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L’Europe s’entre-déchire sur le sort des migrants

Bien que l’afflux de migrants vers le continent ait sensiblement diminué depuis le pic de la crise en 2015, l’Europe continue de se diviser sur la manière de composer avec le phénomène.

« La tendance générale est à l’hostilité » envers les migrants, déplore le directeur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), Frédéric Mérand.

Même l’Allemagne, qui avait contribué à apaiser les tensions au plus fort de la crise en acceptant des centaines de milliers d’entre eux sur son territoire, se déchire ouvertement sur la question.

La chancelière Angela Merkel est en conflit avec le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, qui préconise un durcissement des politiques en vigueur à leur encontre. Le politicien conservateur, qui dirige la CSU, principal parti de Bavière, a dû surseoir à l’annonce d’un nouveau plan en matière d’immigration en raison d’un différend sur l’une des mesures proposées.

Selon la Deutsche Welle, Mme Merkel s’oppose à l’idée que les migrants qui se présentent en Allemagne après avoir enregistré une demande d’asile dans un autre pays ou s’être vu refuser un tel statut soient simplement refoulés à la frontière.

Une telle approche, note M. Mérand, aurait pour résultat de freiner complètement l’entrée de migrants en Allemagne, puisque la quasi-totalité d’entre eux accèdent au continent en passant par les pays du Sud et sont normalement tenus à leur arrivée d’enregistrer une demande d’asile sur place.

Rhétorique anti-immigration

L’analyste note que le durcissement proposé par Horst Seehofer est inspiré par des considérations « politiques » et reflète les inquiétudes de son parti à l’approche d’élections régionales en Bavière, où l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) risque de faire bonne figure.

En misant essentiellement sur une rhétorique anti-immigration, la formation populiste a réussi à remporter près d’une centaine de sièges lors des élections législatives de 2017 et continue de faire campagne sur le thème, faisant croître la pression sur la coalition formée par la CDU, parti d’Angela Merkel, ses alliés de longue date de la CSU et les sociaux-démocrates.

Selon M. Mérand, la CSU a toujours été plus conservatrice que la CDU et cherche, par ses prises de position sur les questions de l’immigration, à déplacer le curseur politique vers la droite. Il semble cependant peu probable, dit-il, que le différend mène à un schisme durable susceptible de compromettre la coalition au pouvoir.

Hier, Horst Seehofer a boycotté un « sommet sur l’intégration » organisé par Angela Merkel, préférant s’afficher publiquement aux côtés du chancelier de l’Autriche, Sebastian Kurz, qui souhaite créer un « axe des volontaires [axis of the willing] pour lutter contre l’immigration illégale » avec l’Italie et l’Allemagne.

M. Kurz a promis de faire de cette question une priorité lorsque son pays prendra la tête de l’Union européenne au milieu de l’été, ce qui laisse entrevoir de nouvelles prises de bec sur le sujet.

« Le retour à l’égoïsme »

L’Italie, qui vient de se doter d’un gouvernement hostile à l’immigration, croisait pendant ce temps le fer avec la France relativement à la décision de Rome de refouler un bateau de SOS Méditerranée chargé de migrants.

Le président de France Emmanuel Macron a indigné le ministre de l’Intérieur de l’Italie, Matteo Salvini, en reprochant à son pays d’avoir agi de manière « cynique » et « irresponsable » dans ce dossier. C’est finalement l’Espagne qui a accepté d’accueillir les migrants en question.

De manière générale, ce sont l’Italie et la Grèce qui doivent composer principalement avec l’afflux de migrants.

La Commission européenne avait tenté d’imposer un plan de répartition à travers le continent pour alléger leurs responsabilités, mais plusieurs pays, dont la Hongrie, y ont opposé une fin de non-recevoir, le rendant en pratique inopérant.

« Les pays qui se sont montrés plus généreux déplorent aujourd’hui que les autres pays n’aient pas suivi. C’est le retour à l’égoïsme », déplore M. Mérand.

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