Transfert d’entreprise

La recette (pas encore testée) de Ricardo

Tout comme de nombreux entrepreneurs, Ricardo Larrivée et sa conjointe, Brigitte Coutu, ont fait grandir une société qui emploie aujourd’hui jusqu’à 125 personnes dans des marchés linguistiques et géographiques dont l’horizon déborde largement le Québec. Au seuil de la cinquantaine, Ricardo entame une réflexion sur la suite des choses — pour lui, sa famille et l’entreprise à laquelle il a voué sa vie. Une entrevue réalisée par Sonia Boisvert, associée, Leader Famille inc. chez PwC.

Sonia Boisvert, PwC

Je vous remercie d’avoir accepté d’être le président d’honneur du concours Les Médaillés de la relève 2017. Je pense que le sujet vous tient à cœur…

Ricardo

Oui, mais c’est plutôt récent. Il y a deux ans encore, je me disais qu’un jour, je mettrais simplement fin à mes activités et que je vendrais tout. Je savais bien qu’outre l’immeuble et ce qu’il représente, tout ce qui compte pour la pérennité de l’entreprise, c’est la marque, le nom « Ricardo ». Le nom, j’ai toujours su que nous le léguerions à nos enfants. Cependant, la perspective d’une retraite à la suite de la vente de l’entreprise s’est véritablement imposée lorsque notre aînée de 19 ans, Béatrice, nous a clairement signifié qu’elle souhaiterait joindre l’organisation.

Sonia Boisvert, PwC

Aviez-vous déjà considéré céder l’entreprise à vos enfants ?

Ricardo

J’ai souvent entendu dire par des gens d’affaires : « Nous ne voulons pas imposer cela à nos enfants », et je suis de cet avis. Ricardo Media, c’est notre vie, à Brigitte et à moi, mais ce n’est pas celle de nos enfants. Pour être franc, le transfert de l’entreprise à mes enfants est peut-être l’option qui m’attirait le moins.

Sonia Boisvert, PwC

Vous sentez-vous obligé, maintenant, d’opter pour un transfert d’entreprise à la famille ?

Ricardo

Pas du tout ! Je pense que je leur dois de l’amour et une excellente éducation. Je tente aussi de leur inculquer les valeurs qui animent cette entreprise bien avant l’argent.

Sonia Boisvert, PwC

La possibilité que vos filles prennent la relève fait quand même son chemin…

Ricardo

Oui, mais cela a pour résultat que je me pose encore plus de questions ! Je fais aussi des rapprochements avec un agriculteur : il est très attaché à sa terre (l’émotion), mais il sait que ses enfants n’ont pas les moyens de se la payer (le côté pratique) !

Penser à la relève suscite d’autres réflexions. Au début, par exemple, nous étions une dizaine ; nous sommes maintenant 125. Je me demande quelle est la meilleure façon de sécuriser la vie des personnes qui travaillent avec nous aujourd’hui. Les entrepreneurs ont la responsabilité de protéger ces emplois et la qualité de vie de ceux qui les entourent.

Sonia Boisvert, PwC

Si le scénario de la relève familiale se maintient, quand pensez-vous qu’un transfert de propriété pourrait être réalisé ?

Ricardo

Je me fixe un horizon d’une dizaine d’années. Béatrice, Clémence et Jeanne ont respectivement 19, 17 et 14 ans. Nous tenterons d’aborder le tout progressivement. Déjà, nos employés commencent à voir nos enfants dans les parages, et je tente de passer le message subtilement : mes filles ne sont pas ici pour jouer au « p’tit boss », mais pour apprendre. Elles accompliront toutes les tâches de base qui sont requises dans une entreprise comme Ricardo Media.

Sonia Boisvert, PwC

Comment jugerez-vous qu’elles seront prêtes ?

Ricardo

Cet aspect est plus compliqué ! Cela ressemble à la première fois que tu confies les clés de ton auto à ta fille. Tu te demandes : « Est-elle prête ? ». Je souhaite pouvoir juger du moment opportun en toute sérénité. J’espère aussi être en mesure d’accepter l’évolution des choses, surtout en matière technologique. Par exemple, mes filles me parlent beaucoup des médias sociaux. C’est challengeant pour moi. Mes filles vivront dans un monde numérique bien différent du mien, je devrai leur faire confiance.

Sonia Boisvert, PwC

Vous savez que, chez PwC, nous attachons une grande importance au concours Les Médaillés de la relève. Il nous permet de mieux connaître la réalité du transfert d’entreprise tout en continuant de nous renouveler. Pourquoi avoir accepté la présidence d’honneur de notre concours ?

Ricardo

Je pense que nous devons parler davantage de ces sujets. De nombreux boomers entrepreneurs prendront leur retraite au cours des prochaines années. Nous devrons investir dans le mentorat. Quant à la relève familiale, elle nous empêche de vendre au plus offrant, surtout à des intérêts étrangers.

Nous avons un bureau à Toronto et beaucoup de possibilités dans le monde, mais je veux rester au Québec et évoluer à partir d’ici. Couche-Tard est un exemple inspirant : l’entreprise achète dans le monde, mais elle ne laisse pas le monde l’acheter.

Le concours Les Médaillés de la relève en est à sa 11e édition cette année. Cet événement reconnaît les entreprises qui ont réussi leur relève dans divers domaines, tout en permettant aux lauréats de partager leurs expériences et parfois leurs secrets. PwC accompagne aussi bien les entrepreneurs souhaitant passer le flambeau que les repreneurs d’entreprises. « Qu’il s’agisse de céder son entreprise à des membres de la famille, à des employés ou à des tiers, le transfert de propriété d’une société pose des défis considérables pour toutes les parties en cause », indique Sonia Boisvert, associée, Leader Famille inc. chez PwC.

Le concours des Médaillés de la relève 2017 est une initiative de PwC en partenariat avec l'Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale | HEC Montréal, la Caisse de dépôt et placement du Québec, la Banque de développement du Canada et la BCF Avocats d’affaires.

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