La Conquête ? Non, un abandon
Rue des Remparts
Micheline Lachance
Québec Amérique
512 pages
D’abord, le contexte. À la fin des années 1750, la ville de Québec baigne dans une ambiance d’aventures galantes et de liaisons adultères, dit l’historienne. « La petite noblesse s’amusait follement », constate-t-elle. Le meilleur exemple nous arrive des deux héroïnes du roman, personnages qui ont réellement existé et qui se disputaient le cœur de Montcalm, lieutenant-général des armées en Nouvelle-France. « Au XVIIIe siècle, les femmes étaient plus légères et frivoles, poursuit Mme Lachance. Plusieurs avaient des amants. Alors qu’au XIXe siècle, la correspondance que j’ai dépouillée montre des femmes plus pudiques, dévotes, obéissantes à leur curé. »
Or, cette vie facile et insouciante émaillant la petite bourgeoisie francophone de Québec existe au même moment à la cour de Louis XV, de l’autre côté de l’Atlantique. Et là-bas, on n’avait que faire de cette colonie lointaine. « Il est triste de voir à quel point les Canadiens se sont démenés pour la mère patrie qui les laisse tomber, dit l’auteure. Le traité de Paris est très clair à cet effet. On a appelé ça une conquête, mais c’est la France qui cède la Nouvelle-France, croyant que ses autres possessions ont plus de valeur. »
Dans l’ouvrage, Catherine, qui est aussi la narratrice, est plus jeune que Geneviève à qui elle voue de l’admiration. Mais lorsque vient le moment de se disputer la compagnie de Montcalm, les deux femmes se dressent l’une contre l’autre. « L’amitié entre femmes est un sujet qui m’est cher, dit l’auteure du Roman de Julie Papineau. Les événements autour de la Conquête et la présence de Montcalm me permettaient, comme romancière, d’exprimer les bonheurs et les épreuves qu’elles ont traversés. L’amitié a eu gain de cause. » En fouillant dans la correspondance archivée des deux femmes, Mme Lachance a conclu que c’est Geneviève qui a conquis Montcalm et aurait peut-être eu un enfant (mort-né) de lui.
Plusieurs causes ont mené à la chute de la Nouvelle-France. Parmi elles, la romancière et historienne retient l’animosité profonde de deux de ses principaux dirigeants et défenseurs : Montcalm et le gouverneur général Vaudreuil. « Ils se haïssaient pour se tuer alors que le sort de la colonie était entre leurs mains », constate-t-elle. De plus, en lisant les lettres de Montcalm, Mme Lachance en vient à conclure que ce dernier est « très commère » et ne se gêne pas pour lancer des méchancetés. Évidemment, les deux hommes avaient des visions opposées quant à la stratégie de défense à adopter. Rien pour arranger les choses…
Écrire un roman historique comporte-t-il le même niveau de responsabilité historique que la rédaction d’un essai ? Absolument, dit Mme Lachance. « J’ai lu à peu près tous les ouvrages consacrés au XVIIIe siècle pour ensuite lire la correspondance des personnages. Par la suite, j’ai établi le plan de l’ouvrage. Pour moi, le grand mérite des romans historiques est de donner aux gens le goût d’en savoir plus, d’allumer la flamme de l’histoire. Alors, il faut une recherche historique et archivistique solide. Si les fils pendent, les gens le ressentent. »