabinet de politique étrangère de la présidence américaine. La presse américaine fait état de tensions à la Maison-Blanche sur le profil du prochain patron du NSC : le chef stratège controversé de la présidence Stephen Bannon, associé à l’extrême droite et qui siège au NSC, est soupçonné de faire la pluie et le beau temps pour trouver un remplaçant à M. Flynn. 

— Agence France-Presse

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