ENTRAÎNEMENT

Champions de la mobilité

« On veut casser la rumeur selon laquelle ça prend une voiture pour travailler à Saint-Laurent, dit Aline Berthe, coordonnatrice de Moba (pour Mobilité alternative), un centre de gestion des déplacements situé dans cet arrondissement montréalais. De plus en plus de gens viennent en vélo ou en courant. »

Saint-Laurent compte 100 000 citoyens et 100 000 travailleurs. Fait original, « ce ne sont souvent pas les mêmes », note Mme Berthe. Seulement 10,43 % de la population laurentienne y travaille, selon l’enquête Origine-destination 2013 de l’Agence métropolitaine de transport.

Conséquence : il y a beaucoup de va-et-vient en voiture dans le secteur, pas toujours bien desservi par les transports en commun. Certains employés peuvent grimper dans le bus pour se rendre au boulot le matin, « mais ils ne peuvent pas le reprendre pour repartir le soir, parce qu’il passe de l’autre côté de l’autoroute, illustre Mme Berthe. C’est un gros casse-tête ».

Pour accroître le nombre de travailleurs qui se déplacent à pied, à la course ou à vélo, Moba a lancé le projet-pilote Les Champions de la mobilité, en collaboration avec l’arrondissement de Saint-Laurent. Pendant tout mai – mois de l’activité physique et mois du vélo –, les employés laurentiens sont invités à enregistrer leurs trajets actifs sur le réseau social pour athlètes Strava, grâce au GPS de leur montre ou de leur cellulaire. Pas besoin de courir tel Forrest Gump : marcher depuis le métro Côte-Vertu est assez vertueux pour être un Champion de la mobilité.

MOYENNE DE 12 KM PAR TRAJET ACTIF

C’est un succès. En date du 13 mai, 60 travailleurs étaient inscrits au projet-pilote (12 femmes et 48 hommes). « Ils ont effectué 376 déplacements actifs, totalisant 4515,8 km, en 13 jours », a calculé Olivier Roy-Baillargeon, docteur en aménagement de l’Université de Montréal et consultant pour Moba. Moyenne par trajet : 12 km, de quoi tenir bien en forme.

Sur Strava, « on voit l’itinéraire exact qu’ils ont emprunté, dans quel secteur ils résident, où ils se rendent travailler, s’ils prennent les pistes cyclables ou pas, indique M. Roy-Baillargeon. Ça permet de savoir si les pistes cyclables sont au bon endroit, par rapport aux pratiques concrètes des gens. Et ça a un effet d’émulation. Vous êtes chez vous le matin, tenté de prendre la voiture parce qu’il ne fait pas très beau. Vous ouvrez l’appli, vous voyez que cinq de vos amis sont partis en vélo ou à la course. C’est l’électrochoc. Vous vous dites : si eux ont été capables de le faire, moi aussi ! »

Mardi prochain, lors de la fête AlterAuto de Saint-Laurent, des prix seront remis aux travailleurs les plus assidus, les plus déterminés (grande distance), ainsi qu’à ceux qui ont convaincu le plus de collègues de troquer les escarpins pour les baskets. L’employeur qui aura le mieux favorisé la mobilité active sera aussi récompensé.

À VÉLO SUR CÔTE-DE-LIESSE

Il y a des cas étonnants. Le fabricant de simulateurs CAE, situé sur l’inhospitalier chemin de la Côte-de-Liesse, compte de 200 à 300 employés (sur 3500) qui vont travailler à vélo, à la belle saison. « On a des douches pour eux et des supports à vélo surveillés par la sécurité », indique Pascale Alpha, directrice des communications mondiales de CAE.

« La recherche l’a montré : avoir un sentiment de contrôle sur ses déplacements et effectuer une activité physique d’intensité modérée facilitent la circulation sanguine, souligne M. Roy-Baillargeon. Le cerveau est mieux irrigué, l’humeur est meilleure. Si, par surcroît, les employés ont l’impression que leur employeur en fait beaucoup pour les accommoder, ça renforce leur sentiment d’appartenance, ce qui est un important facteur de rétention de main-d’œuvre. »

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