Lanaudière 

« Créer de l’espoir » chez les jeunes Atikamekw

La moitié des Atikamekw de Manawan ont moins de 25 ans. Et ils n’ont pas d’emploi. Pour changer la donne, leur chef Jean-Roch Ottawa propose une démarche originale. Il souhaite rapprocher sa communauté et celles de Lanaudière et des Hautes-Laurentides.

D’énormes défis

Le village de Manawan compte 2500 personnes. Il se trouve dans la région de Lanaudière, au bout d’une longue route non asphaltée, à 90 minutes au nord de Saint-Michel-des-Saints. « Nous avons d’énormes défis à relever », reconnaît le chef Jean-Roch Ottawa. Ils concernent la santé et l’éducation. Sans compter la « grande préoccupation » liée à la légalisation du cannabis. Car, précise-t-il, elle risque d’accentuer les problèmes de consommation déjà présents dans la communauté. Au-delà de ces graves enjeux, il s’inquiète pour les jeunes. « Il y en a beaucoup, et c’est pour eux qu’il faut se préparer, dit-il. Il faut trouver tous les moyens pour créer chez eux de l’espoir. »

Trouver des solutions 

À Manawan, la moyenne d’âge est de 19 ans, contre 41 ans pour l’ensemble du Québec. Le taux de chômage approche les 18 %. L’essentiel de l’emploi est créé par des postes dans le Conseil de Manawan et par quelques entreprises en foresterie, en transports, en télécoms, dans le tourisme, l’épicerie, au centre sportif, etc. Mais c’est loin d’être suffisant. « Même avec six ou sept nouvelles PME, on ne pourrait pas engager tous nos jeunes, constate le chef. Aujourd’hui, il faut être ouvert. Il faut oser aller à l’extérieur. » L’heure est au rapprochement. Car il faut trouver des solutions pour les 500 jeunes sans-travail « presque tous sur la sécurité du revenu » (aide sociale), précise-t-il. Cette situation intenable, ajoute-t-il, entraîne un déficit annuel de plus de 600 000 $ à ce poste et plombe le budget de la communauté.

Embaucher la main-d’œuvre 

Le travail du chef Ottawa et de son équipe porte sur plusieurs aspects. Et il faudra encore du temps pour en voir tous les effets. Mais le message commence à se diffuser auprès des élus municipaux, des responsables d’organismes du milieu et des entreprises. « La région a besoin de travailleurs, dit-il. Pourquoi ne pas profiter de la main-d’œuvre disponible dans la seule communauté autochtone qui est dans Lanaudière ? » D’ailleurs, l’Auberge du Lac Taureau prépare une visite à la fin d’avril pour familiariser les jeunes de Manawan aux lieux. « Nous les encourageons à venir travailler avec nous », dit Mélanie Benoit, adjointe au directeur et aux ressources humaines.

Développer des initiatives 

Plusieurs initiatives se développent dans les villes avoisinantes. Parmi elles, un projet pilote d’un an en formation à l’emploi, nommé Mihitisowin (« se prendre en main »), sera offert à Joliette. À cela s’ajoute un comité d’emploi mis en place avec les municipalités de Saint-Zénon et de Saint-Michel-des-Saints. Du côté des grands chantiers, une usine de granules de bois de 40 millions, la Granaudière, pourrait voir le jour cette année. « Nous allons participer au projet en tant qu’actionnaires au bénéfice de nos membres, dit le chef Ottawa. Des emplois seraient disponibles en fonction des exigences et compétences requises. » De plus, la minière Nouveau Monde étudie la possibilité d’exploiter un gisement de graphite en territoire atikamekw. Et la scierie de Saint-Michel a rouvert ses portes il y a plus d’un an.

Être créatif 

Étant donné l’éloignement, des solutions sont proposées pour régler la question du logement. « Ça peut devenir un obstacle assez important, souligne Éric Charland, directeur adjoint au développement social. À la longue, les allers-retours sur ce chemin de terre, sans réseaux cellulaires en cas de pépins, c’est difficile. » Le Conseil de Manawan étudie la possibilité d’acheter une roulotte, et une maison à Saint-Michel-des-Saints, pour loger les travailleurs. Des horaires flexibles de plusieurs jours de travail, suivis d’un congé (comme sur les chantiers du Grand Nord), sont avancés. « Un encadrement adapté de la part des employeurs est une clé de succès », dit le chef Jean-Roch Ottawa.

Se rassembler 

« Au printemps, j’étais au centre de formation de La Tuque et j’ai été agréablement surpris de voir que la clientèle était formée à 50-50 de jeunes Québécois et de jeunes Atikamekw, se rappelle Éric Charland. J’ai dit aux jeunes : “Cette mixité, c’est bon pour vous. Vous allez commencer à bâtir des relations à très bas âge.” » Bien sûr, les autochtones savent qu’il y a encore beaucoup à faire pour sensibiliser la population à leurs réalités. Mais les choses progressent. Et il y a aussi de l’espoir pour la communauté. « On a 60 jeunes qui sont au collège et à l’université, à Joliette et à Trois-Rivières, dit le chef Ottawa. C’est important, car c’est une bonne relève pour nous. »

La culture atikamekw

Les Atikamekw sont divisés en trois bandes : Manawan (au nord de Saint-Michel-des-Saints), Opitciwan (rive nord du réservoir Gouin) et Wemotaci (au nord-ouest de La Tuque). La nation compte près de 8000 personnes. Une des grandes valeurs de la nation atikamekw est le partage. « Les gens aident beaucoup », dit le chef Jean-Roch Ottawa, du Conseil des Atikamekw de Manawan. L’atikamekw est la langue maternelle. Il est parlé par toute la nation. « C’est la langue première de chaque enfant, dit Éric Charland, directeur adjoint au développement social, de Manawan. Le fait de l’avoir parlé a assuré la survie de la nation. » Le français est la langue seconde. Les Atikamekw pratiquent encore leurs activités traditionnelles liées à chacune de leurs six saisons.

Source : Atikamekw de Manawan

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