Mixité au secondaire

DES ÉCOLES SECONDAIRES PRIVÉES DEVENUES MIXTES

1966  Collège de L’Assomption (L’Assomption)

1968  Collège Jean-Eudes (Montréal)

1970  Collège Saint-Sacrement (Terrebonne)

1972  Collège Saint-Paul (Varennes)

1986 Collège Marcellin-Champagnat (Saint-Jean-sur-Richelieu)

1992 Collège Esther-Blondin (Lanaudière)

1996 Regina Assumpta (Montréal), Notre-Dame-de-Lourdes (Rive-Sud), collège Laval (Laval)

1997 Collège de Montréal (Montréal)

2010 École des Ursulines (Québec)

2013 Collège Jean-de-Brébeuf

2016 Collège Villa Maria

Source : Fédération des établissements d’enseignement privés

MIXITÉ AU SECONDAIRE

Une première en 160 ans au collège Villa Maria

Après Regina Assumpta et les Ursulines, voilà que le collège Villa Maria a ouvert ses portes aux garçons cette année. Depuis la rentrée, une soixantaine d’entre eux se sont joints au millier de filles de cet établissement bilingue fondé il y a plus de 160 ans.

La nouvelle, annoncée il y a deux ans, n’a toutefois pas fait l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, plusieurs ex- Villamariennes (comme disent les intimes) ont vivement exprimé leur désaccord, empreint de nostalgie. « C’était une des dernières écoles de filles », se désole encore Isabelle Landry-Larue, qui y a fait son secondaire au tournant des années 90.

« Entre filles, on pouvait tout faire. Il n’y avait pas de “je ne serai pas capable” ou “il est plus fort que moi”, poursuit la jeune mère. Et moi, je me disais que mes filles vivraient la même chose. » Elle a du coup inscrit sa fille à la Villa Sainte-Marcelline, une des rares écoles secondaires à être encore réservée aux filles. Même le collège Saint-Maurice, à Saint-Hyacinthe, vient d’annoncer sa mixité pour la prochaine rentrée.

Sur le terrain, les avis sont divisés. Si la poignée de garçons rencontrés dans la cafétéria de l’école Villa Maria (entourés de filles) semblent plutôt heureux (« c’est plus merveilleux que d’avoir juste des garçons ! »), du côté des filles, on est plus nuancé.

« C’est triste, parce que c’était une tradition. »

— Commentaire d’une élève de Villa Maria au sujet de l’arrivée des garçons entre les murs de l’établissement

« On était une famille », « en même temps, à un moment donné, toutes les écoles vont être mixtes », « ça va être moins un choc culturel en arrivant au cégep », disent-elles. Mais toujours, ce nostalgique constat : « On est plus à l’aise entre filles. »

LA NON-MIXITÉ, UN « MYTHE PÉDAGOGIQUE »

Reste que la tendance lourde, au Québec, est clairement vers la mixité. « Il y a eu une diminution importante du nombre d’écoles non mixtes depuis les 10-15 dernières années », confirme Égide Royer, spécialiste en adaptation scolaire. Et la raison est toute simple. Si on a longtemps cru que la non-mixité pouvait avoir un intérêt en termes de motivation, de persévérance et de résultats (tout particulièrement chez les garçons), les dernières recherches infirment ces « mythes pédagogiques », explique le professeur de l’Université Laval.

Une méta-analyse publiée il y a deux ans dans le Psychological Bulletin de l’American Psychological Association (« la revue la plus exigeante au monde »), s’appuyant sur 184 études, 1,6 million d’élèves et 21 pays, est sans équivoque : que ce soit pour la réussite scolaire, l’estime de soi ou les aspirations professionnelles, les écoles non mixtes n’offrent pas la moindre plus-value. « Il y a zéro effet », résume Égide Royer, la référence au Québec en matière de réussite scolaire.

« L’avis, dans le métier, c’est que s’il n’y a pas de plus-value, mieux vaut alors avoir des écoles communautaires qui rassemblent tous les jeunes. »

— Égide Royer, professeur en adaptation scolaire de l’Université Laval

S’il n’y a pas d’intérêt pédagogique, pourquoi certaines familles continuent-elles, coûte que coûte, à préférer des écoles non mixtes ? « C’est la qualité de l’éducation qui va faire la différence », répond le professeur.

Geneviève Boisvert a fait une maîtrise sur la question à l’UQTR, et c’est précisément la conclusion à laquelle elle est arrivée. Son hypothèse reposait sur une idée largement répandue : en regroupant les garçons, peut-être seraient-ils davantage motivés à travailler ? Mais après observation et enquête auprès de classes non mixtes, elle a nuancé sa position. « Je me suis rendu compte qu’il ne suffit pas de mettre les garçons dans une même classe pour que la magie opère », dit-elle. Ce qui fait la différence, bien souvent, c’est l’enseignant et la qualité du programme.

C’est d’ailleurs ce qui ressort de tous les témoignages de parents recueillis pour ce reportage. « Ce n’est pas tant une école non mixte qu’on voulait qu’une école où mon fils serait bien », témoigne une mère au sujet de Brébeuf, où filles et garçons demeurent dans deux pavillons distinct. « J’ai beaucoup aimé l’école, mais je regrette presque qu’elle soit non mixte », rajoute un père, au sujet du pensionnat du Saint-Nom-de-Marie.

NOUVELLE RÉALITÉ

Du côté de Villa Maria, la direction avoue ne pas avoir fait de « grande réflexion » pédagogique sur la question. « Je ne suis pas une experte là-dedans. J’ai choisi de ne pas aller là. Les écoles de pensée sont partagées, mais on n’a pas voulu se lancer dans cette grande réflexion », résume la directrice Marie Anna Bacchi, en entrevue. 

Si l’établissement s’est ouvert à la mixité, c’est tout simplement une question d’occasions favorables. « La démographie est à la baisse, dit-elle, et nous avons ici accès à un plus grand bassin d’élèves. Il y a de plus en plus d’écoles mixtes. Et cela représente aussi beaucoup plus la réalité du XXIe siècle », fait-elle valoir.

Faut-il le rappeler ? L’éducation mixte est aussi ancrée dans notre réalité.

« On vit dans un monde mixte ! »

— Wiliam Bukowski, professeur de psychologie de l’Université Concordia

Le professeur qualifie aussi les prétentions pédagogiques de la non-mixité de « complètement loufoques » (« cuckoo »). « Cela va complètement à l’encontre de tout ce que l’on sait sur les différences de genre et l’apprentissage cognitif, rappelle-t-il. Les similarités dépassent tellement de loin les minuscules différences. » Surtout, il y a bien plus de différences entre les gars qu’entre les gars et les filles, nuance-t-il.

Selon lui, il faut aussi prendre en compte la notion d’égalité. « C’est une question d’égalité des chances, dit-il. Les écoles de garçons ont longtemps été des écoles de l’élite, où l’on formait les politiciens. Limiter l’accès des filles, c’est limiter leurs opportunités. » Mais il y a plus. C’est aussi une question de bien vivre en société. Et cela, ça s’apprend. « Or, apprendre à fonctionner avec tous les membres d’une société, ça ne peut pas se faire dans un environnement non mixte », tranche-t-il.

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