OPINION AIDE MÉDICALE À MOURIR

Utilisons les bons mots

L’aide médicale à mourir n’est pas un soin, c’est de l’euthanasie

Il est intéressant de voir comment ceux qui ont le pouvoir peuvent manipuler le citoyen. Même si je suis un expert en soins aux personnes âgées et un expert en soins palliatifs, j’en perds mon latin. Nos politiciens, nos dirigeants et d’autres utilisent des mots pour ne pas dire la vérité, mais aussi pour ne pas mentir.

On a fait un soin, l’acte d’utiliser un procédé permettant de provoquer la mort. Pourtant, c’est la définition même d’euthanasie que l’on retrouve dans le dictionnaire. On a médicalisé l’euthanasie et l’on en a fait un procédé pour régénérer la dignité que nous, les humains, pourrions perdre et regagner.

Nos grands chefs, nos porte-étendards nous gaufrent de résultats dépassant leur espérance pour souligner le besoin de notre population de recourir à l’euthanasie. J’ai même vu dans les journaux des statistiques par régions et par hôpitaux faisant état de ceux qui comptent mieux que les autres dans l’offre d’euthanasie.

La dignité

Parlons un peu de la dignité. L’homme est digne, qu’il soit grand ou petit, riche ou pauvre, fort ou faible. D’ailleurs, ma pratique m’a démontré clairement que la dignité est partie intégrante de l’homme et qu’elle se manifeste surtout dans la grande faiblesse et le besoin.

Comme hommes ou femmes de ce monde, et comme professionnel, c’est en présence de nos semblables qui souffrent de démence, d’incontinence urinaire et fécale, d’isolement social et de perte d’autonomie que nous devons rester solidaires et aidants et non les exterminer comme on le ferait pour un vieil animal qui nous a bien servis, mais qui est devenu inutile.

C’est surprenant, car ce sont les gens dits inutiles qui m’ont apporté le plus comme être humain dans ma pratique professionnelle quotidienne, non seulement par leur force et leur courage, mais aussi parce qu’ils m’ont laissé les aider.

Notre société se trompe lorsqu’on extermine ceux que nous ne voulons plus voir. Notre société se trompe lorsque, pour apaiser sa souffrance lorsque les siens sont malades, elle propose le moyen de les faire disparaître au plus vite.

Il est vrai que la souffrance n’a pas une cote de popularité, qu’elle est difficilement quantifiable et partageable, mais quand la personne qui souffre finit par confondre le poids de sa souffrance avec celui qu’elle pense être pour son entourage, il faut se rappeler que sa dignité demeure et que sa seule présence peut être source de transcendance. Cela dépasse de loin l’imagination collective.

Une dame me disait, l’autre jour, à la salle d’urgence, qu’elle voulait l’aide médicale pour soulager sa famille et pour contribuer à la diminution des coûts en santé. Je ne pouvais confirmer que sa mort soulagerait sa famille, mais je savais que l’euthanasie peut effectivement diminuer les coûts de la santé. Pourtant, nos élus tant préoccupés par la finance n’en parlent pas.

Il est temps que l’on utilise les bons mots : l’aide médicale à mourir n’est pas un soin ; l’aide médicale à mourir c’est de l’euthanasie. Il est temps que l’on se rappelle que pour avoir une qualité de vie, il faut un préalable : avoir la vie.

Il est temps qu’on se rappelle que ce n’est pas la démence, la sénilité, la douleur qui nous font perdre notre dignité, mais que celle-ci est le propre de l’humain.

Il est temps de se rappeler que les derniers moments de vie sont aussi importants que les premiers. 

Il est temps de se rappeler que, comme humains, nous devons mettre nos énergies à soulager le malade, à éviter l’acharnement thérapeutique et à aider à ce que tous vivent dans la dignité.

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