Marketing sensoriel

Séduire le consommateur par le nez

Quelques entreprises de la région de Montréal ont flairé la tendance du marketing olfactif et créent des odeurs sur mesure pour leurs différents clients.

« Jusqu’ici, on a misé sur la musique et le visuel, mais l’odorat est le sens le plus fort, soutient avec passion le propriétaire de Flair marketing olfactif, Jonathan Rasier. Un homme passe à côté de vous et il a la même odeur que votre premier copain à 15 ans. À cause de l’odeur, vous vous mettez à penser : "Où habite-t-il ? Que devient-il ?" »

« L’odeur vient chercher une mémoire du passé. Quand on met ça au niveau commercial, c’est extraordinaire ce que ça peut faire. Ça donne une impulsion d’achat. »

— Jonathan Rasier

M. Rasier a été l’un des premiers à défricher le marché. Depuis 2009, sa petite équipe de Laval imagine des fragrances, les fabrique sur place et installe ses propres diffuseurs dans les hôtels, les centres de sports et les cliniques de santé.

Élixir, qui a vu le jour en 2014, intègre l’olfactif dans une expérience multisensorielle. Elle se spécialise dans l’organisation d’événements et les médias. La jeune entreprise collabore avec Aromaestro, à Blainville, qui a développé en 2015 des diffuseurs connectés distribués au Canada et en Europe.

Pas d’hier

La technique ne date pourtant pas d’hier. Pensez à l’odeur du pain chaud qui émane de la boulangerie… À celle de la tarte aux pommes qui vous accueille lors de la visite d’une maison à vendre. 

« Même si c’est répandu en Europe et aux États-Unis, il y a beaucoup d’éducation à faire au Québec, précise Christine Chamberland-Beaudoin, présidente et fondatrice d’Élixir. Quand on va rencontrer les clients, on se rend compte qu’on ouvre un nouveau tiroir dans le cerveau. Ils nous disent : "Ah oui, ça existe !" Maintenant que c’est supporté par une technologie automatisée à la fine pointe, ça vient faciliter et grandir l’éventail des possibilités », explique-t-elle avec un grand enthousiasme.

La création d’un parfum unique utilisé avec un diffuseur haut de gamme peut coûter de 500 $ à 10 000 $. Pourquoi ne pas se rabattre sur les parfums d’ambiance vendus au supermarché, que l’on branche dans une prise de courant ? « La senteur est trop forte, non contrôlable et laisse des résidus mouillés, soutient Jonathan Rasier. Avec un diffuseur de qualité, le parfum est sec, sans résidus, sans alcool et reste dans l’air plus longtemps. »

Des limites

Selon le professeur émérite de HEC Montréal Jean-Charles Chebat, qui a effectué plusieurs recherches sur le terrain, le procédé fonctionne, mais a ses limites. « Ce n’est pas une baguette magique. Ça prend, au départ, un bon service, un bon prix et un bon produit. Il n’y a pas de garantie qu’une odeur agréable va faire vendre. »

Et encore faut-il trouver ce qu’est une odeur agréable. Une tâche ardue, lorsque l’on constate que l’odeur de la rose peut évoquer à la fois une Saint-Valentin réussie et l’enterrement d’un proche. Les associations émotives changent la perception des odeurs. « Il faut d’abord tester le parfum sur la clientèle cible, souligne Jean-Charles Chebat, car ça peut avoir des effets inverses. »

Lors d’une étude dans un centre commercial de la région de Montréal, l’équipe du professeur avait choisi l’odeur du citron, croyant qu’elle allait donner une impression plus agréable du centre. Or, les clientes associaient le citron à leur cuisine ou à leur toilette. « Ce n’était pas encore au point, notre affaire ! Mais avec une combinaison de senteurs d’agrumes, la perception du centre commercial, des magasins et des produits a changé. Les clients trouvaient les produits et les prix plus attrayants. »

Est-ce qu’une odeur vaut mille mots ? Est-ce que l’utilisation de l’odeur en marketing est plus efficace que l’image ou la musique ? Selon le professeur, aucune recherche ne l’a encore vérifié.

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