Inondations

Les leçons de Saint-Jean- sur-Richelieu

Ottawa — Le maire de Saint-Jean-sur-Richelieu, Michel Fecteau, a un conseil à donner à ses homologues des quelque 140 municipalités du Québec qui sont inondées, au moment où les villes doivent revoir leur plans d’urgence jugés désuets : gardez précieusement vos sacs de sable en réserve.

Depuis les graves inondations qui l’ont frappé en 2011, Saint-Jean-sur-Richelieu garde une réserve de 100 000 sacs de sable bien remplis, qui peuvent être distribués promptement dans l’éventualité d’un autre désastre naturel. La Ville a d’ailleurs donné 20 000 sacs de sable remplis à la municipalité de Rigaud, vendredi et samedi derniers, ce qui a permis aux autorités locales de les distribuer rapidement aux sinistrés, a indiqué le maire Fecteau dans une entrevue à La Presse.

Cette importante réserve de sacs de sable fait partie des nouvelles mesures d’urgence adoptées par le conseil municipal de Saint-Jean-sur-Richelieu dans la foulée des inondations de 2011, qui avait fait quelque 3000 sinistrés, détruit plus d’une centaine de maisons et mobilisé plus de 800 soldats.

« Nous avons fait notre réserve en 2011 en ramassant les sacs de sable qu’on avait utilisés sur notre territoire et qui étaient en bonne condition. Ils sont enveloppés de plastique, et nous les gardons à l’extérieur. Ils sont prêts à être utilisés à tout moment. Ça nous prend ça aujourd’hui », a indiqué à La Presse le maire Fecteau.

550 000

Nombre de sacs de sable qui avaient été distribués sur le territoire de Saint-Jean-sur-Richelieu durant la crise de 2011

« Un cadeau du ciel  »

À Rigaud, qui est durement frappé par les inondations, la Ville disposait d’environ 20 000 sacs, mais ils n’étaient pas remplis avant la crue des eaux. « Les sacs que nous a donnés Saint-Jean-sur-Richelieu étaient un véritable cadeau du ciel pour nous. On vit une crise majeure et on cherche par tous les moyens à aider les gens », a indiqué hier Marie-Andrée Gagnon, porte-parole de la Ville de Rigaud. Elle a précisé que Rigaud pourrait emboîter le pas à Saint-Jean sur-Richelieu à cet égard.

À Gatineau, une autre région durement éprouvée par la crue des eaux, le directeur des communications Jean Boileau a indiqué que la Ville avait une réserve de 10 000 sacs vides avant la première crue des eaux, survenue le 18 avril.

« En fonction des prévisions attendues le 18 avril, 7500 sacs ont été préparés pour être distribués rapidement. Au cours des dernières années, aucun sac n’avait été nécessaire d’être rempli en fonction de crues printanières sur le territoire. Depuis le 18 avril, près de 676 000 sacs de sable ont été distribués aux Gatinois. »

— Jean Boileau, directeur des communications de Gatineau

Ce dernier a ajouté qu’il serait peut-être justifié d’avoir une réserve de sacs de sable remplis à l’avenir, à cause des changements climatiques qui pourraient entraîner d’autres inondations.

Or, il appert que la constitution d’une réserve de sacs de sable ne sera pas la seule question qui devra faire l’objet d’un examen par les municipalités au terme du désastre qui afflige des milliers de Québécois.

À la Sécurité civile du Québec, on confirme que certaines municipalités qui ont été touchées n’ont pas mis à jour leur plan de mesures d’urgence depuis quelques années. Ce plan, qui est prévu par la Loi sur la sécurité publique, doit détailler les mesures à prendre dans de telles situations et identifier les personnes à contacter au sein de la municipalité.

« Il faut absolument qu’on soit toujours au courant des responsables qui occupent un poste au sein de l’organisation », a expliqué le directeur régional de la Sécurité civile pour l’Outaouais, Gaétan Lessard.

Tant M. Lessard qu’une source au gouvernement du Québec ont indiqué que ces informations n’avaient pas toujours été actualisées – lorsque, par exemple, une personne responsable a été remplacée. Selon des renseignements obtenus par La Presse, dans certains cas, des numéros de téléphone inscrits dans ces documents n’étaient tout simplement plus valides.

« En Outaouais, on est l’une des régions où le nombre de municipalités avec des plans de mesures d’urgence à jour était les plus élevées », a tenu à préciser M. Lessard.

Mais « il est certain que, dans la prochaine année, il y aura une révision complète de la plupart des plans municipaux de sécurité civile pour l’ensemble des municipalités », a-t-il convenu.

