Science

Enfant stressé, adulte déprimé ?

Des chercheurs new-yorkais et montréalais ont identifié pour la première fois un mécanisme expliquant pourquoi les traumatismes et le stress en bas âge augmentent le risque de dépression. Cette découverte pourrait préparer la voie à un dépistage permettant d’enrayer les dommages au cerveau avant que n’apparaisse la dépression.

« Le stress à une période cruciale du développement du cerveau, notamment pour le développement émotionnel, augmente le risque de dépression plus tard dans la vie », explique Rosemary Bagot, psychologue de l’Université McGill qui est l’une des coauteures de l’étude parue cette semaine dans la revue Science. « Chez la souris, c’est entre 10 et 17 jours, soit avant le sevrage. Chez l’être humain, on ne sait pas avec certitude à quelle période cela correspond. » Les souris deviennent adultes à 8 semaines.

Il était déjà établi que le stress durant la petite enfance diminue la capacité de réagir au stress à l’âge adulte, ce qui peut mener à la dépression. Ces travaux ont notamment été faits par Michael Meaney, autre chercheur de McGill, avec qui Mme Bagot a fait son doctorat. Elle a ensuite travaillé avec une autre sommité du stress durant la petite enfance, Eric Nestler, de l’École de médecine Mount Sinai à New York, qui est l’auteur principal de l’étude. Mme Bagot est d’origine australienne.

identification d’une molécule en cause

La molécule qu’identifie l’équipe canado-américaine est appelée Otx2. Elle est située dans une région du cerveau appelée « aire tegmentale ventrale ». Quand le fonctionnement d’Otx2 est altéré, la souris devient plus vulnérable au stress à l’âge adulte, ce qui ressemble à un état déprimé. Le stress durant la petite enfance du souriceau consistait à être séparé de sa mère pendant de deux à quatre heures par jour et à ne pas donner assez de matériel à la mère pour qu’elle puisse construire un nid adéquat.

« Nous voulons maintenant voir s’il y a d’autres différences fonctionnelles dans cette région du cerveau, quand il y a du stress dans la petite enfance », dit Mme Bagot, qui vient elle-même d’avoir un enfant. « On veut aussi observer ce qui se passe dans d’autres régions du cerveau. »

Quels sont les impacts cliniques de ces recherches ? « Je pense qu’on peut espérer faire un traitement des perturbations du cerveau créées par le stress dans la petite enfance avant l’apparition de la dépression », dit Mme Bagot. Il est aussi possible qu’on puisse dépister plus rapidement les personnes à risque de dépression grâce à des analyses de leur cerveau. La mise au point de nouveaux médicaments ciblant les molécules associées à Otx2 pourrait aussi être envisageable.

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