Parlami d’Amore des Grands Ballets

Vanesa G.R. Montoya, première danseuse et chorégraphe

Florilège de chorégraphies autour du thème de l’amour absolu, Parlami d’amore clôt la saison 2018-2019 des Grands Ballets. À trois pièces signées par des chorégraphes européens contemporains (Douglas Lee, Marwik Schmitt et Marcos Mauro) s’ajoutent quatre créations qui mettent en lumière le talent chorégraphique des danseurs de la troupe montréalaise. Parmi eux, la première danseuse Vanesa Garcia-Ribala Montoya propose deux courtes pièces de son cru. Discussion et répétition, en mots et en images.

Vous êtes née à Madrid, d’une mère espagnole et d’un père guinéen, et y avez poursuivi votre formation en danse, avant de vous joindre à la Compañía Nacional de Danza 2, puis brièvement au Ballet du Rhin, à Mulhouse, en France. Pourquoi tout abandonner pour intégrer les Grands Ballets, en 2007, et déménager à Montréal ?

J’habitais à Mulhouse, et comme c’était un long week-end, j’ai décidé d’aller à Madrid. Un de mes amis y était pour auditionner pour les Grands Ballets. J’ai donc décidé de prendre une classe, car c’était une compagnie qui m’intéressait, artistiquement, avec son répertoire assez diversifié. Puis j’ai fait l’audition et j’ai été choisie. J’étais jeune, je voulais apprendre, donc je n’ai pas voulu passer à côté de cette occasion !

Comment le désir de créer des chorégraphies s’est-il manifesté dans votre parcours ?

Je ne me suis jamais considérée comme une danseuse seulement, mais comme une artiste. J’adore interpréter le travail d’un autre artiste et trouver ma propre expression à travers cela, mais au final, toutes les formes d’art m’interpellent. Ce qui est le plus important pour moi, c’est de trouver ces occasions de collaboration où plusieurs formes d’art peuvent se rencontrer, et c’est ce qui m’a amenée à la chorégraphie.

Depuis quand avez-vous commencé à créer des œuvres chorégraphiques ?

Je dirais plus sérieusement depuis deux ans. J’ai d’abord créé de petites pièces pour des événements, comme le gala des Grands Ballets, pour mes élèves à l’École supérieure de ballet et en collaboration avec certains artistes, comme Martha Wainwright, pour un programme spécial l’an dernier au Festival des arts de Saint-Sauveur.

Vous êtes reconnue pour votre style athlétique et vos affinités avec le répertoire contemporain. Comment abordez-vous la création chorégraphique ?

La plupart de mes pièces sont très intenses physiquement. Pour moi, c’est important de construire l’émotion à travers le langage du corps, plutôt que par le jeu. J’aime mieux me concentrer à trouver cette connexion physique aux sentiments que j’essaie de traduire. Tout cela à l’aide de la musique ; j’utilise toutes sortes de musiques, mais j’aime beaucoup la musique classique, le piano et les cordes, idéales pour créer de la fluidité dans les mouvements. Si on avait à décrire mon style à l’aide des éléments, il serait davantage lié à l’eau et au vent.

Vous présentez deux courtes créations pour Parlami d’amore, Departed et Fuego. Departed présente deux solos, l’un féminin, l’autre masculin. Que cherchiez-vous à dire ?

Au départ, ce ne devait être qu’un solo masculin, puis nous avons décidé d’ajouter un solo féminin, que je vais danser en alternance avec une autre interprète, Yui Sugawara. J’ai tenté de lier les deux chorégraphies à travers les pas, qui se répètent, dans un ordre différent ou avec une connotation différente. Departed parle de deuil, de la perte d’un être cher et des différentes façons dont les personnes arrivent à faire face à cette situation. J’utilise une table et des chaises, comme une façon de montrer l’absence. C’est un sujet très personnel, car j’ai perdu mon père l’année dernière et cette idée qu’une personne qui était là est disparue à jamais est vraiment difficile à accepter.

Quant à Fuego, il est porté avec énergie par un quatuor d’interprètes. La pièce semble s’inspirer notamment de l’intensité du flamenco. Quelle était votre inspiration ?

Fuego, c’est un autre aspect de l’amour, complètement différent. La pièce ne fait pas nécessairement référence au sentiment amoureux envers une personne, mais à la passion au sens large. J’y explore les différentes étapes de la passion : quand elle s’enflamme, est à son apogée, meurt… L’image du matador m’a inspirée, même si je ne suis pas nécessairement à l’aise avec cette tradition de la corrida, mais il y a quelque chose de l’ordre de la passion absolue chez le matador, qui est prêt à risquer sa vie ! Et l’énergie du flamenco, son intensité, traverse aussi la pièce.

Vous avez aujourd’hui 35 ans. Comment envisagez-vous l’avenir ?

Je suis très occupée avec mon rôle de première danseuse, et je me mets beaucoup de pression pour le faire le mieux possible, mais je veux continuer à créer ; d’ailleurs, je signe une des pièces de Luna, qui sera présentée en mars 2020. Ce n’est pas toujours facile, car il y a un nombre limité d’heures dans une journée. Disons que souvent, je quitte les studios assez tard le soir… Mais tout cela m’importe peu, car au final, tout cela m’apporte beaucoup de joie !

Au Théâtre Maisonneuve du 16 au 25 mai

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