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Une appli pour contrer les préjugés entourant les règles

Lancée à la fin du mois d’août, une nouvelle application fait beaucoup parler d’elle. Le jeu Mohim propose aux utilisateurs d’attraper un maximum de serviettes hygiéniques en promenant une petite culotte rose à l’écran, tout en prenant soin d’éviter les journaux et autres tissus malpropres.

Puéril ? Essentiel, rétorque plutôt Mariam Adil, à la tête de GRID, la jeune entreprise pakistanaise derrière l’initiative. L’application pour appareils mobiles a été conçue pour déboulonner des mythes qui nuisent encore à des millions d’adolescentes et de femmes dans le monde.

Plus l’utilisateur attrape de serviettes hygiéniques, plus il amasse des clés pour ouvrir des portes. Et derrière chacune d’elles, un mythe. Non, il n’est pas contre-indiqué de faire du sport pendant ses règles, et, oui, on peut se laver pendant cette période, sans craindre l’infertilité.

Mohim signifie « effort » en langue ourdoue. Au Pakistan, comme dans plusieurs régions du monde, la question des règles demeure un sujet sensible. « Des filles manquent l’école une semaine par mois par honte et finissent parfois par décrocher, et des femmes ont de graves infections, car on leur a dit qu’elles ne devaient pas se laver pendant leurs règles », explique Mariam Adil, dont l’équipe travaille à la fois au Pakistan et aux États-Unis.

Pour GRID, le jeu vidéo est une arme aussi ludique que puissante contre les inégalités. La petite équipe a déjà conçu d’autres jeux, pour lutter entre autres contre les stéréotypes et le sexisme.

UNE APPROCHE DÉLICATE

« Dans certaines régions de certains pays, l’information circule très peu, donc ce genre d’initiative est intéressante, s’il y a évidemment un accès à cette technologie là-bas », croit Alain Gariépy, sexologue actif depuis une vingtaine d’années sur la scène internationale. Il a d’ailleurs lancé en 2008 l’organisme Sexologues sans frontières, dont l’objectif est de donner des outils à des intervenants dans des pays où plusieurs mythes perdurent.

« Lorsque les femmes sont menstruées, c’est parfois associé à de la honte et à de l’isolement, même si c’est étonnant de constater que c’est encore comme ça à notre époque. »

— Alain Gariépy, sexologue

Attention toutefois aux moyens utilisés pour changer les choses. « Si on arrive avec une approche très nord-américaine, on va les bousculer. Il faut y aller très prudemment, avec respect. Ça peut être très long », ajoute-t-il.

Le sexologue nous a d’ailleurs accordé une entrevue tout juste avant de prendre l’avion pour un séjour en Nouvelle-Calédonie. Il y travaille régulièrement depuis 15 ans, et il préconise lui aussi une approche ludique, en passant notamment par le théâtre pour donner des outils aux intervenants locaux. « Chaque pays dans lequel on intervient, c’est toujours un beau défi. Mais quand on intègre des valeurs culturelles, ça marche. »

L’équipe de GRID rappelle aussi que l’éducation sur les règles peut avoir un effet positif, même en Amérique du Nord, où plusieurs mythes perdurent aussi (oui, le SPM est un phénomène « bien réel », précisent les auteurs de l’application Mohim). « Les jeux vidéo peuvent lutter contre ces constructions sociales et pousser les individus à les remettre en cause de manière ludique », souligne Mme Adil.

— Avec l’Agence-France-Presse

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