À la fin, c’est Sagan qui gagne…
La Presse
QUÉBEC — En apparence, le cyclisme sur route est un sport complexe. En réalité, c’est tout simple : 160 gars moulinent pendant cinq heures et, à la fin, c’est Peter Sagan qui gagne.
Après avoir passé la semaine à tempérer les attentes et envoyé quelques signaux de faiblesse durant la course, le champion du monde a mystifié ses rivaux et la galerie pour remporter le Grand Prix cycliste de Québec, hier après-midi.
Avec à peine 50 mètres à faire, Sagan est revenu sur le Colombien Rigoberto Urán (10
), le vainqueur de l’an dernier qui retentait le coup du kilomètre avant de s’imposer au bout de l’interminable faux plat montant sur la Grande Allée. Le Slovaque a devancé le médaillé d’or olympique, le Belge Greg Van Avermaet, et le Français Anthony Roux, qu’il a remercié pour avoir lancé ce sprint disputé vent de face.Bref, du pur Sagan, explosif, malin et spectaculaire, qui renoue avec la victoire pour son retour au Canada après sa première place au GP de Montréal en 2013.
« Il est toujours impressionnant à voir aller. Il coupe tout le monde dans les virages, il se sauve les jambes et, à la fin, il gagne la course. Heureusement qu’il n’était pas en forme ! »
— Le Québécois Hugo Houle, 26
à 11 secondesUne semaine après sa 35
place à l’épreuve de vélo de montagne des Jeux de Rio, Sagan est en effet tombé malade à la Bretagne Classic Ouest-France, ce qui l’a mis sur le carreau durant cinq jours. Ne pariez pas un sou sur moi, avait donc averti celui qui avait rangé son vélo de route après ses trois victoires d’étape au Tour de France en juillet.« Je suis toujours surpris, parce que je ne pense pas m’être beaucoup préparé pour cette course, a assuré Sagan en conférence de presse. Je me suis beaucoup préparé pour le vélo de montagne à Rio, j’ai pris un peu de repos ensuite et je suis tombé malade. Maintenant, je suis ici et je gagne. Je suis surpris et très heureux. »
Malgré les doutes sur sa propre forme, Sagan prenait visiblement cette course au sérieux. Quelques minutes avant le départ, il a sorti le ruban à mesurer, agacé par la distance entre le bout de sa selle et sa potence. Le mécano a même dû refaire des ajustements en début d’épreuve.
Avec 50 kilomètres à faire, Sagan semblait presque battu lorsqu’il s’est retrouvé en queue de peloton dans la côte des Glacis. Le leader de l’équipe Tinkoff, dont les membres ont travaillé une bonne partie de la journée pour contrôler une échappée à huit coureurs, a expliqué qu’une brusque accélération à l’avant l’avait surpris.
« Les trois derniers tours ont été mouvementés. Il y a eu plusieurs attaques, le rythme changeait toujours et le peloton se brisait. »
— Peter Sagan
Contrairement à ses deux présences à Québec en 2012 et 2013, où il avait attaqué de loin, l’athlète de 26 ans a cette fois usé de patience dans le dernier tour.
« Je me suis dit : c’est bon de rester dans le groupe et je verrai ce qui se passe dans le dernier kilomètre. Rigoberto a attaqué comme l’an dernier, mais je savais qu’il y avait vent de face et que ce serait très dur de partir seul. Il s’est arrêté juste avant la ligne et on l’a repris. »
Van Avermaet, pour qui c’était un troisième podium à Québec, n’avait aucun regret. « Peter était juste un peu trop fort », a résumé le champion olympique. Beaucoup trop fort, auraient probablement lancé tous les autres.
Penché sur son vélo après un violent effort dans le sprint final, Guillaume Boivin ne savait pas comment réagir à sa 17
place au GP de Québec.« J’ai encore trop d’acide lactique au cerveau pour penser », a soufflé le Montréalais de 27 ans. Il venait de décrocher le meilleur résultat canadien, trois rangs devant Ryder Hesjedal, ce qui lui a valu un tour sur le podium et un micro à la table de conférence de presse aux côtés du médaillé d’or olympique Greg Van Avermaet, qui lui a fait un clin d’œil, et de Peter Sagan, son ancien coéquipier chez Cannondale.
« Avec l’été que j’ai eu, je suis super content », a commenté Boivin, victime d’une triple fracture à l’épaule le 9 juin et d’une sérieuse lacération à un genou le 17 août. L’ex-champion national n’a eu qu’une dizaine de jours pour se préparer à cette première course en trois mois. Victime d’un accrochage à deux kilomètres de l’arrivée, il a perdu quelques places en remettant sa chaussure sur sa pédale. Dans les circonstances, il ne pouvait demander mieux. « On est tous des compétiteurs. J’ai quand même rêvé depuis une semaine que je faisais un bon résultat ici. C’est quand même un peu mieux qu’espéré parce que je n’avais pas vraiment d’objectif. »
Boivin a discuté quelques secondes avec Sagan, qui l’a invité au match de la Coupe du monde de hockey au Centre Bell demain soir. Les deux cyclistes avaient assisté à une rencontre préparatoire Canadien-Bruins après la victoire de Sagan à Montréal en 2013.
« Personne ici ne va se surprendre de voir Peter gagner, a commenté Boivin. C’est un phénomène. Pour avoir couru deux ans avec lui, on n’en a pas vu beaucoup comme lui dans l’histoire du cyclisme. En plus, c’est un super bon gars, qui prend bien soin de ses coéquipiers. »