Chronique

Le parfum des villes

Cela faisait des années que Nick Steward y pensait. Son concept était défini, sa vision était claire. Ainsi, quand, après 20 ans chez L’Artisan Parfumeur en tant que directeur artistique, ce Londonien volubile a voulu voler de ses propres ailes, celles-ci se sont déployées rapidement.

« Le développement a duré deux ans, m’a-t-il raconté il y a quelques jours lors de son passage à la boutique Etiket, à Montréal. Je savais que je voulais faire des parfums inspirés de villes que j’aime, j’avais trouvé le nom de ma marque, j’avais une bonne idée du flacon et du format et je savais avec qui je voulais travailler. »

Pour élaborer les quatre premières créations de Gallivant, la marque qu’il a lancée en 2015, Nick Steward s’est associé à la firme Art & Parfum. C’est avec ce studio de création fondé en 1946 par le grand maître Edmond Roudnitska que le jeune homme a conçu les quatre premiers parfums de sa nouvelle maison : Istanbul, Tel Aviv, London et Brooklyn.

Contrairement à certains parfumeurs qui laissent planer un doute sur leur rôle, Nick Steward n’hésite pas à parler de la véritable nature du sien. « Je suis le directeur artistique. Des parfumeurs de grand talent m’aident à transposer mes idées et ma vision. Quand j’étais chez L’Artisan Parfumeur, je pensais constamment à son fondateur, Jean Laporte. Là, je travaille en fonction de mes goûts. »

Grand voyageur et amateur de langues, Nick Steward a recours à mille et un indices pour traduire sa pensée.

« Pour London, je me souviens d’avoir dit que je voulais retrouver dans ce parfum la chanson West End Girls des Pet Shop Boys. Je voulais que le grit et le glam de Londres ressortent. »

— Nick Steward

Les formules de Gallivant sont simples, bien conçues, faites de belles matières premières et forment déjà un esprit de famille. « Je cherche d’abord et avant tout à obtenir une composition, dit Nick Steward. Je recherche la simplicité. Je ne veux pas être celui qui se laisse séduire par toutes les nouvelles molécules qui arrivent sur le marché. J’ai mes préférences. »

Traduire l’esprit d’une ville dans un flacon est le fil conducteur de cette nouvelle marque. Nick Steward lancera en octobre deux créations inspirées de Berlin et d’Amsterdam. En le quittant, je lui demande s’il est possible d’interchanger les étiquettes sur les flacons. « Absolument pas, m’a-t-il répondu. Le caractère de chacune des villes se retrouve dans son propre flacon. Mais attention, ça demeure mon interprétation. »

Les parfums Gallivant sont vendus à cinq endroits dans le monde. À Montréal, on les retrouve à la boutique Etiket, au 1832, rue Sherbrooke Ouest.

Istanbul, Tel Aviv, London et Brooklyn de Gallivant. 130 $ pour les 30 ml d’eau de parfum.

Le sexe et les parfums

Dans son troisième numéro, l’excellente revue Nez propose un dossier sur le sexe des parfums. Dans un premier temps, on tente de savoir si les parfums ont un sexe ou s’ils doivent viser un sexe en particulier.

Je l’ai répété plusieurs fois : je ne crois pas à l’orientation vers un sexe plutôt qu’un autre en parfumerie. Pour moi, cela demeure une affaire de marketing. Les amateurs de parfums ne devraient se fier qu’à leur goût et à leur nez pour choisir une fragrance.

Il est toutefois intéressant de voir comment, à partir du XIXe siècle, les parfums et les familles d’odeurs ont choisi leur camp. Il faut savoir qu’au départ, les parfums pour hommes n’existaient pas. Les deux sexes portaient les mêmes parfums, souvent des eaux de Cologne.

Tout doucement, au fil des découvertes chimiques (les premières molécules synthétiques sont apparues au milieu du XIXe siècle), on a attribué aux femmes des effluves plus floraux et aux hommes des tons plus boisés, plus épicés, plus chyprés. Une cartographie publiée dans la revue explique très bien ce phénomène.

De nos jours, de nombreux créateurs (L’Artisan Parfumeur, Serge Lutens, diptyque) ne se préoccupent plus de cet aspect. Ils créent des parfums qui vont plaire aux deux sexes.

Une autre partie du dossier embrasse l’éternel thème des odeurs et de l’attirance sexuelle. Naturelles ou synthétiques, les odeurs ont un pouvoir indéniable dans le jeu de la séduction. Mais il ressort de cela qu’on semble attribuer un trop grand pouvoir aux fameuses phéromones plus proches du monde animal que du nôtre.

Cela dit, de nombreuses études démontrent que l’être humain est sensible aux odeurs, bonnes ou mauvaises, et adopte un comportement face à certaines d’entre elles. Les parfums continuent plus que jamais de faire partie de l’arsenal dont on a parfois besoin pour séduire.

Revue Nez, 36,95 $. En vente dans les librairies.

La dynastie Guerlain

L’histoire de la famille Guerlain est absolument fascinante. De Pierre-François-Pascal, en passant par Aimé et Jacques, jusqu’à Jean-Paul, les Guerlain ont largement contribué à donner à la parfumerie ses lettres de noblesse.

Du tout premier grand succès, Eau de Cologne Impériale, lancée en 1853, jusqu’aux chefs-d’œuvre comme Jickie, L’Heure Bleue, Mitsouko et l’incontournable Shalimar, les parfums Guerlain occupent une place prépondérante dans l’histoire de cet art.

Grande spécialiste de l’histoire des parfums, Élisabeth de Feydeau (elle a écrit des dictionnaires et la biographie de Jean-Louis Fargeon, le parfumeur de Marie-Antoinette) a entrepris de raconter le parcours de cette lignée de parfumeurs, mais aussi de certains autres membres de cette dynastie (d’autres Guerlain ont joué des rôles capitaux au sein de la célèbre maison).

Même si la maison Guerlain n’appartient plus aux Guerlain (la maison a été achetée par le groupe LVMH en 1994), les parfums conservent leur place au rang des grandes créations. Ils gardent surtout leur mystère et leurs secrets.

Un essai qui se lit comme un roman.

Le roman des Guerlain

Élisabeth de Feydeau

Flammarion, 336 pages, 43,95 $

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