Santé

Bisbille chez les omnipraticiens

Des médecins de famille des Laurentides et de Lanaudière tentent de réformer la manière d’élire leurs délégués régionaux. Leurs collègues de partout au Québec suivent la situation de près.

Une quinzaine de médecins de famille des Laurentides et de Lanaudière estiment que leur voix n’est pas suffisamment entendue à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ). Choqués, ils ont obtenu la tenue d’une assemblée extraordinaire de leur association, le 15 septembre prochain. Les 600 médecins de la région y seront notamment invités à se prononcer sur l’opportunité de voter pour leurs délégués par scrutin électronique et universel.

Ce vote pourrait faire boule de neige, et sera donc suivi de près par les quelque 9000 médecins de famille de la province regroupés au sein de la FMOQ.

Chaque automne, la majorité des 19 associations régionales de la FMOQ procèdent à l’élection de leurs délégués.

Pour élire leurs délégués, les médecins de famille de chaque région doivent se présenter en personne à leur assemblée annuelle.

Omnipraticienne de Terrebonne, la Dre Anna Maureen Lewis estime qu’il est un peu absurde de s’attendre à ce que tous les membres de l’Association des médecins omnipraticiens des Laurentides-Lanaudière (AMOLL) se déplacent tous en même temps pour voter. Estimant que l’organisation actuelle de la FMOQ « empêche une influence directe des membres de la base », la Dre Lewis a demandé la tenue de l’assemblée extraordinaire pour obtenir, notamment, le vote électronique.

« Je propose ce changement pour améliorer le taux de participation électorale et pour se conformer aux normes de gouvernance en vigueur en 2016 », plaide-t-elle.

Dans un article paru le 16 avril dernier sur le site professionsanté.ca, la Dre Louise Lemay, omnipraticienne, note que le taux de participation lors des élections des délégués régionaux des associations de la FMOQ est très faible et oscille entre 8 et 20 %.

Dans ce texte, la Dre Lemay critique la gouvernance de la FMOQ. Elle souligne entre autres que plusieurs autres provinces ont instauré le vote électronique et par la poste depuis 2006, une tendance « beaucoup plus compatible avec la nature même de [leur] travail et les obligations familiales ».

À la FMOQ, on assure plutôt que les associations permettant le vote électronique aux membres sont rares.

POUR LE STATU QUO

Mercredi dernier, le président de l’AMOLL, le Dr Marc-André Amyot, a écrit à ses membres pour leur annoncer la tenue de l’assemblée générale extraordinaire et pour expliquer que l’exécutif de l’AMOLL est contre les changements demandés.

Le Dr Amyot rappelle que les statuts de l’AMOLL ont été modifiés en 2013 après consultation des membres et qu’aujourd’hui, il n’y a « aucune urgence à apporter les modifications proposées ».

Selon lui, le « besoin d’un processus de vote électronique ne semble pas d’emblée évident » puisque dans les Laurentides, 62 % des médecins de famille demeurent à moins de 50 km du lieu de l’assemblée générale annuelle.

En entrevue, le Dr Amyot dit vouloir entendre ses membres, mais il estime que les délégués de l’AMOLL, qui proviennent de différents milieux, sont « représentatifs de la base ».

La Dre Lemay réplique que s’il est vrai que les délégués proviennent de différentes villes ou régions, ils sont « souvent élus par défaut ou par 8 % des membres ». « Est-ce vraiment représentatif de ce que les gens veulent ? », demande-t-elle.

Pour le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, le fait qu’une assemblée extraordinaire se tienne en septembre à l’AMOLL est justement la preuve que la « démocratie fonctionne » à la FMOQ.

« Les régions, sous-régions et les différents milieux de pratique sont tous bien représentés. Oui, certaines personnes ont le droit de remettre notre gouvernance en question. On est à l’écoute », dit le Dr Godin

« Si une majorité de membres et d’associations nous demandent de changer nos façons de faire, on le fera. Mais il faut s’assurer qu’une majorité d’associations le demande et se donner des règles pour que ce soit fait correctement », ajoute-t-il.

Les changements qui seront présentés lors de la séance extraordinaire de l’AMOLL le mois prochain devront être appuyés par 75 % des votants pour être entérinés.

LES RETOMBÉES DU PROJET DE LOI 20

Les plus récentes critiques sur la gouvernance de la FMOQ ont émergé l’automne dernier, à la suite de l’adoption du projet de loi 20. Les médecins du Regroupement des omnipraticiens pour une médecine engagée (ROME) ont alors déploré que l’entente conclue entre Québec et la FMOQ à ce sujet n’ait pas été soumise au vote universel des membres. Porte-parole de la FMOQ, Jean-Pierre Dion explique que sa fédération signe environ « une entente par mois » avec le gouvernement et que consulter les membres chaque fois au suffrage universel « serait très complexe ». La FMOQ rappelle qu’elle soumet systématiquement les ententes générales au vote de ses membres, comme elle l’a fait en 2011. La semaine dernière, l’Association des médecins de l’Ontario a soumis sa plus récente entente avec le gouvernement à la consultation de ses membres. Un peu plus de la moitié des quelque 34 000 membres se sont prononcés et ont rejeté l’entente à 67 %, forçant le gouvernement à reprendre les négociations.

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