Chronique

Ne payez pas vos impôts à crédit

Encore au début des années 90, il était impossible de payer son épicerie avec une carte de crédit. Et jusqu’en 1995, Visa et MasterCard étaient persona non grata à la SAQ. De l’alcool à crédit ? Blasphème !

Aujourd’hui, ces scrupules sont disparus. Même l’Agence du revenu du Canada (ARC) offre aux contribuables de payer leurs impôts à crédit, par un moyen détourné. Environ 60 000 contribuables utilisent ce service chaque année. Mais quand je vois les frais qui y sont associés, je me demande bien pourquoi…

En fait, le paiement à crédit est offert par le biais de Plastiq, une entreprise de San Francisco qui permet aux détenteurs de cartes de crédit de payer leurs comptes à des organismes qui n’acceptent pas le crédit directement.

Pourquoi ces organismes n’acceptent-ils pas directement le crédit, me demandez-vous ? Parce qu’ils ne veulent pas avoir à payer les frais « interchange » très salés que les Visa et MasterCard imposent aux commerçants, frais qui doivent être refilés à l’ensemble de la clientèle.

Outre l’ARC, plusieurs villes et municipalités comme Laval, Sherbrooke ou Longueuil offrent à leurs citoyens de payer leur compte de taxe foncière avec Plastiq. Des universités comme McGill ou Concordia permettent aussi de payer les droits de scolarité de cette façon.

« Une manière rapide et facile de payer ses impôts et d’obtenir des récompenses », clame le site web de Plastiq. Ouais. Mais on ne dit pas aussi fort que le détenteur de la carte doit acquitter des frais de 2,5 % sur ses paiements.

Le hic, c’est que ces frais sont supérieurs au taux de remise de la vaste majorité des programmes de récompenses de cartes de crédit. Alors, si vous pensiez maximiser votre programme de fidélisation en payant vos impôts à l’aide de votre carte de crédit, oubliez ça !

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Certains me diront qu’ils aiment le côté pratique de la carte de crédit. Je comprends. Mais les autorités fiscales offrent maintenant plusieurs modes de paiement électronique pour faciliter la vie des contribuables.

Plus besoin d’envoyer un bon vieux chèque par la poste. À peine 20 % des contribuables paient encore l’ARC de cette façon.

Les autres versent leur tribut par transfert électronique. Par exemple, vous pouvez payer en ligne à partir de votre compte bancaire, comme la plupart des autres comptes de services publics. Vous pouvez aussi payer par carte de débit avec le service Mon Paiement de l’ARC, dans la mesure où le montant dû n’excède pas la limite quotidienne de votre carte.

Ces modes de paiement sont moins coûteux et surtout moins risqués que la carte de crédit. Car il faut bien le dire, 44 % des détenteurs de cartes ne remboursent pas le solde de leur carte au complet à la fin du mois. Ce faisant, ils se trouvent à payer de 20 à 30 % d’intérêts sur tous leurs achats.

Pas besoin de rajouter la facture fiscale sur le tas ! Surtout que le taux d’intérêt des cartes de crédit est considérablement plus élevé que le taux d’intérêt de 5 % imposé par l’ARC aux retardataires.

En fait, je me demande pourquoi l’Agence du revenu du Canada encourage le paiement par carte de crédit. Veut-on vraiment précipiter les contribuables les plus vulnérables dans la spirale de l’endettement ?

De son côté, Revenu Québec ne permet pas de payer ses impôts à crédit. Après analyse, Revenu Québec a plutôt décidé de miser sur l’utilisation des services de paiement électronique offerts par les institutions financières.

Tant mieux ! J’espère que le fisc québécois ne changera pas d’idée.

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Un petit truc si vous craignez de ne pas être en mesure de payer vos impôts au complet. Prenez quand même le temps d’expédier votre déclaration de revenus avant la date butoir du 1er mai.

Vous n’éviterez pas les intérêts sur le montant dû (5 % au fédéral, 6 % au provincial). Mais au moins, vous n’aurez pas à verser de pénalité pour production tardive comme près de 10 % de contribuables qui passent tout droit, bon an, mal an.

Dès que vous dépassez d’une journée, le fisc vous colle une pénalité de 5 % de la somme impayée, plus 1 % par mois de retard jusqu’à concurrence de 12 %. Après un an, la pénalité s’élèvera donc à 17 %.

Par exemple, si vous devez 1000 $ et que vous n’avez pas fait votre déclaration, il vous en coûtera jusqu’à 170 $. La règle est la même à Ottawa et à Québec.

Mais au fédéral, les contribuables qui ont déjà été en retard dans le passé peuvent se retrouver avec une pénalité de 10 % du solde impayé, plus 2 % par mois, jusqu’à un maximum de 20 mois. Total : 50 %. Ouch !

Dernier conseil : si vous éprouvez des difficultés financières, ne laissez pas traîner vos dettes fiscales. Il est possible de conclure une entente de paiement qui tient compte de votre capacité de payer. Alors, pourquoi faire l’autruche ?

Vos questions d’impôt

Il ne reste qu’un mois avant la fin de la saison des impôts. Vous avez des questions fiscales ? Soumettez-les-nous. Nous tenterons d’y répondre.

Autrement, vous pouvez vous adresser à Revenu Québec qui répondra aux questions d’ordre général au cours de deux séances de clavardage les 12 et le 20 avril.

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