Partage des connaissances

Toutes les municipalités jointes hier ont affirmé que leur plan était bel et bien à jour. Dans le cas de Gatineau, par exemple, le responsable de la sécurité publique Jacques Rathwell a déclaré que les dernières modifications remontent à seulement janvier. Un responsable des membres des Forces armées canadiennes déployés à Gatineau, le lieutenant-colonel Éric Landry, a quant à lui vanté l’état de préparation de la Ville hier.

« J’ai été impressionné en arrivant ici à Gatineau : le centre de coordination des mesures d’urgence n’a rien à envier à aucun poste de commandement militaire. La précision des données, la collaboration entre tout le monde ici […]. Je peux vous dire qu’ici, le commandement et le contrôle pour une opération d’une telle ampleur sont exceptionnels. »

— Le lieutenant-colonel Éric Landry, déployé à Gatineau

À Saint-Jean-sur-Richelieu, quand la réserve de sacs diminue, comme c’est le cas depuis qu’on a donné 20 000 sacs bien remplis à Rigaud, des employés de la Ville s’emploient à la reconstituer. « Nous nous sommes structurés depuis les dernières inondations pour affronter ce genre de crise. En ce moment, nous sommes corrects. Mais nous surveillons cela de très près. Nous pensons que nous allons nous en tirer cette année, ce qui nous permet d’aider un peu les autres municipalités », a indiqué M. Fecteau.

Depuis les inondations, la Ville a aussi installé de puissantes pompes dans certains secteurs plus à risque et installé des caméras de surveillance le long de la rivière pour surveiller le niveau de l’eau. « Nous sommes en mesure de surveiller le mouvement des eaux en temps réel. »

En entrevue à La Presse, M. Fecteau a indiqué qu’il accueillera le maire de Rigaud et des représentants de la Ville de Montréal demain à 14 h à l’hôtel de ville de Saint-Jean-sur-Richelieu afin de leur expliquer les nouvelles mesures d’urgence qu’observe sa ville depuis 2011. Le directeur du service des incendies et le directeur du service de la police ainsi que les membres du comité de la sécurité publique et de SOS Richelieu participeront à la rencontre.

« L’idée, c’est de trouver ensemble les meilleures pratiques, comment on peut s’aider rapidement quand un désastre comme ça se produit en ayant à cœur le bien de la population. Les municipalités ne doivent pas négliger d’avoir une structure semblable à celle qu’on a mise en place, ce qui permet d’avoir une coordination efficace des efforts quand il se produit quelque chose comme ce qu’on voit. On sait qui fait quoi. Nous l’avons vécu », a dit M. Fecteau.

À Ottawa, le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale a pour sa part indiqué hier qu’il allait rencontrer ses homologues provinciaux à la fin du mois à St. John’s, à Terre-Neuve, pour discuter de la mise à jour du plan d’urgence national. Il a soutenu que chacun des gouvernements doit revoir ses mesures d’urgence pour tenir compte de la réalité des changements climatiques.

Constituer une réserve de sacs

La constitution d’une réserve de 100 000 sacs de sable remplis a été l’une des premières mesures d’urgence adoptées par la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu dans la foulée des inondations de 2011. « Je pense que les villes riveraines devraient se constituer des réserves. On n’est jamais trop prêts », a dit le maire Michel Fecteau. La Ville a construit sa réserve en récupérant les sacs de sable utilisés durant la crise.

Mettre à jour le plan de mesures d’urgence

Divers services essentiels sont appelés à jouer un rôle de premier plan durant un désastre naturel. Il est primordial que chacun comprenne bien son rôle et qu’il soit bien au fait du plan de mesures d’urgence, selon le maire Michel Fecteau. « Il faut s’assurer que le plan de sécurité soit toujours à jour et tienne compte des nouvelles réalités. »

Bien communiquer avec les citoyens

Les villes doivent utiliser tous les moyens modernes pour communiquer avec les citoyens, notamment les médias sociaux tels que Facebook, et mettre à jour régulièrement l’information sur le site internet et les alertes. « Les élus doivent avoir une proximité avec les citoyens. »

Identifier les bénévoles locaux

Selon le maire Michel Fecteau, les bénévoles jouent un rôle important durant une crise provoquée par des inondations. Ces bénévoles doivent être identifiés par la Ville et être invités à assister aux réunions du comité de la sécurité publique. « À notre comité de sécurité publique, nous avons des élus qui en sont membres, des représentants des pompiers et des policiers, et des citoyens bénévoles. Quand il doit y avoir une concertation, tout le monde pousse dans la même direction. »

Prévoir un nettoyage difficile

Après le drame de la crue des eaux, il faudra nettoyer les dégâts. Cette corvée peut être difficile, d’où l’importance de bien coordonner les efforts des bénévoles. « À la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, nous avons retiré tous les sacs de sable en une journée. Cette journée-là, il y avait près de 4000 bénévoles. Mais on était structurés. On avait un service d’autobus, on avait des équipements. On avait des gants, des bottes », a dit le maire Michel Fecteau.

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