Ouragan Irma

De plein fouet

Irma a frappé de plein fouet les îles des Caraïbes, hier. Considéré comme l’ouragan le plus puissant jamais enregistré dans l’Atlantique, Irma a laissé la désolation dans son sillage, détruisant la vaste majorité des édifices des îles de Saint-Martin et de Barbuda. Après avoir frôlé Porto Rico, l’ouragan poursuit sa trajectoire vers la Floride.

Ouragan Irma

Un ouragan historique

Marigot, Saint-MartinMer déchaînée, toits arrachés, bateaux projetés sur les routes : l’ouragan Irma a « totalement dévasté » l’île de Barbuda et ravagé l’île franco-néerlandaise de Saint-Martin, faisant au moins sept morts au total. Tard hier soir, il frôlait Porto Rico.

Six morts à Saint-Martin

Le bilan le plus dramatique est venu de la partie française de Saint-Martin, avec au moins six morts. Mais le préfet de la Guadeloupe, un département d’outre-mer français voisin, a averti hier soir que le bilan n’était « pas définitif, loin de là », « estimant peut-être à 60 %, 70 % les habitations détruites » dans cette île. Plus pessimiste, Daniel Gibbs, président du conseil territorial français de Saint-Martin, a estimé l’île « détruite à 95 % ». « Si on a un autre cyclone qui nous tombe dessus samedi, […] ce n’est pas le nombre de morts qu’on va compter, c’est les vivants », a-t-il ajouté.

« c’est désastreux », dit un québécois à saint-martin

René Lépine, un entrepreneur québécois qui vit à Saint-Martin, rapporte que les dégâts sont énormes. « C’est désastreux. Toute une catastrophe. Il n’y a pas plus de 1 % des maisons qui ne sont pas endommagées. Dans le complexe où je vis, les toits de toutes les huit maisons sont arrachés. » Toutefois, M. Lépine affirme que ce qui lui fait peur, c’est le manque de nourriture pour les jours qui viennent. « Tous les magasins sont détruits. On a eu 1 m de pluie et les pertes sont énormes. On ne sait pas où on va acheter [la nourriture] pour se nourrir dans les trois prochains jours. J’espère qu’il va y avoir des aides d’urgence. »

Macron s’attend à « un bilan dur et cruel » 

Le président français Emmanuel Macron a par ailleurs prévenu qu’il fallait s’attendre à « un bilan dur et cruel ». La situation est d’autant plus dramatique à Saint-Martin, mais aussi à Saint-Barthélemy, qu’environ 7000 personnes avaient refusé de se mettre « à l’abri », selon la ministre française des Outre-mer, Annick Girardin. Sur les réseaux sociaux, des photos et des vidéos dévoilent l’ampleur des dégâts dans les deux îles, où l’électricité et les télécommunications sont coupées : bateaux transformés en petit bois dans un port, arbres étêtés par des rafales, toitures envolées, voitures immergées dans les rues.

Pillage et dégâts

Un journaliste de la radio RCI international, présent à Saint-Martin, a de son côté évoqué la présence de jeunes gens « en train de piller le centre-ville ». « Dans certains magasins éventrés par les éléments, les gens sont allés voler, mais il n’y a pas de pillage organisé », a relativisé le préfet de la Guadeloupe.

« Les dégâts sont énormes, à tel point que nous n’arrivons pas encore à les mesurer », a commenté de son côté le ministre néerlandais de l’Intérieur, Ronald Plasterk, au sujet de la partie néerlandaise de Saint-Martin.

Un mort dans l’île de Barbuda 

Le septième mort recensé pour l’instant sous les rafales d’Irma a été enregistré dans l’île de Barbuda, coupée du monde pendant de longues heures. L’île a été « totalement dévastée », selon Gaston Browne, premier ministre d’Antigua-et-Barbuda. Barbuda, qui compte environ 1600 habitants, « n’est plus qu’un tas de décombres », a-t-il insisté.

Conditions « très dangereuses » à Porto Rico

Irma, ouragan de catégorie 5, a commencé à longer la côte nord du territoire américain de Porto Rico à partir de 19 h hier, se déplaçant à la vitesse de 26 km/h vers l’ouest et la République dominicaine. Le service météorologique de Porto Rico a mis en garde contre des « conditions très dangereuses sur toute l’île » et avait étendu jusqu’à 23 h 15 son alerte aux crues subites. Plus de la moitié des 3 millions d’habitants de Porto Rico étaient sans électricité. Des rivières sont sorties de leur lit dans le centre et le nord de l’île.

« On aurait dit qu’il y avait des fantômes chez moi », a témoigné Blanca Santiago, employée dans un hôtel situé en face de la plage d’Isla Verde, dans la capitale, San Juan, estimant qu’Irma est plus fort que Georges, qui avait tué sept personnes en 1998.

