Mon clin d’œil

Quel est le point commun entre le Canadien et l’UPAC ? Les deux n’arrêtent pas grand-chose.

Opinion Palestine

Un peuple abandonné

La Palestine se trouve dans une situation très paradoxale. Au moment où 136 des 193 États membres de l’ONU lui ont accordé la reconnaissance diplomatique, elle semble n’avoir jamais été aussi isolée sur la scène internationale. Mardi, devant le Conseil de sécurité, le président Mahmoud Abbas a mesuré toute l’ironie de la situation.

Le leader palestinien était venu présenter des propositions visant à relancer les pourparlers de paix avec Israël. Il veut réduire l’influence des États-Unis dans ces négociations et leur donner un cadre multilatéral qu’il espère plus juste et plus équilibré. À cet effet, il appelle à la tenue d’une conférence internationale «  qui assistera les deux parties dans leurs négociations en vue de résoudre les questions de statut final définies par les accords d’Oslo de 1993 : Jérusalem, les frontières, la sécurité, les colonies, les réfugiés, les ressources en eau et les prisonniers  ».

Les propositions palestiniennes sont «  constructives  », a dit l’ambassadeur de France tout en rappelant le rôle incontournable des États-Unis. Mais on peut se demander si les parties au conflit ont l’intérêt ou la légitimité de relancer le dialogue bloqué depuis des années.

Dans cette impasse, les Palestiniens portent une partie de la responsabilité. Avec qui, en effet, Israël et les États-Unis doivent-ils négocier ? Le territoire palestinien est divisé géographiquement en deux, gouverné par deux pouvoirs en constante rivalité : la bande de Gaza est sous la domination du Hamas alors que la Cisjordanie est dirigée par Mahmoud Abbas depuis 2007. Les efforts de réconciliation n’ont jamais réellement abouti, et ils ne sont sans doute pas près d’évoluer dans la bonne direction. En fait, tout le monde attend la disparition du président de 82 ans pour voir qui va triompher de la lutte pour le pouvoir qui s’ensuivra.

Les États-Unis, eux, se présentent comme le médiateur, ce qu’ils n’ont jamais été. À toutes les étapes des négociations entre Palestiniens et Israéliens, ils se sont rangés du côté de ces derniers. D’où la volonté d’Abbas de réduire leur influence aujourd’hui. Donald Trump a promis un plan qui satisferait tout le monde. Toutefois, le président américain se demande maintenant si les Palestiniens et les Israéliens veulent vraiment en venir à un accord.

Enfin, du côté israélien, la ligne dure prévaut. L’ambassadeur israélien à l’ONU n’a rien trouvé de plus intelligent à répondre à Abbas que d’accuser le président palestinien «  de ne plus être une partie de la solution, mais d’être devenu le problème  », comme si les Israéliens avaient toujours raison et les Palestiniens toujours tort.

Mais il y a pire. L’atmosphère en Israël est délétère. Les Israéliens sont de plus en plus indifférents au sort des Palestiniens et de plus en plus réticents à appuyer la solution des deux États.

La radicalisation de l’opinion publique touche dorénavant le Parti travailliste, historiquement toujours plus « colombe  » dans le processus de paix.

Cette situation intérieure inquiète de nombreux observateurs, dont Zeev Sternhell, membre de l’Académie israélienne des sciences et lettres, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem et spécialiste de l’histoire du fascisme. Dans une tribune publiée en début de semaine par le quotidien Le Monde, il n’hésite pas à écrire qu’en Israël actuellement «  il pousse sous nos yeux un racisme proche du nazisme à ses débuts  ». Par ses propos choquants, l’intellectuel veut dénoncer le sort infligé aux Palestiniens et les projets visant à les maintenir sous domination pour encore plusieurs années.

Cette comparaison avec le régime nazi n’a évidemment aucun sens. À ce sujet, plusieurs intellectuels, en Israël et ailleurs, lui ont répondu qu’au sein de l’État juif, «  il y a aussi des juifs pour la Palestine, des soldats militant pour la paix, une presse déchaînée, des ONG brailleuses et une intelligentsia raffinée, sans oublier une justice, une police et tout le reste, pour défendre l’État de droit s’il est menacé  ».

Si Sternhell a poussé un peu loin le bouchon, c’est sans doute par souci de provocation. Voici maintenant 50 ans que les Palestiniens vivent sous l’occupation israélienne, abandonnés de tous. Et ni leurs élites, ni Israël, ni les États-Unis et encore moins les pays arabes ne peuvent s’entendre pour les sortir de cette prison. Au rythme où vont les choses, ils risquent encore d’y être un autre demi-siècle.

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