Épargne

L’argent plus tabou que le sexe

Le site Ton Petit Look est animé par des jeunes femmes qui aiment les vêtements, la bouffe, les sorties. Elles ont publié un livre l’automne dernier, qui porte comme sous-titre : Guide pour une vie adulte (genre) épanouie.

On y traite, dans un style direct et sans détour, de mode, de cuisine, de déco, d’amour, de sexe et… d’argent. On passe de « Choisir des meubles vintage » et « Faire l’amour avec une fille » à… « Comment gérer ses dettes ».

Marie-Eve Jarry, qui a rédigé la section sur le budget, ne craignait-elle pas que les lectrices sautent ses pages en apercevant des termes comme CELI, déficit, assurance, consolidation et cote de crédit ? Même si on fait de gros efforts pour rendre ces concepts digestes, en parlant par exemple de dépenses « nice » et « poches ».

« C’est sûr que c’est pas mal moins glamour. En fait, l’argent est sans doute plus tabou que le sexe, répond la jeune femme. Avec notre groupe de blogueuses, on parle vraiment de tout, mais rarement d’argent. »

« Mais si je me fie à ce que je vois autour de moi, c’est essentiel qu’on en parle plus. »

« GRATTEUSE »

Marie-Eve a été élevée par un père comptable et une mère ennemie du gaspillage, qui lui ont appris très tôt l’importance de l’épargne. Mais dans son entourage, elle est souvent témoin de l’attitude désinvolte des jeunes adultes envers l’argent.

« Certains ne paient pas leur compte de carte de crédit parce qu’ils sont trop serrés, sans aucune idée des conséquences sur leur cote de crédit », illustre-t-elle.

« Quand je dis que j’attends les soldes pour faire des achats, que je cherche des articles moins chers et que je feuillette les circulaires avant de faire l’épicerie, je passe pour une gratteuse. »

— Marie-Eve Jarry

Il y a un manque criant d’éducation financière, dénonce-t-elle. « Les gens n’ont aucune idée de la façon de faire un budget. »

« Pour l’avoir fait, je peux vous assurer que ça a aussi quelque chose de rassurant quand il faut faire face à des obligations. Parce que l’attitude YOLO*, ça fait son temps assez vite », écrit Marie-Eve dans le livre. (*YOLO : You Only Live Once – on ne vit qu’une fois. Attitude de ceux qui veulent profiter de la vie maintenant sans se préoccuper de l’avenir.)

« C’est clair que l’autonomie des femmes passe par l’épargne. Pour être libre de faire les choix nécessaires, il faut avoir la latitude financière », renchérit l’économiste Carole Vincent, qui a fait plusieurs études sur l’autonomie économique des femmes. Ses recherches concluent notamment que les connaissances financières des femmes sont encore plus limitées que celles des hommes.

Malheureusement, l’épargne est une habitude qui se perd, alors que l’endettement gagne du terrain. Si sa paie était versée une semaine en retard, un Québécois sur trois aurait du mal à respecter ses obligations financières, et un sur cinq aurait du mal à trouver 2000 $ pour faire face à un imprévu, selon un récent sondage de l’Association canadienne de la paie.

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