Irma poursuit sa route

En République dominicaine, le gouvernement a ordonné de premières évacuations dans les zones littorales, même si l’œil de l’ouragan ne devrait a priori pas toucher l’île, selon l’Office national de météo (Onamet). Selon le National Hurricane Center (NHC) américain, Irma devrait ensuite progresser vers Cuba, puis la Floride, qu’il devrait toucher en toute fin de semaine. Le président des États-Unis Donald Trump, qui possède une villa à Saint-Martin, a placé les îles Vierges américaines, Porto Rico et la Floride en état d’alerte.

Dans les îles Vierges britanniques, bien décidé à ne pas quitter son île privée de Necker Island, le milliardaire Richard Branson a prévu de se réfugier dans sa cave à vin. « J’imagine qu’il y aura un peu moins de vin dans le cellier quand nous en ressortirons », a plaisanté le Britannique sur Twitter.

Un ouragan historique

Irma « est d’ores et déjà un ouragan historique » et « d’une intensité sans précédent sur l’Atlantique », selon Météo-France. Il est plus puissant qu’Harvey, qui a récemment frappé le Texas et la Louisiane, y faisant au moins 42 morts.

À Cuba, où Irma est attendu « dans les 48 à 72 heures » selon l’état-major de la Défense civile, l’état d’alerte a été déclaré dans les provinces orientales. En Haïti, les habitants de Cap-Haïtien semblaient, eux, apprendre l’arrivée de l’ouragan au gré des conversations. « C’est grâce au bouche-à-oreille qu’on apprend toujours les choses. Aucune autorité n’est venue nous dire quoi que ce soit », enrageait Josué Rosse.

La Floride se prépare

Le sud de la Floride, lui, se préparait déjà. Et l’évacuation des Keys, chapelet d’îles dans l’extrême sud de l’État, a été ordonnée. À Miami, de longues files d’attente se sont formées devant les stations-service et les habitants se ruaient dans les supermarchés, hier. Les autorités ont prévenu que les commerçants qui augmenteraient les prix pour profiter de la pénurie seraient poursuivis.

Après Harvey et Irma... Katia et Jose

Après Harvey, après Irma, la zone pourrait ensuite subir Jose : cette tempête tropicale, qui devrait s’approcher de la catégorie 3 demain, a été recatégorisée en ouragan par le NHC, tout comme la tempête Katia. « Katia pourrait toucher l’État de Veracruz [demain] soir », et toucher près d’un million de personnes, selon le gouvernement de cet État du Mexique.

— Avec Jeiel Onel Mézil, La Presse

québécois rapatriés à cause de l’ouragan

« On a compris que ce qui s’en venait était violent »

Soulagement : voilà le sentiment qui entourait le retour à l’aéroport Montréal-Trudeau de dizaines de Québécois qui se trouvaient en République dominicaine à l’approche de l’ouragan Irma. Pour la majorité de ces vacanciers dont le séjour a été écourté, le mot d’ordre est le même : « Peu importe. Ici, on est en sécurité. » La Presse est allée à la rencontre de ces Québécois qui ont été rapatriés du Sud par les compagnies aériennes à cause de l’ouragan.

Jean-François Ranger et Nicole Laurin

Jean-François Ranger et Nicole Laurin sont partis pour des vacances d’une semaine à Samaná, en République dominicaine, dimanche dernier. Finalement, leur séjour n’aura duré que deux jours. L’arrivée d’Irma a forcé la compagnie aérienne Air Transat à rapatrier rapidement ses clients qui se trouvaient dans le pays. « On était supposés être transférés dans une autre ville plus au sud. Mais il ne faisait pas trop beau. On a préféré être à la maison », dit M. Ranger. Le couple affirme avoir pris conscience de l’ampleur de la menace grâce aux images des autres îles diffusées par les chaînes de télévision dominicaines. « Il faisait beau jusqu’à ce matin. On a eu une petite averse de 10 minutes. Puis, subitement, ils ont commencé à tout enlever : les fleurs, les plantes, les poubelles, les affiches. On a compris que ce qui s’en venait était violent », a déclaré Mme Laurin.

Martine et Michel

Martine et Michel étaient en vacances sur une petite île dominicaine en face de Samaná. Mais Irma a amputé de cinq jours leurs vacances de huit jours. « Les Européens et les Américains sont partis hier. Nous, les Québécois, on est partis ce matin », affirme Martine qui a longtemps attendu pour savoir si elle allait retourner à Montréal. « On ne savait pas si on allait se rendre à La Romana ou rentrer à Montréal. Finalement, ce matin, on nous a dit que nous allions revenir. » Même s’il ne pourra pas profiter de ses vacances prévues dans le Sud, le couple est content d’être de retour. « On aurait préféré qu’il n’y ait pas de tempête. Mais on est très contents d’être ici. »

marie-christine rodier

Marie-Christine Rodier était en vacances à Puerto Plata, en République dominicaine, quand la veille d’ouragan est entrée en vigueur dans ce pays. Mme Rodier affirme qu’elle a rapidement joint Air Canada, la compagnie aérienne avec laquelle elle avait réservé ses vols, pour connaître les moyens mis en place pour la rapatrier. « Air Canada a refusé de nous rapatrier. On a finalement contacté Air Transat. Ils nous ont mis en attente, mais ont finalement accepté de nous embarquer gratuitement. » Malgré sa déception, Mme Rodier dit qu’elle est heureuse d’être à la maison.

