ZOOM TECHNO

À L’ASSAUT

DE L’INTERNET SECRET

Certains recoins de l’internet sont cachés. Le réseau TOR, par exemple, est utilisé par les agents secrets et les réseaux criminels. Ils ne sont plus seuls : les géants du commerce électronique s’y installent, tout comme des entreprises qui veulent rassurer leurs clients sur la confidentialité de leurs données, comme les cabinets d’avocats. Nos explications.

MOZILLA À LA RESCOUSSE

Depuis l’automne dernier, la société Mozilla, qui commercialise le navigateur Firefox, a un partenariat officiel avec le projet TOR pour augmenter sa capacité, actuellement limitée à 10 millions d’utilisateurs, et pour en accélérer la rapidité. TOR est basé sur la plateforme Firefox, et Mozilla veut concevoir une application pour téléphone portable qui permettrait d’accéder à TOR. Selon un communiqué, le projet TOR a choisi Mozilla parce qu’il s’agit d’une entreprise indépendante n’ayant pas de volet de commerce électronique et publicitaire, et qui « a parmi ses valeurs fondamentales la croyance que la vie privée des individus ne peut être considérée comme optionnelle ». Une possibilité est que TOR puisse bénéficier de l’ordinateur de chaque utilisateur de Firefox.

EN CHIFFRES

500 000 : Nombre d’usagers quotidiens du réseau TOR en 2011

2 millions : Nombre d’usagers quotidiens du réseau TOR en 2015

10 millions : Capacité maximale du réseau TOR, en nombre d’usagers

SOURCE : Projet TOR

UN VERNIS DE VERTU

En octobre dernier, Facebook a dévoilé une version de son site ayant le suffixe « .onion », un domaine internet qui n’est accessible qu’avec le navigateur TOR, qui bloque les publicités et les témoins (cookies). Deutsche Telekom a aussi annoncé un projet impliquant TOR pour faciliter les communications secrètes, selon Bloomberg Business Week. Il faut dire que l’Allemagne a été particulièrement choquée par les révélations de Wikileaks sur l’espionnage américain des citoyens allemands, et même de la présidente Angela Merkel. « Ça permet à une entreprise de montrer à ses clients qu’elle ne collabore pas avec les gouvernements », a expliqué à l’hebdomadaire américain un professeur de sécurité informatique de l’University College de Londres. Des transactions pourraient également y être faites à l’abri des publicitaires et des agrégateurs de données transactionnelles.

EN QUELQUES DATES

1995 : Le bureau de recherche de la marine américaine lance un projet de cryptage à plusieurs niveaux des données internet, surnommé The Onion Router (TOR).

1997 : L’agence de financement de recherche militaire DARPA s’implique dans TOR.

2002 : Version bêta de TOR.

2004 : Présentation de TOR à la conférence annuelle de l’Association pour les systèmes informatiques avancés USENIX. La marine américaine offre le logiciel gratuitement.

2006 : Fondation du projet TOR, une ONG située au Massachusetts qui, depuis, gère TOR avec l’aide de l’Electronic Frontier Foundation.

2011 : Lancement de la plateforme de trafic de drogue Silk Road sur TOR.

2012 : Les fondateurs du projet TOR sont inclus dans la liste des 100 penseurs les plus influents du magazine Foreign Policy.

2013 : Le FBI ferme Silk Road.

SOURCES : WSJ, BBC, Projet TOR

MÉDIAS ET AVOCATS

Selon Business Week, au moins un cabinet d’avocats, Tor Ekeland à New York, spécialiste des cas de piratage informatique, utilise TOR pour communiquer avec ses clients. Parmi les pirates défendus par MEkeland, on retrouve Andrew Weev Auernheimer, qui a découvert en 2010 une faille dans la protection des tablettes iPad de clients d’AT & T et l’a transmise au site d’information Gawker, avant d’en avertir AT & T. M. Auernheimer a été condamné en 2013 à 41 mois de prison dans ce dossier. Il défend aussi Matthew Keys, un journaliste de Reuters qui a fourni en 2010 au groupe de pirates Anonymous son mot de passe du Los Angeles Times, son ancien employeur (Anonymous s’en est servi pour acquérir un mot de passe d’administrateur et faire une blague en changeant le titre d’une petite nouvelle politique sur le site du LA Times). Business Week rapporte aussi que des médias comme le Washington Post et le Guardian de Londres se servent aussi de TOR pour recueillir les confidences de délateurs.

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