On a réponse à tout (ou presque)

L’Arabie saoudite interdit les bonshommes de neige

Un dialogue (un brin) impertinent sur un enjeu d’actualité.

L’Arabie saoudite décrète que la confection de bonshommes de neige est contre l’islam… Ses citoyens s’en moquent sur Twitter.

C’est vrai que les bonshommes de neige sont interdits en Arabie saoudite ?

C’est absolument vrai. Il y a eu des chutes de neige dans le nord du pays et des gens avaient commencé à faire des bonshommes de neige. L’une des plus importantes autorités religieuses du pays a dit non.

Sous quel prétexte ?

Selon le cheik Mohammad Saleh Al-Munadjid, faire un bonhomme de neige « même pour jouer » est anti-islamique. « Dieu a accordé aux gens la liberté de construire tout ce qu’ils veulent, à condition que ça ne contienne pas d’âme : des arbres, des bateaux, des fruits, des habitations… », a-t-il déclaré.

Wow. Et est-ce que les Saoudiens suivent sa directive ?

Pas trop, non. Sur Twitter, plusieurs diffusent leurs photos de bonshommes de neige. Un mot-clic est même apparu, en arabe, qui signifie : fatwa pour interdire les bonshommes de neige. Si bien que le cheik a dû se rétracter…

Ah bon. Twitter est autorisé en Arabie saoudite ?

Oui, mais le réseau est surveillé. Des tweets jugés menaçants par le gouvernement peuvent donner lieu à des peines allant de cinq à huit ans de prison.

Mon dieu… L’Arabie saoudite, ce n’est pas le pays qui fouette Raif Badawi, ce blogueur accusé d’avoir « insulté l’islam » ?

C’est ça, oui. Malheureusement, le pays adopte des méthodes plus radicales encore que la flagellation : lundi, Laila Bint Abdul Muttalib Basim, une Birmane, a été décapitée en public à La Mecque pour avoir tué sa belle-fille, un crime dont elle se disait innocente jusqu’au moment où les bourreaux la tuent. Le pays a décapité 87 personnes en 2014 et 10 personnes à ce jour en 2015. L’Arabie saoudite applique la charia, la loi islamique, et n’a pas de code pénal : les juges sont libres d’imposer les peines qu’ils jugent appropriées.

Coups de fouet, décapitations, interprétation radicale de l’islam… Dites donc, c’est quoi la différence entre l’Arabie saoudite et le groupe armé État islamique ?

« L’État islamique et l’Arabie saoudite pratiquent la même idéologie, la même façon de gérer », explique en entrevue Sami Aoun, professeur à l’Université de Sherbrooke et directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de la chaire Raoul-Dandurand.

Le royaume saoudien est un État structuré qui existe depuis 1939 et qui est l’allié des États-Unis depuis 1945. Plus grand exportateur de pétrole du monde, le pays a aussi « une capacité d’achat que les Occidentaux ne peuvent pas ignorer », dit M. Aoun.

Bref, le Canada bombarde le groupe État islamique, tandis que l’Arabie saoudite dîne avec nos dignitaires et achète nos armes.

Le Canada vend des armes à l’Arabie saoudite ?

Ottawa a signé un contrat évalué à 15 milliards de dollars pour vendre de l’équipement militaire à l’Arabie saoudite l’an dernier, une somme record. « Il n’y a eu pratiquement aucun débat au Canada sur cette vente », explique en entrevue Ken Epps, chargé de programme à Project Ploughshares, une association qui a enquêté sur la transaction.

Pourquoi vend-on des armes à des régimes répressifs ?

Ottawa dit que cela crée des emplois au Canada, et que l’Allemagne ou la France aurait obtenu le contrat sinon. Un argument que rejette M. Epps. « En Allemagne, il y a eu de vifs débats sur la vente d’armes à des régimes répressifs. Certaines ventes ont été bloquées. C’est faux de dire que d’autres pays auraient vite pris notre place. »

Bon, je vous laisse, je vais faire un bonhomme de neige avec mes enfants.

Profitez bien de vos libertés !

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