Air Canada affirme que deux vols en provenance de la République dominicaine devaient atterrir à Montréal hier soir. Dans un communiqué publié hier soir, le transporteur affirme avoir assuré 24 vols supplémentaires pour ramener au Canada ses clients qui se trouvent en République dominicaine, en Floride, à Cuba, à Antigua et à Providenciales.

Ouragan Irma

Que doivent faire les vacanciers ?

L’ouragan Irma a mis fin abruptement aux vacances de nombreux Québécois. Devant la menace de la tempête, bon nombre de transporteurs ont rapatrié hier les vacanciers qui avaient profité des bons prix offerts en septembre pour se prélasser sur les plages de la République dominicaine et de la Floride.

Mardi, Air Canada a aussi ajouté des appareils pour que leurs clients de passage à Antigua et à Providenciales rentrent au bercail. Hier, les vols en direction de Cuba n’avaient pas été annulés, mais les transporteurs disaient suivre l’évolution de la tempête d’heure en heure.

Que faire si vous êtes dans un pays où une alerte d’ouragan a été émise ?

« Les voyagistes ont tous un représentant à destination (dans chaque hôtel) chargé d’informer les clients, indique Patrick Giguère, directeur de l’agence Voyages Constellation. C’est la référence numéro 1. » Ce représentant informera les voyageurs de la possibilité ou non d’un rapatriement d’urgence ou de la procédure à suivre s’ils veulent modifier leur date de retour. Au Québec, la plupart des voyagistes ont adopté ce qu’ils appellent une « politique d’ouragan ». Par exemple, dans le cas d’Irma, Air Transat a rapatrié hier tous ses clients qui étaient en République dominicaine, peu importe la date prévue de leur retour. Ainsi, la majorité des voyageurs qui séjournaient dans les territoires menacés par Irma et volant sur les ailes d’Air Canada, de Sunwing ou d’Air Transat sont rentrés d’urgence au pays. Pour faciliter les communications et l’échange d’information, Isabelle Arthur, porte-parole d’Air Canada, rappelle l’importance pour les clients de laisser un numéro de téléphone et une adresse courriel où l’on peut facilement les joindre.

Les vacanciers qui reviennent au pays avant la fin de leurs vacances peuvent-ils être remboursés ?

Dans ce domaine, chaque voyagiste établit ses règles, qui peuvent varier selon le type d’ouragan, la destination et le moment du séjour. Il est donc important de consulter le site internet de l’entreprise avec qui on a fait affaire. Par exemple, dans le cas de l’ouragan Irma, « si le rapatriement a lieu moins de 48 heures après le départ, les clients auront droit à un crédit-voyage d’un montant équivalant à la valeur totale du forfait acheté », peut-on lire sur le site de Transat. Dans le cas où le retour se fait plus de 48 heures après le départ, on leur émettra un « crédit-voyage d’un montant correspondant aux jours inutilisés de la portion hébergement du forfait ».

Les gens qui devaient partir en vacances au cours des prochains jours peuvent-ils modifier leur réservation ?

Tout dépend de la destination et du voyagiste. Au cours des derniers jours, plusieurs vols, notamment à destination de la République dominicaine et de Saint-Martin, ont été annulés. Les voyageurs qui devaient s’envoler d’ici le 10 ou le 11 septembre pour Cuba, la Guadeloupe, les Bahamas, la Floride ou Haïti peuvent, s’ils sont clients de Sunwing, de Transat ou d’Air Canada, modifier leur réservation ou changer de destination. Air Transat donne également la possibilité aux gens d’annuler leur voyage et d’obtenir un remboursement. Sunwing affirme, pour sa part, « réviser des options de compensation au cas par cas ». Il est important de communiquer rapidement avec son voyagiste, puisque celui-ci fixe une date limite au-delà de laquelle il sera impossible de modifier sa réservation.

OURAGAN IRMA

La ronde infernale des noms d’ouragans

Il y a eu Harvey sur le Texas, il y a maintenant le puissant Irma sur les Caraïbes et Jose et Katia arrivent déjà : les tempêtes tropicales et ouragans sont désignés par un prénom, choisi à l’avance et facile à mémoriser, afin de faciliter la gestion de l’événement. Pour les Caraïbes, le golfe du Mexique et l’Atlantique Nord, le Centre national des ouragans (NHC) dispose de six listes de 21 noms chacune, à raison d’une liste par an. Ces listes suivent l’ordre alphabétique, en sautant les lettres trop rares (Q ou U par exemple) et en alternant entre les prénoms féminins et masculins (de 1953 à 1979, le NHC n’utilisait que des prénoms féminins, mais la parité avait ensuite été établie pour répondre aux critiques des féministes américaines). Lorsqu’un ouragan fait beaucoup de victimes et de dégâts, son nom est retiré de la liste. Ainsi, il n’y aura plus de Katrina.

— Agence France-Presse

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