Transcontinentale Europe

La longue traversée de Geoffroy Dussault

Le cycliste Geoffroy Dussault se remettait toujours hier d’une longue traversée de 10 jours en Europe. Lundi, il a terminé en quatrième position lors de la Transcontinentale Europe, une course de 4000 km dans des conditions parfois extrêmes et sans assistance. L’ingénieur de 31 ans profite de quelques jours en Grèce avant de revenir au boulot. La Presse s’est entretenue avec lui au téléphone.

Le Québécois a traversé des paysages bucoliques. Humé des mets locaux sûrement délicieux. Mais il n’a rien vu ni goûté. Il a avalé les kilomètres, 15 heures par jour sur sa selle avec un seul but en tête : atteindre la Grèce le plus vite possible sans se blesser. L’an dernier, il avait terminé huitième. Il voulait se hisser au premier rang.

« Ce n’est pas du bon temps, confie-t-il. Il n’y a pas d’agrément. C’est une course tellement difficile que tu ne peux pas l’apprécier. Jusqu’à ce que tu atteignes enfin la ligne d’arrivée. Là, tu es fier d’être allé au bout de tes limites. Traverser l’Europe en 10 jours, c’est un accomplissement assez grand ! »

« Sur le plan physique, c’est un exploit, explique le directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes, Louis Barbeau. Ce sont des épreuves d’ultra-endurance, comme des ultra-Ironman, et il y a peu de gens qui relèvent ça. Ça prend beaucoup d’expérience, un grand bagage d’entraînement sur plusieurs années et de la maturité. »

À la belle étoile

Chaque participant doit préparer son itinéraire et passer par quatre points de contrôle. Certains vont choisir de pédaler sans prendre le temps de se reposer ni même de se laver ou de changer de vêtements. Geoffroy Dussault en était à sa deuxième expérience. Il a opté pour une autre stratégie.

« J’ai choisi de récupérer le plus possible, raconte le cycliste. J’avais réservé des chambres d’hôtel, sauf pour le dernier soir, où j’ai dormi sur la route dans une couverture d’urgence en aluminium. C’est extrêmement désagréable ! Les hôtels me permettaient d’avoir chaque jour une petite victoire. Je me disais : je roule vers telle ville, j’ai un hôtel qui m’attend, j’ai une sécurité, j’ai une douche et un repas. Même si rentrer dans l’établissement, attendre à la réception et donner son passeport, ça prend du temps. »

Jujubes et chips

En plus de la gestion de l’itinéraire et des pauses, il y a celle des repas. Si Geoffroy Dussault a choisi le sommeil réparateur, il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps au restaurant.

« La façon la plus facile de se nourrir, c’est dans les stations-service. Tu rentres, tu prends ce dont tu as besoin, tu manges et tu n’attends pas. Les stations-service prennent la carte de crédit. C’est plus pratique, car il y aurait trop de monnaies différentes à transporter. C’est une stratégie efficace, sauf que les derniers jours, dans les pays de l’Est, il n’y avait plus de sandwichs. J’ai mangé des chips, des jujubes et des chocolatines. Je n’ai pas eu de repas consistants dans les trois derniers jours. Juste des rations de sucre et de gras. C’est dur sur le moral. »

Chaleur intense

Tout au long du parcours, les cyclistes ont dû relever un défi imprévu : l’extrême chaleur.

« J’ai beaucoup souffert. Il faisait plus de 40 degrés Celsius et au soleil, 50 degrés. Il ne fallait pas trop forcer à cause des risques d’insolation. La chaleur et l’humidité m’ont donné des boutons partout sur le corps. C’est un peu ridicule de faire du vélo dans ces conditions-là. Mais si tu arrêtes, les autres, eux, ne s’arrêtent pas. »

Comment rester motivé ? L’ingénieur de 31 ans avoue que le simple fait d’avoir eu un hôtel et un repas qui l’attendaient à la fin de la journée lui faisait du bien. Et pour le sprint final, son amoureuse.

« Ma copine m’attendait à la ligne d’arrivée, en Grèce. C’était une extrême motivation. J’ai pédalé très vite à la fin. Ça faisait deux jours que je n’avais plus de données cellulaires et j’avais hâte de la voir. »

Pour l’an prochain, Geoffroy Dussault prévoit mettre toutes ses énergies dans la réalisation d’un autre projet. Celui de fonder une famille.

Départ

Geraardsbergen, Belgique, 28 juillet à 22 h

« Le premier contrôle est à 600 km du départ. Comme on part à 22 h, c’est quelque chose de réalisable en dedans de 24 heures. J’avais fait un exercice en partant de Québec jusqu’à Maniwaki. J’avais vu que c’était faisable. Je me suis dit : je vais atteindre le premier contrôle et je dormirai à l’hôtel la nuit suivante. Ça part en force. »

Contrôle 1 

Schloss Lichtenstein, Lichtenstein, Allemagne, 29 juillet à 20 h 34

« La canicule était terrible tout au long du trajet. Chaque deux heures, je m’arrêtais et je buvais de 4 à 5 litres d’eau. C’était surtout pour diminuer la température corporelle. J’achetais de l’eau dans les stations d’essence. Parfois, je me baignais dans des fontaines. Pendant que je roulais, je me mettais de l’eau partout pour que ça me rafraîchisse. »

Contrôle 2 

Semonzo, Italie, 31 juillet à 10 h 56

« Le 1er août, dans la vallée du Pô, en Italie, une zone reconnue comme étant dangereuse, j’ai été happé par une automobiliste distraite. Elle est rentrée sur la route et ne m’a pas vu. Elle a fait une face d’horreur quand elle m’a touché la roue. Ç’a brisé les rayons et fragilisé la roue. »

Contrôle 3 

Hautes Tatras, Slovaquie, 3 août à 9 h 12

« Après le troisième contrôle, j’ai dû m’arrêter pendant 16 heures pour changer de roue. J’ai trouvé un endroit un peu clandestin où c’était écrit à la main sur la porte ‟Bike Shop”. On a trouvé une roue de vélo de montagne qu’on pouvait installer sur mon vélo de route. J’ai pu me rendre jusqu’à la fin avec cette roue-là. »

Contrôle 4

Route Transfăgărășan, Roumanie, 5 août à 15 h 43

« En Macédoine, aussitôt que tu as une route numérotée, mais secondaire, c’est toute une aventure. Je devais monter un col. Tu bascules à 1000 mètres d’altitude, 15 km de gravelle pas carrossable. J’ai dû descendre de mon vélo et marcher une heure. Quand tu te retrouves en haut, c’est l’apocalypse. Au milieu de nulle part avec rien, pas d’eau. Et la canicule qui sévit. »

Dussault est arrivé aux monastères de Meteora, près de la ville de Kalambaka, en Grèce, le 7 août à 22 h.

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