Chronique

Les nerfs d’acier de Mauro Biello

Longtemps, Mauro Biello a dû combattre les préjugés.

Il a disputé des centaines de matchs dans sa carrière. Il a représenté le Canada sur la scène internationale. Il a brillé dans le soccer intérieur et s’est imposé comme chef de file de l’Impact durant plusieurs saisons, avant l’entrée de l’équipe en Major League Soccer (MLS).

Sauf que…

Pas très grand, pas très costaud, son potentiel sur le terrain a souvent été mis en doute. L’hiver dernier, autour d’un café, j’ai discuté avec lui de cette époque où son avenir sportif était dans la balance. Comment est-il passé à travers  ? Où a-t-il trouvé les ressources pour réduire au silence ses détracteurs  ? D’un ton dénué d’orgueil, mais avec la confiance tranquille des gens bien dans leur peau, il a répondu  : « Je savais de quoi j’étais capable et j’essayais de montrer mes qualités. » 

Jeudi soir, en voyant l’Impact donner une leçon de soccer au D.C. United et ainsi prolonger son parcours en séries éliminatoires, j’ai repensé à ces mots simples mais tellement significatifs. Biello l’entraîneur venait de réaliser le même exploit que Biello le jeune joueur professionnel : montrer ses qualités en étant convaincu de sa capacité à accomplir le boulot.

Ce match entre l’Impact et le D.C. United était crucial pour Biello. Vous me direz que par définition, les rencontres de barrage le sont toujours pour les entraîneurs. C’est vrai. Sauf qu’ils sont rarement présentés dans un contexte si délicat. La controverse à propos de Didier Drogba n’est pas une mince affaire. On parle ici d’une vedette internationale, connue et admirée aux quatre coins de la planète. Et voilà qu’un entraîneur québécois, dont le nom n’a aucune résonance outre-Atlantique, le confine au rôle de réserviste dans l’ultime ligne droite du calendrier, suscitant ainsi sa colère.

Peu importe notre opinion sur la question, avouons que Biello a montré du cran. Les risques que l’équipe se divise autour de sa décision étaient réels. Mais elle est demeurée unie. Et à Washington, les joueurs ont fourni un effort maximal en gardant la tête froide.

Ce n’est pas tout : le choix de Biello de faire appel à une équipe B lors du dernier match de la saison, afin de ménager ses vétérans, a été profitable. Un pari audacieux puisqu’en pratique, l’Impact perdait ainsi ses chances de disputer le match de barrage à Montréal. Or, les clubs locaux gagnent presque toujours cette rencontre. Les probabilités étaient contre Biello, mais son coup de poker a été gagnant.

Oui, le coach peut être fier de lui. Ce gain inattendu marque une étape décisive dans sa progression.

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Ce qu’une victoire peut changer ! Au lieu de tomber « en mode post-mortem », l’Impact prépare son affrontement contre les Red Bulls de New York. Peu importe le résultat de cette série aller-retour, le simple fait d’y participer est une réussite pour l’organisation.

Du coup, le bilan de l’année 2016 sera positif, même si les matchs ennuyants à bâiller ont été nombreux au stade Saputo en deuxième moitié de saison. Après un de ces soporifiques duels, Biello s’est même excusé auprès des fans !

« Cette année est celle de l’enracinement avec le public, estime néanmoins Richard Legendre. Nous avons disputé 11 matchs à guichets fermés au stade Saputo, où nous affichons notre meilleure moyenne d’assistance depuis nos débuts en MLS en 2012 : plus de 20 000 spectateurs par rencontre. Nous avons vendu 9500 abonnements, également un sommet. Et le taux de renouvellement en vue de 2017 atteint déjà 80 %. »

Comme son patron Joey Saputo, le vice-président de l’Impact a été ébranlé par les difficultés de l’Impact à devenir un acteur incontournable de notre paysage sportif. Les deux en ont souvent parlé à cœur ouvert. Mais cette fois, la direction estime le train bien lancé. 

La présence de nombreux joueurs s’exprimant en français – l’Argentin Ignacio Piatti est l’un d’eux – rapproche aussi le club de ses fans.

« Nous, on appelle ça le développement de la culture du soccer, explique Richard Legendre. Les gens découvrent l’ensemble de l’équipe, et pas seulement nos vedettes. On sent nos liens avec les fans plus solides. Cela dit, il faut performer sur le terrain pour que ça fonctionne. »

Pour l’Impact, demeurer dans l’actualité sur une base régulière – une difficulté réelle de 2012 à 2014 – est une priorité. « Ça nous préoccupe quand on n’est plus sur l’écran radar, ajoute Richard Legendre. Mais en 2016, la couverture médiatique est au rendez-vous. Tout comme l’année dernière, marquée par notre parcours en Ligue des champions et l’arrivée de Didier Drogba. »

Ce week-end, Richard Legendre et son groupe font face à une lourde commande : vendre en un très court laps de temps un maximum de sièges pour le match éliminatoire de demain après-midi. La tâche n’est pas facile, comme on l’a vu à Toronto et à Washington cette semaine. « On espère remplir le stade, dit-il. Je m’attends à une bonne réaction du public et à beaucoup d’ambiance. »

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L‘Impact participe aux séries pour la troisième fois en cinq ans. Ce n’est pas rien, quand on y pense ! Le Toronto FC, par exemple, a mis neuf ans avant d’y accéder. Si les deux clubs canadiens remportent leur prochaine série (Toronto affronte l’autre équipe de New York, le FC), ils se retrouveront en finale de l’Est. Avouons qu’un duel Montréal-Toronto ne manquerait pas de piquant.

Mais avant d’envisager cette possibilité, l’Impact doit éliminer les Red Bulls, qui ont remporté cinq victoires de plus cette saison, signe de leur puissance. Ils sont aussi plus reposés. Bref, le défi est énorme.

Pour le relever avec succès, l’Impact devra montrer des nerfs d’acier. Comme Biello l’a souvent fait dans sa carrière et particulièrement au cours des 15 derniers jours.

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