Ustiugov, le laconique meneur

Si Sergey Istiugov cherche à donner du poids à ce stéréotype – probablement né durant la guerre froide ou dans Rocky – de l’athlète russe avare de paroles, c’est réussi. Depuis le début de ce Tour de ski du Canada, il est impérial. Il est de toutes les échappées, de toutes les courses et le voilà, après trois étapes, bon meneur. Mais depuis le début, Istiugov se montre aussi succinct en conférence de presse que sur les pistes. Hier, un journaliste lui a demandé les raisons de son succès. « J’ai de bons entraîneurs », s’est contenté de répondre le Russe, en esquissant un sourire, comme s’il était fier de sa boutade. Il faut avouer qu’elle était bien bonne.

Ski de fond Tour de ski du Canada

La journée magique d’Alex Harvey

QUÉBEC — Sa saison avait été décevante. À ce Tour de ski du Canada, il rêvait de la racheter. Alex Harvey a fait un grand pas en ce sens hier avec une journée quasi parfaite devant son public, qui l’a vu gagner l’argent à l’épreuve de sprint du Tour.

Dans un format où il a peiné cette année, le sprint en patin, Harvey a montré à quel point il était en jambes. Il a évité les chutes, les collisions, les bâtons brisés qui ont émaillé la journée. Il a montré qu’il était au sommet de sa forme.

« D’entendre les gens m’encourager, ça m’a donné des frissons. Ç’a été une journée de rêve. Il y avait ma famille, ma blonde, mes sœurs, mon père et plein d’amis, a raconté le fondeur québécois. C’était magique de faire ça devant les gens qui me sont chers. »

Ce podium est son deuxième seulement cette saison en Coupe du monde. L’autre remontait au mois de novembre.

« C’est incroyable de conclure comme ça. Le plan était de finir la saison en monstre au Canada. Au moins, on est capables de livrer cette partie-là de la saison », s’est réjoui le skieur de 27 ans. 

« Ça met un baume sur le milieu de la saison, qui a été un peu plus difficile pour toute l’équipe. »

— Alex Harvey

Avant d’arriver au Tour, il avait fait une croix sur le classement général de la Coupe du monde, où il figurait au 15e rang. Pour sauver sa saison, un objectif : un top 5 à ce premier Tour en sol canadien. Son podium d’hier l’en rapproche. Il lui a permis de passer du sixième au quatrième rang, juste devant celui qui a dominé la saison, le Norvégien Martin Johnsrud Sundby.

Aujourd’hui, toujours sur les plaines d’Abraham, les hommes vont se mesurer dans une poursuite de 15 km. Harvey va donc s’élancer 1 min 56 s derrière le meneur du Tour, le Russe Sergey Ustiugov, et 1 min 30 s derrière le troisième, le Norvégien Emil Iversen. Derrière lui, Sundby va faire la chasse au Canadien, qui partira seulement 17 secondes avant lui.

« Je ne pense pas pouvoir rattraper Iversen, mais j’aimerais me rapprocher de la troisième place, explique Harvey. Je pense que Sundby va essayer de pousser fort parce que le podium est encore en vue pour lui. »

UNE JOURNÉE PRESQUE PARFAITE

Hier, Harvey a été fort du début à la fin. Il lui a fallu disputer quatre vagues sur le sprint de 1,7 km. En lever de rideau, lors des qualifications, il a pris le 12e rang.

Puis, en quarts de finale, il a probablement mené sa plus belle course. Harvey a fait montre d’un grand sang-froid pour éviter l’élimination. Tout juste avant la dernière ascension, il était troisième et flirtait avec une sortie hâtive.

Mais au pied de la dernière montée, il a donné un coup d’éperon, a dépassé le Suédois Oskar Svensson, qui est tombé sur l’action en s’accrochant dans les skis du Québécois. Harvey a donc pu filer vers la deuxième place et la qualification.

Le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges a fini premier de sa demi-finale, juste devant Petter Northug. En croisant le fil d’arrivée, il s’est retourné pour jeter un regard de défi au Norvégien.

« Il est reconnu comme le meilleur finisseur du monde. Il n’y a pas grand monde capable de dire qu’il a dépassé Northug sur la fin. Alors je voulais comme lui dire : “Regarde, je suis capable” », a raconté Harvey. 

« On ne se le cachera pas, c’est mental aussi, un sprint. Je voulais lui montrer que j’allais être là dans la finale. »

— Alex Harvey

Dans la finale, c’est Northug qui n’était plus là. Toute la course s’est passée entre Sergey Ustiugov à l’avant et Harvey juste derrière. Sur la fin, le Québécois a doublé le Russe et se dirigeait vers une victoire quand le Français Baptiste Gros a surgi de nulle part pour le doubler à la ligne.

« Oui, je me sens comme un casse-pied, mais je suis là pour ça, rigolait le sympathique Gros après sa victoire. En même temps, j’ai presque l’impression que c’est lui qui a gagné. »

La médaille d’argent d’Harvey est d’autant plus impressionnante à la lumière de ses autres résultats cette saison au sprint en patin. Avant le Tour, son meilleur résultat était un 33e rang. Puis, à Gatineau, il a fini 11e, mardi. Sa deuxième place d’hier prouve une chose : il est dans sa meilleure forme de la saison. Lui-même l’admet d’emblée. « Oui, clairement. »

La suite de ce Tour s’annonce donc bien pour Alex Harvey. Et peu importe la suite, personne ne pourra lui enlever cette journée magique, ce baume sur une saison difficile dont il avait tant besoin.

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