Opinion Jean-François Dumas Le Québec dans l’œil du monde

L’athlète, bien avant le sport

À chaque édition des Jeux olympiques, j’installe littéralement mon équipement de camping devant le téléviseur et me voilà parti pour un long voyage. J’ai l’impression de vivre un véritable choc culturel et d’être dépaysé, sorti de ma routine médiatique habituelle.

Je perds mes référents. J’envisage de me mettre au coréen.

Il y a 20, 30 ou 40 ans, les performances athlétiques et les enjeux politiques étaient au cœur de l’image transmise par les médias.

Aujourd’hui, l’histoire, les passions et les déchirements des athlètes constituent le moteur de notre intérêt. C’est l’incarnation actuelle de la téléréalité. L’individu devenu un produit, une marque, un symbole. Nous avons même commencé à leur prêter des intentions patriotiques.

Soyons honnêtes. La plupart des sports comme le skeleton ne seront jamais des compétiteurs sérieux pour le Canadien de Montréal. En fait, on oublie presque leur nom deux semaines après les jeux. On continue pourtant de s’intéresser aux joueurs de quatrième trio du Canadien en plein mois de juillet.

Pourtant, nous voilà tous devenus gagas de cet événement. Nos médias semblent avoir compris la tendance. Peut-être aussi en sont-ils un peu la source. Les préparatifs pour les Jeux de PyeongChang ont généré 15 % plus d’intérêt que ceux de Rio et 18 % supérieur à Londres.

En 2018, les préparatifs pour les Jeux occupent une place dans le top 50 de l’actualité depuis près d’un mois. Souvenons-nous de 2010. Tant qu’un Québécois n’avait pas mis le pied à Vancouver, il fallait faire un top 5000 pour trouver une trace des Jeux d’hiver dans le corpus d’actualité.

Des mordus… pour deux semaines seulement

Malgré leur prestige et l’ampleur de la couverture, les Jeux olympiques sont affectés par un enjeu de premier plan. C’est le caractère instantané de l’événement. Ça ne dure que deux semaines. Nous devenons tous momentanément mordus des Jeux comme c’est le cas pour le Super Bowl. Ensuite, c’est fini pour un long moment. Ce sont les athlètes qui sont les plus affectés par le phénomène. 

Peu importe leur performance, aucun olympien ne fera le top 50 des gens les plus médiatisés au Québec en 2018. C’est pas Madame Minou et sa boule de cristal qui vous le dit, c’est l’expérience des 20 dernières années.

Depuis 10 ans, Alexandre Despatie, Joannie Rochette, Émilie Heymans et Alexandre Bilodeau ont été les athlètes amateurs québécois les plus cités dans nos médias. Aucun d’entre eux n’a réussi à percer le top 50 des palmarès de sportifs les plus médiatisés. Je ne vous parle pas ici du classement général. Celui-ci est composé chaque année d’au moins trois représentants du Canadien dans le top 10. Dans le palmarès des personnalités de sport, le top 10 est presque toujours dominé uniquement par des joueurs du Canadien.

Jordie Benn, 5e ou 6défenseur du CH, très loin devant Charles Hamelin. C’est tellement évident.

Attendez, je ne vous ai pas encore parlé de la représentation féminine.

En 2016, 76 % de la couverture médiatique québécoise sur les Jeux mettait en vedette une femme. Malgré les performances spectaculaires de Penny Oleksiak, seulement 1 % des nouvelles du sport en 2016, mettaient en vedette une femme.

Des athlètes tout au long de l’année

Nos médias ont entrepris un processus de changement. Ils ont accru progressivement leur intérêt pour le sujet et mettent en vedette ce qui nous intéresse le plus : l’athlète, avant son sport. Certes, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. 

Nous sommes encore loin d’un 24/CH hebdomadaire sur nos espoirs olympiques, mais ça viendra.

D’ici là, il reste aux associations de sports amateurs et aux commanditaires à faire un pas. Mettre de l’avant leurs produits que sont les athlètes, tout au long de l’année. Pensez-y un moment, si on se passionne autant pour les frasques d’Occupation double, il doit bien y avoir une petite place pour les doutes, les ambitions, les rêves et les déceptions de nos athlètes amateurs.

Le sport n’est plus un produit. C’est l’athlète qui suscite notre intérêt.

Il faut nous les vendre et nous donner des raisons d’y rêver bien au-delà du 25 février prochain.

Si vous en doutez, souvenez-vous que lorsque le Canadien sera écarté définitivement des séries, nos médias perdront 66 % de leur intérêt pour le hockey de la LNH. Dans les autres marchés, la chute d’intérêt ne dépasse pas 33 %.

Pour ça non plus Madame Minou n’y est pour rien.

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