relations sexuelles avec une patiente

Un psychiatre radié sept ans

Un psychiatre de Québec qui a eu des relations sexuelles avec une patiente après l’avoir séduite en faisant allusion à la trame du film Méthode dangereuse est radié pour une période de sept ans.

Le conseil de discipline du Collège des médecins du Québec vient ainsi de rendre sa décision la plus sévère depuis le changement au Code des professions survenu il y a un an visant à punir plus durement les infractions à caractère sexuel.

Fait rare : le Conseil a décidé d’imposer au psychiatre Jean-David Gaudreau une sanction plus sévère que celle suggérée par le syndic adjoint du Collège des médecins qui, lui, réclamait une radiation de cinq ans. De leur côté, les avocats du médecin réclamaient une période de radiation de douze à quatorze mois.

Le Dr Gaudreau a reconnu avoir abusé de la relation professionnelle établie avec la patiente pour avoir des relations sexuelles avec celle-ci. Il devra aussi payer une amende de 5000 $.

Dès la première consultation en 2014, le psychiatre suggère à la patiente de visionner le drame Méthode dangereuse – l’histoire d’une jeune femme souffrant d’hystérie qui devient la maîtresse du psychanalyste Carl Jung. Il lui dit alors qu’il est « plus du genre Jung que Freud » pour ce qui est de « l’ouverture d’esprit » (Freud est aussi incarné dans le film).

Traitée pour un TDAH, la jeune femme – qui était alors étudiante à l’Université Laval – était allée le consulter à la clinique du campus pour ajuster sa médication. Au terme de la première consultation, il lui propose des séances de psychothérapie.

Après neuf séances, le Dr Gaudreau demande à la patiente si elle veut « un ami ou un psychiatre ». Elle choisit l’« ami ».

Dans les jours suivants, ils auront leurs premières relations sexuelles et feront des jeux de rôle, dont certains inspirés du film Méthode dangereuse.

Relation de 16 mois

Le Dr Gaudreau cessera de la suivre comme patiente et ils entreprendront une relation qui durera 16 mois. Durant cette période, il lui offrira plusieurs cadeaux ; il l’aidera à trouver un emploi, en plus de l’inviter à l’accompagner à un congrès de médecine aux États-Unis.

Après une « discussion animée » lors de ce voyage, le psychiatre lui avouera qu’il n’a pas bien agi à son égard lorsqu’il était son médecin, notamment en lui suggérant de mettre fin à sa relation de couple (à sa première consultation, elle était en couple depuis des années).

« Il lui aurait expliqué qu’étant donné qu’il s’est fait abandonner par sa mère, il n’accepte pas que les hommes aient accès au bonheur qu’il n’a jamais eu. C’est pour cette raison qu’il essaye de convaincre ses patientes que leur couple est voué à l’échec. »

— Extrait de la décision du Conseil

Cette révélation choque la patiente. Elle met alors fin à leur relation et porte plainte contre lui pour qu’il « cesse de détruire la vie des femmes qui se sentent comprises par ce dernier et lui font confiance », toujours selon la décision.

À la suite de cette relation, la jeune femme – « déçue d’elle-même » et « mêlée » – a développé un problème de consommation d’alcool.

Le Conseil a reproduit dans sa décision un extrait de sessions de clavardage tenues entre la patiente et le psychiatre qui, à son avis, est « éloquent » quant à la vulnérabilité de la patiente et aux conséquences de l’inconduite du médecin : 

La patiente : « Il est où mon psy à moi qui me jurait d’être toujours là ? »

Le Dr GaudReau : « Y’est plus là… mais tu pourrais avoir 24h sur 24 “ton” psy avec toi pour toujours, pour le meilleur et le pire »

La patiente : « Ben moi j’mennuie et j’en pleure littéralement… De lui »

Le Dr GaudReau : « Chu là ptit poulet… t’as accès à toute ma personne et “ses” connaissances »

La patiente : « Non, vous n’êtes pas pareil. »

Le Dr GaudReau : « Ben tant mieux d’abord ! T’aimes plus lui ? Si t’étais ma blonde tu peux être sur que je me prononcerais sur ton diagnostic et ton traitement et m’as durerais [sic] que tout est en règle. »

La patiente : « Je m’ennuie c’est tout et j’ai l’impression qu’il m’a promit qu’il serait toujours là et qu’il s’est enfuit, il m’a menti »

Le Dr GaudReau : « T’as moi ! Et lui y est intégré ! »

La patiente : « Je pleure excessivement… C’est ça mon bobo. »

Confiance du public attaquée

L’inconduite sexuelle du Dr Gaudreau porte directement atteinte à la confiance du public envers les médecins, selon le Conseil de discipline. 

« Les évènements vécus par la patiente peuvent laisser croire que tout patient est à risque et peut se faire abuser par son médecin, particulièrement dans un contexte de vulnérabilité psychologique », poursuit le Conseil dans sa décision d’une quarantaine de pages.

Au moment de son témoignage devant le Conseil, le médecin a affirmé qu’il aurait aimé que la relation avec la patiente se développe et qu’elle devienne un jour sa femme. Il croyait – à tort – qu’à l’instant où le suivi thérapeutique était terminé, il n’était plus responsable de la patiente. Il est en arrêt de travail depuis mars 2017. Sans revenu, il vit grâce à ses économies. Il a présenté ses excuses à la jeune femme et à sa famille.

Collège des médecins

Trois autres cas d'inconduite

Le Dr Rancourt

Le Dr Jean-François Rancourt est le premier médecin à écoper d’une sanction de cinq ans en vertu des sanctions plus sévères prévues depuis juin 2017 en cas d’inconduite sexuelle par des professionnels. Ce médecin de Montmagny a inséré une main non gantée dans la petite culotte de sa patiente pour ensuite lui masser les parties génitales pendant plusieurs minutes.

Le Dr Paquin

Le Dr Sébastien Paquin a utilisé son statut de médecin pour entreprendre un clavardage avec un patient de 19 ans sur le réseau social Facebook. Ce médecin omnipraticien de Québec a plaidé coupable et a été radié un an en plus de devoir payer une amende de 2500 $.

Le Dr Cordoba

Le Dr Juan Carlos Cordoba a été radié pour trois ans pour avoir entretenu une relation avec l’une de ses patientes. Ce chirurgien plastique de Montréal a eu des relations sexuelles avec cette patiente, tant à son cabinet qu’au domicile de celle-ci pendant une période de six mois.

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